Celebrity (id.) – de Woody Allen – 1998
Ce n’est pas tout à fait la première fois que Woody Allen s’efface pour diriger un alter ego (John Cusack dans Coup de feu sur Broadway, déjà). Mais Celebrity ouvre une nouvelle ère pour le cinéaste. Pas la plus glorieuse, d’ailleurs : la décennie qui suit sera la plus décriée par ses fans (et me perdra en cours de route, à l’époque, mais la redécouverte arrive…). Celle, en tout cas, où il restera de plus en plus souvent derrière la caméra, pour filmer des acteurs dont il fera des ersatz de lui-même.
C’est particulièrement flagrant avec Kenneth Branagh, dont les caractéristiques et le jeu d’acteurs sont des copiés-collés de ceux de Woody acteur. En plus jeune, et plus séduisant, donc, mais pas différent pour autant. Ecrivain en panne d’inspiration, quadragénaire qui décide de rompre un mariage trop sage pour renouer avec la passion amoureuse et sexuelle… Un homme à la croisée des chemins que l’on a déjà rencontré dans bien d’autres films d’Allen.
Evocation des affres de la création et du cynisme du show-buisiness, Celebrity offre une vision crue et sans détour du star system, avec une série de portraits bien gratinés : Melanie Griffith en ersatz de Marylin infantile et hyper sexuée, Leonardo Di Caprio en mégastar capricieuse et cocaïnomane, Charlize Theron en icône du sexe se déclenchant un orgasme au moindre contact physique… Des rencontres inoubliables pour le journaliste-écrivain Kenneth Branagh, qui n’a pourtant d’yeux que pour la si belle et si douce Winona Ryder.
Si douce, en apparrence en tout cas. Car cette fable cynique et cruelle révèle en fait autant de personnalités troubles que le star system maintient gentiment mais sûrement en dehors du vrai monde. Mais la critique se fait avec un regard étrangement bienveillant. Ces monstres d’égocentrisme, Woody Allen les aime, finalement. Lui-même, d’ailleurs, n’hésite pas à jouer l’autodérision, comme lorsque ses personnages évoquent la prétention de ces réalisateurs qui ne jurent que par le noir et blanc.
Les comédiens sont formidables dans cette galerie de monstres et de dingos. Et comme souvent chez Woody, la palme revient à Judy Davis, géniale en femme délaissée et trop peu sûre d’elle, qui se résoud à devenir une autre, plus ouverte sur le monde, plus sexuée (irrésistible leçon de fellation), plus apte au bonheur… Pas si facile dans l’univers névrosé de Woody Allen.
Celebrity commence par le tournage d’un film et s’achève par sa projection. Et malgré les rencontres, les aventures, les contretemps, Branagh est toujours là où il était : un spectateur un peu seul, ni plus heureux, ni plus malheureux qu’il n’était. Prêt pour une autre tranche de vie, comme Woody Allen est prêt pour un autre film.
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