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Archive pour décembre, 2014

Le Récif de corail – de Maurice Gleize – 1938

Posté : 12 décembre, 2014 @ 3:27 dans 1930-1939, GABIN Jean, GLEIZE Maurice | Pas de commentaires »

Le récif de corail

Dans les deux ou trois ans qui ont précédé la guerre, Jean Gabin a tourné avec les plus grands cinéastes, enchaînant quelques-uns des plus grands chefs d’oeuvre du cinéma français : Pépé le Moko de Duvivier, Gueule d’amour de Grémillon, La Grande Illusion et La Bête humaine de Renoir, Le Quai des brumes et Le Jour se lève de Carné ! Une liste hallucinante au milieu de laquelle il faut rajouter ce Récif de corail dont je n’avais jamais entendu parler, réalisé par un Maurice Gleize dont j’avoue ne rien connaître.

Un faux pas dans cette série magique ? Certainement pas, parce que malgré ses quelques défauts, et même si le film ne bénéficie pas d’une atmosphère aussi exceptionnelle d’un Quai des brumes par exemple, on aurait tort de sous-estimer ce Récif de corail, qui offre à Gabin l’un de ces personnages marqués par le destin et condamnés par la société qu’il enchaînait à l’époque.

Adapté (par Charls Spaak) d’un roman de Jean Martet, Le Récif de corail empreinte à une longue tradition de fictions françaises, que ce soit romanesque ou cinématographique : le film évoque tour à tour Les Misérables (pour le personnage du flic coriace, interprété par un Pierre Renoir assez inoubliable, silhouette inquiétante avec son long ciré noir) ou Le Hussard sur le toit (pour la séquence de l’épidémie), et s’inspire du fameux réalisme poétique très prisé par le cinéma français d’alors.

Gabin est un homme dont on ne sait rien, si ce n’est qu’il cherche à quitter secrètement l’Australie, où il a tué un homme. S’engageant sur un bateau, il sert de bouc-emissaire à des traficants, rencontre un ermite qui l’invite à le rejoindre sur son île paradisiaque, frôle le Mexique avant de retourner malgré lui en Australie où il échoue dans une région touchée par une épidémie mortelle, où il rencontre un belle jeune femme qui vit loin de la civilisation, fuyant un mystérieux passé…

On le voit, l’histoire ne lésine pas sur les rebondissements et les coups du destin. Trop, sans doute : les multiples épisodes ne donnent guère le temps de se poser. Et le personnage féminin, interprété par Michèle Morgan (l’occasion de reformer le couple déjà mythique du Quai des brumes), manque cruellement d’épaisseur. Mais il ne faut pas bouder son plaisir : Le Récif de Corail est un film d’aventures vif et plein de surprises, qui met en scène des personnages marqués par le destin, mais avec une bienveillance et un optimisme rares à cette époque.

De rouille et d’os – de Jacques Audiard – 2012

Posté : 12 décembre, 2014 @ 3:20 dans 2010-2019, AUDIARD Jacques | 1 commentaire »

De rouille et d'os

Deux éclopés renaissent à la vie grâce à leur rencontre. Lui vit de petits boulots et de combats clandestins, et doit s’occuper de son fils de 5 ans dont il ne connaît à peu près rien. Elle est une dresseuse d’orque qu’un tragique accident prive de ses jambes… Le sujet est casse-gueule, promettant de belles envolées lyriques et de grandes scènes tire-larmes… Jacques Audiard en tire un chef d’oeuvre à la fois brut et délicat, sans artifice et d’une beauté sidérante.

Audiard filme Marion Cotillard amputée de ses jambes comme la regarde le personnage joué par Matthias Schoenaerts : avec naturel, sans s’appitoyer et sans s’apesantir. Comme si ce handicap n’était qu’un accident de la vie, et pas une fin en soi. Confiant en son sujet (tiré d’un roman de Craig Davidson), Audiard n’évite aucune des scènes attendues. Mais il les filme avec une sobriété radicale, pas comme « les grands moments à ne pas rater ».

