Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour novembre, 2014

A fleur de peau (Underneath) – de Steven Soderbergh – 1996

Posté : 6 novembre, 2014 @ 2:18 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, SODERBERGH Steven | Pas de commentaires »

A fleur de peau

Le Criss Cross de Siodmak avait-il besoin d’un remake ? Réponse sans appel après avoir revu ce polar esthétisant de Soderbergh : non. En reprenant très fidèlement les rebondissements du film original, en choisissant certains acteurs visiblement pour leur ressemblance avec ceux de 1949, le cinéaste rencontre très vite la limite de son entreprise.

Car au petit jeu de la comparaison, A fleur de peau est systématiquement perdant. La construction qui multiplie les allers-retours temporels est bien moins efficace que la longue spirale infernale choisir par Siodmak, et les acteurs sont tous plus ternes : le trio Peter Gallagher- Alison Elliott-William Fichtner fait bien pâle figure face à Burt Lancaster, Yvonne de Carlo et Dan Duryea.

Surtout, Soderbergh multiplie les cadres savamment composés mais totalement vains, faits de carrés de couleurs vives et de cadres dans le cadre, comme s’il voulait rompre absolument avec le classicisme des images de Siodmak. OK, mais à quoi bon ?

Finalement, j’ai sans doute eu un grand tort : regarder ce remake aussitôt après l’original. Forcément, la comparaison est inévitable, et elle n’est jamais à l’avantage de Soderbergh. Une belle idée originale, quand même : le beau rôle, pas suffisamment exploité d’Elisabeth Shue, image du destin heureux qu’aurait pu avoir les personnages sans ces pulsions autodestructrices.

Pour toi j’ai tué (Criss Cross) – de Robert Siodmak – 1949

Posté : 6 novembre, 2014 @ 2:15 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DE CARLO Yvonne, LANCASTER Burt, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Pour toi j'ai tué

Trois ans après Les Tueurs, son tout premier film, Burt Lancaster retrouve Siodmak pour ce « film jumeau » qui permet au duo d’explorer des thèmes similaires, sur une histoire aux multiples points communs. Dans les deux cas, un homme sans histoire est amené à participer à un braquage avec des gangsters « professionnels », parce qu’il est tombé amoureux de la mauvaise femme…

Dans les deux cas aussi, Siodmak réserve une large part aux flash-backs. Avec une différence de taille quand même : dans Criss Cross, contrairement au précédent film où les allers-retours entre passé et présent étaient nombreux, il n’y a qu’un long flash-back (avec un flash-back dans le flash-back). Cela peut sembler anodin, mais le ton du film s’en trouve chamboulé : ce choix fait du film une spirale infernale vers les abîmes, pour le personnage joué par Lancaster.

Cette spirale, c’est celle de la fascination et de la dépendance qu’il ressent pour la « femme fatale », nettement plus complexe et fascinante que la Ava Gardner des Tueurs. Actrice sublime trop souvent oubliée, Yvonne de Carlo trouve l’un de ses plus beaux rôles, jeune femme marquée par le destin et par le désir trop grand de garder la tête hors de l’eau…

Dès les premières images, on sait que l’amour que ces deux-là se portent, si sincère et complexe soit-il, est voué à l’échec et à la tragédie. Car il y a un troisième personnage dans cette histoire d’amour, de passion et de désir sexuel : le gangster, joué par le toujours formidable Dan Duryea, bouffé par la jalousie et la dépendance pour cette femme trop belle…

Moins célébré que Les Tueurs, Criss Cross est un chef d’œuvre pourtant aussi réussi, et peut-être plus riche encore. Et la dernière image, sublime et déchirante vision d’une « pieta », presque fugitive mais inoubliable.

