Accords et désaccords (Sweet and Lowdown) – de Woody Allen – 1999
L’hommage de Woody Allen, lui-même clarinettiste, à la musique qu’il a toujours aimé : le jazz. Un film plein de musique, donc, et dont le personnage principal est un musicien désaxé et névrosé. Un looser égocentrique, odieux et génial, tel que le présente Woody lui-même, qui apparaît dans son propre rôle, racontant avec quelques « témoins » et spécialistes les grandes heures du musicien. Un sale type, sous bien des aspects, mais dont les pires défauts cachent une sensibilité et un mal-être touchants.
Sean Penn est parfait dans le rôle d’Emmet Ray, un être suffisant capable des pires comportements et assumant ses excès comme étant la rançon du génie, mais dont la carapace se fend face à « l’idiote muette », craquante Samantha Morton, jeune femme si banale qui lui révèle sa propre part d’enfance.
Emmet Ray est aussi un homme grotesque, qui passe ses moments libres à abattre des rats dans les décharges ou à observer les trains qui passent. Risible, lorsqu’il réalise son « rêve » : apparaître sur scène à cheval sur une lune… Woody Allen le filme tel qu’il est, mais porte sur lui un regard certes sévère, mais aussi attendri. Car il y a de l’or dans les doigts de ce type : quelle beauté lorsqu’il a la guitare à la main.
Woody Allen n’épargne rien à ce type franchement détestable, mais il révèle son humanité à fleur de peau. Et il se reconnaît en lui (même si Sean Penn prend le contre-pied de Kenneth Branagh qui, dans Celebrity, était une sorte de double rajeuni de Woody) : ce n’est pas un hasard si son environnement nous est si familier, entre la maison sous le grand-huit (Radio Days) et les retrouvailles sur un banc face au fleuve (Manhattan).
Il y a un peu de Woody Allen dans Emmet Ray. Et pas la peine de se précipiter vers sa discographie : le « deuxième plus grand guitariste du monde (après Django, ce « gitan français ») n’existe pas, pas plus que le Lewyn Davis des frères Coen (la parenté entre les deux films est assez flagrante). Une invention de Woody pour son cri d’amour au jazz, l’un de ses très, très beaux films.
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