Cette simplicité renforce la beauté de la rencontre. Elle rend aussi certaines scènes particulièrement éprouvantes. Parce qu’on le sait proche mais que la vie semble se dérouler normalement, l’imminence de l’accident en devient quasiment insupportable. Et pour filmer Marion Cotillard découvrant l’absence de ses jambes, il filme la chambre d’hôpital en plan large, sans artifice, retardant le moment de la découverte. Pas besoin de souligner quoi que ce soit, Audiard se place, avec pudeur, à la place du spectateur.

Si le film est aussi beau, c’est que ses deux personnages principaux sont passionnants, et parce qu’ils sont interprétés par deux comédiens en état de grâce. Schoenaerts, une découverte, et Marion Cotillard, qui n’a peut-être jamais été aussi bien que dans ce rôle difficile et franchement piège. Une femme perdue, clouée dans un fauteuil, fermée à la vie, qui se relève grâce à la rencontre avec ce type frustre et bestial qui la traite comme une femme, et non comme un freak.

Mais lui aussi a besoin d’être sauvé. Comme elle est prisonnière d’un corps estropié, lui est perdu dans un corps trop plein d’une énergie dont il ne sait que faire. Un type perdu, prêt à abandonner la partie. Il faut le voir durant un combat particulièrement violent, à terre, acceptant les coups avec fatalité, reprendre soudain le dessus et se redresser parce que son regard est tombé sur Stéphanie (Marion Cotillard), debout sur ses prothèses, boosté par sa volonté à elle.

C’est à une double renaissance que l’on assiste. Ces deux êtres paumés et paniqués par la vie qui les attendait, se trouvent et se reconstruisent. Pas si facile, pour ces deux écorchés, qui devront affronter leurs propres démons. Pour lui surtout, peut-être le plus largué des deux, qui devra accepter son amour pour elle, et son rôle de père, ce qu’il fera avec une rage déchirante (et avec ses poings), avant de s’ouvrir enfin dans une scène d’une simplicté et d’une beauté absolument sublimes…

Crise (Krisis) – de Ingmar Bergman – 1946

Posté : 12 décembre, 2014 @ 2:55 dans 1940-1949, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

Crise

Premier film de Bergman réalisateur et déjà, on remarque l’importance extrême des visages, et quelques gros plans évocateurs qui en disent plus que de longs dialogues. On trouve aussi des thèmes qui reviendront dans tout le cinéma bergmanien : le film, poignant, parle de la difficulté de communiquer, de la nostalgie de ce qui n’est plus, et de la peur abyssale de la solitude. La peur, aussi, de n’aimer les autres que pour soi-même, et pas par pur altruisme.

Bergman installe son histoire dans un petit village comme hors du temps. Une voix off dit bien que rien ne vient jamais altérer cette vie tranquille et sans aspérité : ni commerce, ni train, ni rien… Tout juste un bus qui, ce jour-là, amène le tumulte de la grande ville : une femme entre deux âges qui vient reprendre la fille qu’elle n’a pas élevée, préférant la confier à une vieille fille.

Ce sont trois femmes à la croisée des chemins, et trois femmes terrorisées par l’avenir. La jeune fille anxieuse de devenir une femme, la mère adoptive malade (même physiquement) à l’idée de vieillir seule, et la mère biologique qui ne récupère sa fille que parce qu’elle a fait le même constat, consciente que sa vie de séduction et d’aventures est derrière elle.

Entre ces trois-là, malgré les longues discussions, il y a toujours quelque chose de non-dit, une incapacité à se livrer totalement. Quelques effusions presque arrachées quand même, suffisamment pour qu’on devine ce que cachent ces visages un peu fermés.

Bergman avait déjà fait ses preuves en tant que scénariste. Il révèle déjà une vraie vision de cinéaste, utilisant des figures qui reviendront tout au long de sa carrière : ses fameux dialogues cadrés avec un visage de face et l’autre de profil, les deux semblant fixer le vide. Et déjà, même si on est loin du dépouillement de ses grands films à venir, c’est quand il se concentre sur ces visages que l’émotion est la plus forte.