Les Voies du Destin (The Railway Man) – de Jonathan Teplitzky – 2013

Posté : 6 novembre, 2014 @ 2:11 dans 2010-2019, TEPLITZKY Jonathan | Pas de commentaires »

Les Voies du Destin

L’ombre de David Lean plane sur ce grand mélodrame à l’ancienne adapté d’une histoire vraie. Pas uniquement pour la toile de fond, qui évoque forcément son classique Le Pont de la Rivière Kwai : le héros, vétéran de la seconde guerre mondiale, est toujours hanté en 1980 par le traumatisme qu’il a subi alors qu’il était prisonnier sur le fameux chantier de la rivière Kwai, après la chute de Singapour.

Mais dès les premières images, c’est à un autre film que le film Teplitzky fait référence. Une rencontre fortuite dans un train, une gare britannique, la simplicité des gestes… tout renvoie à Brève rencontre, l’un des premiers chefs d’œuvre de Lean. Et comme si les images n’étaient pas suffisamment parlantes, le scénariste nous sort le titre du film dans l’un des premiers dialogues…

C’est un peu le principal reproche que l’on peut faire au film : être constamment trop explicite, trop démonstratif. Au risque de tuer l’émotion, qui reste cruellement absente jusqu’aux toutes dernières minutes. Non pas que le film soit dénué de qualités : il y a de très beaux moments, en particulier dans la dernière partie le face à face entre Lomax, interprété par un Colin Firth subtil et poignant, et son ancien bourreau lui aussi hanté par les horreurs qu’il a infligées.

Là, durant quelques minutes, le film devient fascinant, parce qu’il renvoie constamment d’une époque à l’autre, du passé au présent, de l’horreur à ses effets, dans un montage audacieux et percutant. Mais la plupart du temps, la construction du film manque hélas totalement d’audace. Plutôt que de jouer sur l’omniprésence de ce passé dans l’esprit de Lomax, Teplitzky consacre successivement de longues parties à une époque, puis à une autre, le lien entre les deux finissant par se perdre en cours de route.

Et puis, aussi soignée la partie se déroulant dans les camps soit-elle (et aussi bon Jeremy Irvine soit-il dans le rôle du jeune Lomax), elle se révèle inutilement longue : les images qui semblent étirées à l’envie des sévices infligés au jeune soldat sont bien moins percutantes et bouleversantes que les dessins de ces tortures que la femme de Lomax (Nicole Kidman, tellement botoxée qu’elle semble ne plus pouvoir chanter d’expression) découvre dans un carnet, dessins entraperçus en quelques secondes mais qui laissent une impression particulièrement forte.

Reste en tout cas quelques belles scènes, une fin poignante, et une belle ode au pardon et à la réconciliation, construits sur la base du souvenir.

• DVD chez Metropolitan avec un making of assez classique, composé essentiellement d’interviews convenues des acteurs et du réalisateur. Avec toutefois un passage passionnant : l’évocation par Colin Firth de sa rencontre avec Eric Lomax, le personnage qu’il interprète, décédé avant la fin du tournage.

Francis, le mulet qui parle (Francis) – de Arthur Lubin – 1950

Posté : 6 novembre, 2014 @ 2:06 dans 1950-1959, CURTIS Tony, FANTASTIQUE/SF, LUBIN Arthur | Pas de commentaires »

Francis le mulet qui parle

J’ai dû un peu trop abuser du whisky ce soir, mais il m’a semblé que le personnage principal de ce gros succès de 1950 était un mulet qui parlait (avec la voix de Chill Wills). Oui, en fait c’est même l’unique raison d’être de ce film, adaptation d’un best seller paraît-il, et véritable carton en salles au point d’avoir donné naissance à une interminable série de films : sept au total jusqu’en 1956, tous réalisés par Arthur Lubin et interprétés par Donald O’Connor, à l’exception du dernier, Francis in the Haunted House, signé Charles Lamont avec Mickey Rooney en tête d’affiche.

On est chez Universal, mais on pourrait être chez Disney : cette histoire d’une mule qui parle à un soldat en pleine guerre du Pacifique, lui confiant des secrets militaires qui lui permettent de devenir un héros… et de passer pour un fou, est fait pour amuser la famille. Le procédé, cela dit, est amusant cinq minutes. Pas désagréable, le film a tendance à se répéter, jouant jusqu’à plus soif sur les running-gags (le soldat dont chaque action de bravoure le conduit à l’asile).

