Magic in the Moonlight (id.) – de Woody Allen – 2014
Un an après le magnifique Blue Jasmine, difficile de cacher sa déception durant le premier quart d’heure de ce qui ressemble alors à une petite comédie sans grand relief qui évoque les moments les moins inspirés de la carrière de Woody Allen, lorsque ses obsessions tournaient au rabachage. Et c’est vrai qu’on a l’impression qu’il nous l’a déjà racontée, cette histoire d’un magicien décidé à démystifier une jeune médium dans le Sud de la France des années 20. Lui-même semble à peine y croire, à cette œuvrette plaisante mais étonnamment mécanique…
Et puis il y a cette scène superbe qui donne son titre au film : une nuit d’orage que le magicien (Colin Firth, formidable dans l’excès et dans la sensibilité) passe avec la jeune médium (Emma Stone, bluffante de naturelle) dans un observatoire déserté, et ce plafond qui s’ouvre enfin sur un ciel rempli d’étoile et sur un sublime clair de lune… Magic in the moonlight ! Ce moment de pure poésie correspond, pour le personnage principal, à son ouverture à la vie, au relâchement d’un homme qui accepte de lâcher prise, d’abandonner les règles stricts qu’il s’est imposés toute sa vie.
C’est son point de vue qu’adopte Woody Allen. Et on comprend alors que si la première partie semblait si froide, répondant à une logique trop stricte et évidente de mise en scène, c’est parce que le point de vue est celui d’un homme trop engoncé dans ses certitudes et dans ses stricts codes de conduite. Un homme cynique, si ouvertement rationnel et cartésien qu’il se prive de tout plaisir et de tout bonheur possible.
Dans ce rôle, Colin Firth est formidable, odieux et maladroit, d’un cynisme irrésistible face à la jeune – et pas si innocente ) Emma Stone, mimi minois et vrai tempérament. Est-elle une authentique médium, ou une arnaqueuse ? On sait la fascination qu’a Woody Allen pour les sciences occultes (Alice, notamment), mais malgré les apparences, ce n’est vraiment pas le sujet : juste une métaphore pour souligner l’ouverture à la vie de ce « génie » autoproclamé, totalement incapable d’être ou de rendre heureux.
La légèreté du propos est trompeuse : le film est habité par le poids du temps qui passe et des regrets, par la mort qui guette, et par la nostalgie de ce qui aurait pu être. Mais c’est aussi une vraie comédie à la Woody Allen, peuplée de personnages irrésistibles (le fiancé ridicule, sûr du pouvoir de sa fortune, qui séduit sa belle au ukulélé).
Tendresse et cynisme, humour et romantisme… Magic in the Moonlight aborde un thème pas si éloigné de celui de Blue Jasmine : la chance qui s’offre de sortir de son monde plein de carcans, pour s’ouvrir aux plaisirs simples de la vie. Mais le ton est assez radicalement différent. On sortait du précédent film bouleversé. On sort de celui-ci heureux, avec un sourire grand comme ça, et une larme au coin des yeux…
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.