Cette belle oeuvre de jeunesse est déjà hantée par tout ce qui fera la grandeur du cinéma bergmanien, et par tous ses grands thèmes, de la hantise du temps qui passe à l’incommunicabilité entre les êtres, même les plus proches.

Escrocs mais pas trop (Small Time Crooks) – de Woody Allen – 2000

Posté : 12 décembre, 2014 @ 2:52 dans 2000-2009, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Escrocs mais pas trop

Ce Small Time Crooks n’est sur le papier qu’une petite fantaisie sans grande envergure. Et c’est effectivement un Allen très mineur. Médiocre, même, dans la première demi-heure, parodie lourdingue et pas vraiment drôle du film de braquage, histoire d’une bande de pieds nickelés qui veulent creuser un tunner pour pénétrer dans le coffre d’une banque.

« - Danny n’est pas stupide parce qu’il conduit un camion.
- Non, Danny est stupide parce qu’il a un QI d’idiot »

C’est la première fois qu’on a cette impression, mais Woody lui-même semble ne pas vraiment y croire, comme s’il faisait son film uniquement parce qu’il fallait bien tenir le rythme d’un long métrage par an. Franchement, fallait pas.

Le personnage qu’il interprète n’est pas tout à fait le névrosé libre et cynique que l’on aime : un escroc un peu idiot et un peu ridicule, à qui Woody Allen scénariste fait jouer le faire-valoir de Tracey Ullman, qui a droit aux meilleures répliques alleniennes.

« - Qu’est-ce que tu dirais si je t’annonçais que tu es mariée à un vrai génie ?
- Je dirais que je dois être bigame. »

L’histoire de gangsters n’intéresse visiblement pas le cinéaste, qui l’expédie en une petite scène un peu baclée pour passer à autre chose, un peu plus consistant. Pour servir de couverture à leur opération, les apprentis creuseurs de tunnel ont ouvert une boutique de cookies, qui marche du feu de dieu, et finit par faire d’eux des millionnaires.

Et là, au bout d’une bonne demi-heure, on voit enfin ce qui a intéressé Woody Allen : la possibilité de plonger ses bras cassés dans un univers très chic qui n’est pas le leur. C’est parfois un peu lourd, parfois amusant, souvent très en deça de ce que le réalisateur a l’habitude de faire (jusque dans son précédent film, Accords et désaccords, pourtant très inspiré).

Il y a quand même quelques bons moments : Hugh Grant jouant les professeurs Higgins avec Tracey Hullman – Miss Doolittle et son balourd de mari (Woody). La visite du musée, surtout, est très drôle : « Je ne veux pas aller dans les musées, ça me fout la trouille toutes ces vierges. »

Finalement, ce qui frappe le plus, c’est la tendresse qui se dégage de la dernière partie, de la part d’un Woody Allen qui semble tout d’un coup assagi, voir fatigué. Juste désireux de retrouver celle qu’il aime, soudain débarrassé de sa libido envahissante. Tendre et un rien nostalgique.

La Rose noire (The Black Rose) – de Henry Hathaway – 1950

Posté : 10 décembre, 2014 @ 3:06 dans 1950-1959, HATHAWAY Henry | Pas de commentaires »

La Rose noire

Curieux film qui commence dans l’Angleterre livrée à une lutte fratricide entre Normands et Saxons, avec l’histoire assez classique d’un jeune seigneur qui se rebelle contre un roi (Michael Rennie, décidément très présent dans les films de la Fox de cette époque) qu’il ne reconnaît pas.

Mais au bout d’une demi-heure, le ton change, et le décor aussi. Le jeune seigneur (Tyrone Power) part à l’autre bout du monde pour découvrir le « Cathay » (la Chine). On est alors dans un grand film d’aventures exotiques. Sur sa route, le jeune Saxon croise la route d’une jeune Anglaise (Cécile Aubry, étrange et un peu agaçante dans son seul rôle hollywoodien), du terrible Khan (Orson Welles dans sa veine « plus je me maquille, moins je force mon talent »), de la Grande Muraille, des tentes dans le désert et des grands palais asiatiques…

On reste par moments un peu dubitatifs face au destin de cet homme. Mais le talent d’Hathaway est bien là, qui transforme quelques séquences a priori anecdotiques en beaux moments de cinéma, en particulier les passages les plus « virils » : l’épreuve de la corde ou celle du tir à l’arc notamment. On le sent nettement moins passionné par la romance, qui paraît hors sujet.