Pas grand-chose à se mettre sous la dent, donc, si ce n’est quelques surprises du côté du casting : la prestation toute en dérision de l’excellent John McIntire en officier au bord de la crise de nerf face à un mulet récalcitrant, la participation dans un rôle sans grand relief hélas de Zasu Pitts, vedette du muet dont la prestation dans Les Rapaces reste inoubliable.

Mais le plus marquant peut-être, c’est l’apparition du jeune Tony Curtis, silhouette en uniforme dans deux petites scènes (et avec autant de répliques). C’est l’un des premiers petits rôles de celui qui n’allait pas tarder à devenir la star maison de Universal. Quelques années plus tard, dans un autre film de la série (Francis in the Navy), c’est un autre illustre inconnu qui allait jouer les faire-valoir en attendant de connaître la gloire : Clint Eastwood. A défaut d’être vraiment mémorable, ce mulet a un talent sûr pour dénicher les jeunes acteurs prometteurs…

• Le film a été édité en DVD chez Universal, sans le moindre bonus.

Le Goût de la vie (No reservations) – de Scott Hicks – 2007

Posté : 6 novembre, 2014 @ 2:02 dans 2000-2009, HICKS Scott | Pas de commentaires »

Le Goût de la vie

Pas grand-chose à se mettre sous la dent dans cette comédie romantique tire-larmes qui accumule les poncifs et les effets faciles. Clichés à tous les étages, et charme inopérant dans cette cuisine trois étoiles qui sert de décor à l’une de ces romances improbables dont Hollywood raffole.

Evidemment, on sait d’avance que tout ça finira très bien, malgré les drames rencontrés en chemin (une maman qui meurt en confiant sa fille à sa sœur célibataire). Mais on devine aussi le moindre rebondissement, tant le scénario paraît paresseux et convenu.

On voit bien le parallèle que tente de dresser le film entre la cuisine et la vraie vie, pour cette chef trop désireuse de tout contrôler. Mais pour dire la vérité, on s’en fiche un peu, surtout que les personnages sont eux aussi totalement caricaturaux et sans surprise.

Ah si, quand même, une surprise : Catherine Zeta-Jones est une actrice particulièrement juste et touchante. C’est déjà ça…

A History of Violence (id.) – de David Cronenberg – 2005

Posté : 5 novembre, 2014 @ 2:40 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, CRONENBERG David | Pas de commentaires »

A History of Violence

Il y a un grand malentendu à propos de ce film : non, A History of Violence n’est pas une grande réflexion sur la violence et ses effets, comme le matériel promo qui l’accompagne, et la première partie du film, le laissent penser. Cette première partie est trompeuse, et c’est à peu près tout ce qu’on peut dire sans déflorer le film et ses rebondissements. Elle laisse en tout cas un sentiment d’inachevé franchement frustrant, tant les pistes qui y sont ébauchées sont passionnantes et pleines de promesses.

Dans le rôle d’un monsieur tout le monde soudain confronté à une violence extrême à laquelle rien ne l’avait préparé, Viggo Mortensen est exceptionnel. Bouleversant même, tant on sent chez lui ce vague sentiment d’inachevé d’un homme qui a tout pour lui, mais dont la vie presque idéale est hanté par une sorte de malaise, comme une envie d’autre chose, de sortir de cette routine si confortable. C’est en tout cas ce que l’on ressent devant ce couple magnifique (Mortensen et Maria Bello) qui semble courir après cette étincelle de la jeunesse dont, apparemment ils ont dû se priver…

Le vague désir de l’aventure, de l’exceptionnel. Et puis cette rencontre soudaine, comme la réponse à une prière muette : une menace, la violence extrême, et la réaction héroïque quasi-irréelle de ce « monsieur tout le monde » transformé en star du jour. Et là encore, la promesse d’une belle réflexion sur les effets de cet héroïsme non réfléchi, et de la médiatisation soudaine…

Mais très vite, le film, adapté d’un roman graphique, prend une autre direction. Impossible d’en dire plus sans gâcher la suite. Mais ce que réussit in fine Cronenberg, ce n’est pas cette grande réflexion sur la violence, mais un formidable film noir, dans la grande lignée du genre. L’un des plus beaux de ces dernières décennies, avec un Mortensen marchant clairement dans les pas de Robert Mitchum de la grande période.