Idem pour la psychologie du personnage principal. Son voyage à travers le monde est surtout pour lui le moyen d’aller vers la paix intérieure et la réconciliation. Mais ce voyage psychologique intéresse bien moins Hathaway que le souffle de l’aventure.

• Le film d’Hathaway vient d’être édité parmi neuf autres productions de la Fox, dans la collection Hollywood Legends.

Accords et désaccords (Sweet and Lowdown) – de Woody Allen – 1999

Posté : 10 décembre, 2014 @ 3:03 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Accords et désaccords

L’hommage de Woody Allen, lui-même clarinettiste, à la musique qu’il a toujours aimé : le jazz. Un film plein de musique, donc, et dont le personnage principal est un musicien désaxé et névrosé. Un looser égocentrique, odieux et génial, tel que le présente Woody lui-même, qui apparaît dans son propre rôle, racontant avec quelques « témoins » et spécialistes les grandes heures du musicien. Un sale type, sous bien des aspects, mais dont les pires défauts cachent une sensibilité et un mal-être touchants.

Sean Penn est parfait dans le rôle d’Emmet Ray, un être suffisant capable des pires comportements et assumant ses excès comme étant la rançon du génie, mais dont la carapace se fend face à « l’idiote muette », craquante Samantha Morton, jeune femme si banale qui lui révèle sa propre part d’enfance.

Emmet Ray est aussi un homme grotesque, qui passe ses moments libres à abattre des rats dans les décharges ou à observer les trains qui passent. Risible, lorsqu’il réalise son « rêve » : apparaître sur scène à cheval sur une lune… Woody Allen le filme tel qu’il est, mais porte sur lui un regard certes sévère, mais aussi attendri. Car il y a de l’or dans les doigts de ce type : quelle beauté lorsqu’il a la guitare à la main.

Woody Allen n’épargne rien à ce type franchement détestable, mais il révèle son humanité à fleur de peau. Et il se reconnaît en lui (même si Sean Penn prend le contre-pied de Kenneth Branagh qui, dans Celebrity, était une sorte de double rajeuni de Woody) : ce n’est pas un hasard si son environnement nous est si familier, entre la maison sous le grand-huit (Radio Days) et les retrouvailles sur un banc face au fleuve (Manhattan).

Il y a un peu de Woody Allen dans Emmet Ray. Et pas la peine de se précipiter vers sa discographie : le « deuxième plus grand guitariste du monde (après Django, ce « gitan français ») n’existe pas, pas plus que le Lewyn Davis des frères Coen (la parenté entre les deux films est assez flagrante). Une invention de Woody pour son cri d’amour au jazz, l’un de ses très, très beaux films.

Monte là-dessus (Safety Last !) – Fred C. Newmeyer et Sam Taylor – 1923

Posté : 10 décembre, 2014 @ 2:59 dans 1920-1929, FILMS MUETS, LLOYD Harold, NEWMEYER Fred C., TAYLOR Sam | Pas de commentaires »

Monte là dessus

La postérité n’a pas placé Harold Lloyd à la place qu’il mérite : aux côtés de Chaplin ou Keaton, les deux autres grands géants du burlesque muet. Lloyd, pourtant, n’a rien à leur envier. Son personnage n’est ni aussi lunaire que Keaton, ni aussi romantique que Chaplin. Mais comme eux, il joue aussi bien de son visage que de son corps, avec lequel il réalise des prouesses qui, aujourd’hui encore, sont stupéfiantes.

La preuve avec l’image la plus célèbre de toute l’oeuvre de Lloyd, celle que chacun connaît même sans savoir à qui l’attribuer : ce personnage élégant et irréel avec son canotier et ses lunettes rondes, accroché aux aiguilles d’une horloge sur la façade d’un immeuble, à des dizaines de mètres au-dessus de la ville. Une image tirée de Safety Last !, porte d’entrée parfaite pour découvrir l’univers d’Harold Lloyd.