Il faut un peu de temps pour digérer la frustration de toutes les pistes abandonnées après cette première partie fabuleuse. Mais lorsqu’on se laisse aller au pur plaisir du film de genre, A History of Violence s’impose comme ce qu’il est : un chef d’œuvre du film noir, tendu et dérangeant, une sorte de remake extrême de Out of the Past peuplé de personnages fascinants (mention spéciale à William Hurt, hallucinant en gangster totalement allumé).

Car ce qui compte tout de même avant tout, ce sont les personnages, et cette famille américaine si parfaite, bousculée par l’irruption de la violence. La dernière scène, superbe, renoue finalement avec le thème initial du film. Pour un final absolument bouleversant.

Six et demi, onze – de Jean Epstein – 1927

Posté : 5 novembre, 2014 @ 2:37 dans 1920-1929, EPSTEIN Jean, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Six et demi, onze

Titre mystérieux pour ce Epstein méconnu, retour au mélodrame contemporain pour le réalisateur de Cœur fidèle : ce titre fait référence au format d’une photo qui constitue le cœur de l’intrigue, l’objet d’une séquence de « suspense » extraordinaire dont l’aspect naturaliste annonce les grandes œuvres bretonne que le cinéaste tournera à partir de l’année suivante. Une scène simple : le développement d’une pellicule, dont la révélation bouleversera les rapports entre les personnages…

Cette séquence est sans doute le moment le plus fort du film. Pas que le reste soit inintéressant, loin de là. Mais c’est peut-être le passage où la forme et le fond se rejoignent le mieux, avec la plus grande efficacité, et la charge émotionnelle est la plus forte. Grand formaliste, Epstein a fait énormément pour le langage cinématographique, le coupant totalement de l’art théâtral pour en faire un art à part et à part entière. Mais le formaliste a parfois tendance à étouffer le raconteur d’histoire, et l’émotion se perd par moments sous les « impressions ».

C’est souvent le cas ici, où Epstein cherche constamment à nous plonger dans les affres de ses personnages en jouant avec les possibilités que lui offrent la caméra et la pellicule : des surimpressions surtout, dont il use énormément. Une mer déchaînée qui illustre la passion, un portrait mouvant qui semble redonner vie à un disparu, ou un appareil photo qui domine l’image comme s’il annonçait le rôle qu’il tiendrait… Avec ces trucages typiquement cinématographiques, Epstein impressionne dans tous les sens du terme. Un peu au détriment de l’émotion pure.

Comme souvent chez lui, on sent que l’intrigue n’est pas ce qui l’intéresse le plus. Une intrigue cette fois scénarisée par la sœur du cinéaste. L’histoire de deux frères, deux héritiers. L’aîné est un médecin réputé, sérieux et bosseur. Le cadet est un jeune homme légèrement inconsistant qui disparaît du jour au lendemain pour vivre le grand amour avec une actrice. Mais cette dernière le quitte pour un danseur. Le jeune frère ne le supporte pas et commet l’irréparable. La rencontre fortuite de la danseuse et du grand frère va sonner comme une nouvelle chance de bonheur pour ces deux-là. S’il n’y avait cette maudite photo, unique témoin du rôle qu’a joué la jeune femme dans le drame…

Passionnant mais un rien désincarné, le film fourmille de trouvailles visuelles qui justifient à elles seules sa découverte. C’est surtout l’œuvre d’un cinéaste que l’on sent à la croisée des chemins. Revenu de ses grosses productions pour l’Albatros, renouant avec un cinéma plus contemporain et plus réaliste, Epstein semble déjà attiré par ce naturalisme radical qu’il adoptera dans des films comme Finis Terrae. Les ultimes images, gros plans sur des handicapés marqués par la vie, apparaissent comme la promesse d’un autre cinéma…