C’est l’histoire d’un gars de la campagne qui monte à la ville, fait croire à sa fiancée restée dans leur village qu’il a fait fortune, et se retrouve obligé, suite à une série d’événements, d’escalader la façade du grand magasin où il travaille. Cette escalade d’autant plus hallucinante qu’elle joue constamment sur la profondeur de champs et sur la sensation de vertige (sans doute avec l’utilisation de transparence, mais si c’est bien le cas, le trucage est absolument invisible), et sur un Lloyd aux capacités physiques hors du commun qui joue merveilleusement le maladroit.

Tout lui arrive durant cette longue ascension, clou annoncé du film : des pigeons trop présents, un faux braquage, une course-poursuite avec un policier, des voisins plus ou moins amicaux… et même l’attaque d’un chien méchant ! Cette longue séquence est à elle seule un chef d’oeuvre de mise en scène et de créativité, qui suffit pour comprendre la différence entre Lloyd et les autres stars du burlesque.

Mais ce n’est que le clou d’une comédie hallucinante et jubilatoire, où les gags s’enchaînent à un rythme fou, jouant sur la maladresse de Harold, et sur ses extraordinaires capacités physiques. Avant cette escalade, il y a bien d’autres grands moments : une course contre la montre dans les rues de New York, ou une série de quipropquos dans les travées du grand magasin, qui sont l’occasion de gags hilarants et souvent spectaculaires.

Dès la première image, le génie de Lloyd est frappant : son visage apparaît derrière des barreaux, une potence se dessinant derrière lui. Les derniers instants d’un condamné à mort ? Mais non, la caméra s’éloigne alors, le cadre s’agrandit, et dévoile la vérité : Harold est à la gare et fait ses au-revoirs à sa famille. C’est alors un feu d’artifice de maladresses : Harold s’empare d’un porte bébé (avec le bébé of course) au lieu de sa valise, puis monte dans une charette au lieu de son train…

Le film n’est commencé que depuis quelques minutes, et les fous rires s’enchaînent déjà. Safety Last ! garde tout son pouvoir comique.

• Carlotta a édité un magnifique coffret regroupant 16 longs métrages d’Harold Lloyd (muets et parlants), quelques courts, et des bonus toujours passionnants.

Femme ou maîtresse (Daisy Kenyon) – d’Otto Preminger – 1947

Posté : 10 décembre, 2014 @ 2:54 dans 1940-1949, PREMINGER Otto | Pas de commentaires »

Femme ou maîtresse

Preminger a signé quelques-uns des grands films noirs de la décennie (de Laura à Mark Dixon détective). Il en gare les mêmes codes visuels et narratifs, avec de grands moments d’angoisse, et le même acteur iconique (Dana Andrews) avec ce drame romantique qui dynamite les codes du triangle amoureux.

Une femme trop romantique, un homme trop sûr de son pouvoir de séduction, un autre trop timoré… On pourrait tenter de décrire en quelques mots chacun de ces personnages, mais ce serait la promesse de tomber à côté de la réalité : chacun d’entre eux est bien plus complexe que ce qu’il semble être au premier abord, et leurs relations sont elles aussi particulièrement intenses et inattendues.

Henry Fonda mystérieux et attachant, Joan Crawford intense en pure héroïne romanesque, et surtout Dana Andrews, exceptionnel en homme cynique et incapable d’assumer ses responsabilités de père et de mari, capable de la pire cruauté.

Il faut le voir dans une séquence particulièrement cruelle où, affichant un large sourire, il remet en cause le rôle et l’autorité de sa femme devant leurs enfants. Cette scène-là, si banale en apparence, en dit long sur la cruauté et l’égoïsme de cet homme, et sur la capacité de sa femme de tout encaisser pour sauver sa place dans la société. Elle vaut tous les films noirs du monde.

• Cette perle méconnue de Preminger vient d’être éditée parmi neuf autres productions de la Fox, dans la collection Hollywood Legends.

Monuments Men (id.) – de George Clooney – 2014

Posté : 10 décembre, 2014 @ 2:51 dans 2010-2019, CLOONEY George | Pas de commentaires »

Monuments Men

George Clooney acteur a quelque chose, au choix, de Clark Gable, Cary Grant, voire Gary Cooper selon les films (jusqu’aux initiales…). Réalisateur, il s’inscrit dans la tradition du cinéma classique hollywoodien, signant des films qui évoquent l’âge d’or des grands studios. Il faut reconnaître à Clooney cinéaste un ton qui lui est propre, avec une vraie légéreté mêlée à de soudains accès de gravité, sur des sujets forts. Celui-ci l’est sans aucun doute.

Monuments Men est un film séduisant, mais qui a un côté pastiche involontaire qui en fait un hommage un peu trop appuyé aux grands maîtres d’autrefois. Et puis Clooney, s’il sait choisir ses sujets, n’a sans doute pas la carrure nécessaire pour en tirer toutes leurs possibilités. L’idée, ici, est excitante : raconter l’histoire de ces spécialistes de l’art qui parcourent l’Europe au lendemain du débarquement pour retrouver et sauver les œuvres volées par les nazis, tandis que les militaires se battent pour la libération.

Un sujet passionnant, et authentique (même si le film limite l’équipe à une poignée d’hommes, alors qu’ils étaient plusieurs dizaines dans la réalité), mais Clooney semble ne pas être tout à fait sûr de lui, soulignant constamment, et un peu lourdement, à la fois la grandeur de l’art et l’immensité de la perte, et son côté dérisoire par rapport aux innombrables vies perdues.

Les passages les plus forts concernent d’ailleurs bien des objets, mais pas des œuvres d’art : un entrepôt regroupant les mobiliers et biens des familles juives dans d’interminables raillonages, ou un baril rempli de dents en or…

Sympathique et plutôt réussi, le film n’en est pas moins très sage. Même les acteurs semblent bridés. Matt Damon semble heureux d’être là, mais sans avoir grand-chose à jouer. Et les géniaux John Goodman et Bill Murray restent constamment en retrait. Jean Dujardin, lui, est très bien.

• DVD chez Fox, avec quelques bonus promotionnels sympathiques, mettant en valeur les différents comédiens.

Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes) – de Werner Herzog – 1972

Posté : 10 décembre, 2014 @ 2:48 dans 1970-1979, HERZOG Werner | Pas de commentaires »

Aguirre la colère de dieu

Documentariste génial, auteur de quelques fictions restées confidentielles, Werner Herzog trouve son alter ego monstrueux qui lui inspire son premier grand classique, une oeuvre hallucinante et fascinante dont Klaus Kinski est l’incarnation délirante. Difficile de dissocier le cinéaste et l’acteur quand on évoque Aguirre, tant la folie de l’un semble avoir imprégné l’autre. La seule question semblant être : qui imprègne qui ?

Les deux hommes en tout cas, dont on connaît les relations tourmentées, atteignent une dimension presque mystique avec ce film. L’acteur devient une icône après des années de seconds rôles et de séries B, C… voire Z. Quant à Herzog, c’est un cinéma presque total qu’il livre ici. Sans grand moyen apparent, uniquement en décors naturels, délaissant volontairement tous les artifices habituels du cinéma d’aventure, il signe une lente avancée vers nulle part, où l’art cinématographique ne dépend plus de rien d’autre.

L’histoire est résumée à un contexte : au 16ème siècle, un petit groupe de conquistadors s’enfonce dans la forêt vierge, à la recherche du mythique Eldorado. En confrontant ces hommes avides à la nature immense et menaçante qui les entoure (les Indiens restent constamment invisibles, comme si c’était la forêt qui s’attaquait à eux), le cinéaste cerne mieux qu’avec de grands moments debravoures ou de longs dialogues l’isolement de plus en plus insupportable, et la folie qui guette, jusqu’à tout envahir.

On n’est pas prêt d’oublier cette ultime image d’Aguirre seul sur son canot envahi de singes, continuant à faire des plans pour trouver cet Eldorado mythique et atteindre à la gloire, à l’immortalité.

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