• Le film figure dans le formidable coffret DVD édité chez Potemkine, regroupant de nombreux longs, courts et moyens métrages d’Epstein et beaucoup de bonus passionnants. Pour Six et demi, onze, le DVD comprend notamment la fin alternative, plus positive, qui avait été demandée à Epstein pour sa sortie en salles. Le film peut par ailleurs être vue avec deux musiques : l’une classique et au piano de Stephen Horne (très belle : c’est celle-ci que j’ai choisie), l’autre beaucoup plus moderne et surprenante de Krikor.

Le Cygne Noir (The Black Swan) – de Henry King – 1948

Posté : 5 novembre, 2014 @ 2:33 dans 1940-1949, KING Henry, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

Le Cygne Noir

Tyrone Power torse nu, couteau entre les dents, un bandeau rouge autour de la tête, plongeant entre deux bateaux au cœur d’une bataille… Pas de doute, on est en plein dans l’âge d’or du film de pirates, dont ce Cygne Noir est l’un des fleurons. On a d’ailleurs bien droit à toutes les figures imposées du genre : des scènes d’action à couper le souffle, des combats à l’épée, une romance entre le pirate et la jeune femme de bonne famille (Maureen O’Hara, magnifique forcément), des scènes de beuverie sur la mythique île de la Tortue…

Mais Henry King, le cinéaste quasi-attitré de Power, celui qui l’a accompagné tout au long de sa carrière en lui offrant ses plus beaux rôles, King donc s’amuse tout au long du film à jouer avec les clichés pour mieux les détourner. Son héros, ainsi, est loin, très loin de l’image pure imposée par Errol Flynn quelques années plus tôt, souvent victime des manigances des puissants. Power, lui, est un vrai pirate, un authentique salaud aussi brutal et dégueulasse que le méchant désigné, une sorte de Barberousse à l’accent british interprété par un George Sanders totalement sidérant dans ce rôle à contre-emploi.

Bien sûr, le « héros » s’adoucit à mesure que le film avance, et que l’amour agit (on est à Hollywood quand même). Mais c’est pendant une scène de pillage qu’on le découvre, volant, tuant et s’enivrant comme les autres sans le moindre état d’âme. Lorsqu’il rencontre Maureen O’Hara pour la première fois, c’est à un quasi-viol d’une brutalité rare qu’il se livre, la frappant et l’assommant sans même ciller. Un homme sans grande personnalité qui plus est, qui ne choisit la voie de l’honnêteté que parce que son chef et ami le lui impose.

Là aussi, c’est un choix curieux et audacieux : confier le rôle d’un corsaire mythique et charismatique, anobli et transformé en gouverneur de Jamaïque (Henry Morgan), à Laird Cregar, acteur imposant et fascinant que l’on connaît surtout pour son personnage trouble et fragile de The Lodger (version John Brahm).

Adapté d’un roman de Rafael Sabatini (l’auteur de Scaramouche), Le Cygne noir est un film d’une vitalité impressionnante, dans la grande lignée des classiques du genre (depuis Le Pirate noir avec Doug Fairbanks), et visuellement somptueux : King nous offre notamment de magnifiques plans du soleil se couchant sur la mer calme. C’est aussi un film qui trouve le parfait équilibre entre l’action pure, un humour irrésistible et discret (dû surtout aux interprétations de Cregar et de Thomas Mitchell), et un réalisme brutal inattendu. Un grand film de pirates en tout cas.

• Le film a droit à une belle édition blue ray chez Sidonis, dans sa version restaurée, avec en bonus une présentation par Bertrand Tavernier et un court documentaire sur l’histoire du film de pirate, par Jean-Claude Missiaen.

L’Homme de l’Ouest (Man of the West) – d’Anthony Mann – 1958

Posté : 5 novembre, 2014 @ 2:29 dans 1950-1959, COOPER Gary, MANN Anthony, WESTERNS | Pas de commentaires »

L’Homme de l’Ouest

Entre 1955 et 1958, le calendrier affirme qu’il n’y a eu que trois ans. Mais pour le Hollywood de l’âge d’or, et surtout pour le western, le genre phare de l’époque, il y a un monde en déliquescence. La popularisation de la télévision et des séries westerns a mis un frein, si ce n’est un terme, à la production westernienne abondante au début de la décennie. Les temps ont changé, pourrait-on dire, et l’époque où on enchaînait les westerns si naturellement est révolue, oubliée en quelques années seulement.

Dans L’Homme de l’Ouest, on retrouve les thèmes des meilleures films du genre de Mann : l’homme hanté par son passé, et tenté par l’usage de la violence dans une nature omniprésente et dévorante. Mais il y a quelque chose de différent. Un aspect que l’on ne trouvait ni dans Winchester 73, ni dans L’Appât, ni dans aucun autre western de Mann avec James Stewart : Gary Cooper est un homme d’un autre temps, un authentique dinosaure ramené confronté malgré lui à la fois à la modernité qui transfigure son environnement, et à son passé qui le ramène à sa propre zone d’ombre…

Loin des rôles d’aventuriers héroïques et parfaits qui ont fait sa gloire, Cooper fait exploser sa propre figure mythique d’homme de l’Ouest avec ce personnage complexe et passionnant, qui symbolise à lui seul la capacité que chacun a de changer, et la difficulté de saisir une seconde chance. Ancien voleur, ancien tueur, forcé de se confronter à son propre passé après avoir été le témoin passif d’un braquage raté, Cooper représente une sorte de lien ténu entre un Ouest encore sauvage et une civilisation fondée sur des bases fragiles.

Totalement perdu lorsqu’il découvre le train pour la première fois, impuissant devant la sauvagerie de ses anciens compagnons, miroirs de ce que lui-même était autrefois lors d’une séquence de strip-tease forcé absolument déchirante (Julie London, dans le rôle de sa vie)… Cooper traverse le film comme un fantôme incapable de trouver sa place dans ce monde en mutation. De sa nouvelle vie, on ne verra rien. De sa rédemption, on ne verra qu’un gunfight sec et poussiéreux lors d’un braquage absurde dans une ville fantôme…

Lee J. Cobb, sinistre et pathétique, est ahurissant en chef de gang observant avec une objectivité bouleversante sa propre décrépitude d’homme du passé. Mais si ce personnage d’un autre temps est si émouvant, si celui de Gary Cooper est si bouleversant, c’est qu’Anthony Mann s’attache à faire du moindre plan du film une vision inédite du western, illustrant lui-même la révolution du genre qui l’a fait roi. Son film annonce à la fois le western spaghetti et le nouveau cinéma américain, tout en restant ancré dans les racines du cinéma hollywoodien.

Il y a bien des merveilles dans L’Homme de l’Ouest : une scène de bagarre inoubliable, un sacrifice inattendu, une attaque de train mémorable, un trio improbable traversant de vastes étendues à pied, une ferme perdue ramenant vers un passé oublié, un pauvre Mexicain marchant vers son malheur… Avec son dernier western presque classique (il réalisera encore la fresque La Ruée vers l’Ouest, avant de passer à la dernière partie, épique, de sa carrière), Mann fait le lien entre son passé d’homme de l’ouest et ses aspirations à un cinéma plus personnel et inclassable (Le Petit Arpent du Bon Dieu…). Et signe l’un de ses grands chefs d’œuvre.

• Carlotta vient d’éditer un blue ray du film de très belle facture, avec de beaux bonus : une lecture par Bruno Putzulu de la critique écrite par Godard à la sortie du film, un panorama court (une dizaine de minutes) de la carrière de Mann du western au film épique en passant par le western, et les évocations croisées de l’œuvre de Mann par Pierre Rissient et Bertrand Tavernier. Indispensable ? Oui.

Cartel (The Counselor) – de Ridley Scott – 2013

Posté : 5 novembre, 2014 @ 2:23 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, SCOTT Ridley | Pas de commentaires »

Cartel

Loin de ses grandes productions souvent dominées par le bruit et la fureur, Ridley Scott se glisse totalement dans l’univers de Cormac McCarthy, co-producteur du film, qui signe ici son premier scénario original. A vrai dire, l’écrivain sort d’une quasi pré-retraite, puisque son dernier roman (La Route qui lui a valu le prix Pulitzer) remonte à 2006. Depuis, McCarthy a atteint une autre dimension, avec l’adaptation de son dernier livre, et surtout celle de No Country for Old Men.

Cartel évoque souvent le film des frères Coen : on y retrouve les grandes étendues du désert américain, une violence viscérale et des personnages totalement déglingués. Mais la parenté entre les deux films reste relative, et trompeuse comme l’est la participation de Javier Bardem. L’acteur en fait beaucoup, comme souvent, mais ses apparitions renvoient immanquablement au personnage de No country… qui lui colle à la peau, et dont on a du mal à l’en dégager.

Ce n’est sans doute pas le choix de casting le plus heureux de ce film à l’affiche impressionnante : Brad Pitt en trafiquant de drogue trop détaché (des retrouvailles avec Scott, qui lui avait donné son premier petit rôle marquant dans Thelma et Louise), Cameron Diaz en croqueuse de diamants qui révèle peu à peu une complexité inattendue, et Penelope Cruz cantonnée à un rôle de jolie fiancée douce et sexy.

Mais c’est une nouvelle fois Michael Fassbender qui impressionne par sa présence et sa capacité à donner une intensité à tous ses personnages, aussi difficiles soient-ils. On s’en était rendu compte avec son rôle de négrier ignoble dans 12 year’s a slave, et même avec celui de l’androïde dans Prometheus, le précédent Scott : Fassbender est l’un des plus grands acteurs du moment.

Son talent éclate dès la première scène, longue étreinte amoureuse très dialoguée, dont on sent que McCarthy a voulu faire un grand moment brillant et irrévérencieux, qui l’était sans doute sur le papier, mais qui semble horriblement artificiel à l’écran. Fassbender, pourtant, y est particulièrement juste, capable de sortir les dialogues les plus improbables avec une conviction qui emporte l’adhésion.

C’est en tout cas le principal défaut du film : on sent que McCarthy s’écoute écrire, multipliant ces dialogues décalés à la Tarantino qu’il étire souvent inutilement. Le résultat, c’est une première heure qui manque de rythme et qui peine à donner corps aux personnages, d’autant qu’on reste constamment loin de l’action, comme si le trafic de drogue dont on ne voit que le voyage d’un camion, fil rouge qui revient constamment, était un cadre irréel sans rapport direct avec ces personnages.

Mais cette approche est le cœur même du film, et illustre parfaitement le destin de Fassbender, avocat qui se laisse attirer par l’argent facile de la drogue, sans réaliser que les choix qu’il fait dans des décors chaleureux et confortables l’entraîneront inexorablement dans un monde de violence dont il ne pourra plus se sortir, sans plus rien en maîtriser.

Dommage que cette première moitié soit si longue. Car dans la dernière partie, implacable, les défauts du film s’estompent et disparaissent, pour illustrer magistralement cette irruption soudaine, brutale et irrésistible de la violence. Finalement, c’est une pure trame de film noir que McCarthy choisit, tout en livrant une vision réaliste et dérangeante du monde de la drogue.

Son univers sombre et bousculant sied parfaitement à Ridley Scott, qui signe sa mise en scène la plus sobre (et même élégante par moments, si si) depuis des années. Sobre et d’une efficacité imparable : on ne sort pas indemne de cette descente aux enfers qui laisse un goût de souffre…

• DVD chez Fox, avec une poignée de documentaires promotionnels et les bandes annonces d’autres films en vente.

1234
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr