La Mousson (The Rains of Ranchipur) – de Jean Negulesco – 1955
Au moins, dès les premières images, on voit ce qui a poussé les studios (la Fox en l’occurrence) à produire ce remake de l’excellent « film catastrophe » de Clarence Brown, avec Tyrone Power : avec ce Cinemascope qui n’en finit pas de s’étirer, et les couleurs vives du Technicolor, cette Mousson deuxième version rompt radicalement, dans la forme en tout cas, avec le noir et blanc et le format traditionnel du film des années 30.
Cette volonté est clairement affichée : avant même de voir les personnages apparaître, de longs plans spectaculaires s’enchaînent, plantant le décor exotique de Ranchipur, « petite » province à l’échelle grandiose de l’Inde, où les traditions ancestrales et les différences de castes semblent toujours très vivaces. Les images sont belles et impressionnantes, et suffisent, en quelques minutes, à faire naître l’excitation. Car si on a vu le film de Clarence Brown, on sait que cette histoire d’amour inattendue entre une Américaine trop riche et trop égoïste et un médecin indien totalement dévoué aux autres, sera marquée par une catastrophe naturelle particulièrement destructrice, qui constituera le sommet du film.
Et Jean Negulesco a visiblement les moyens de ses ambitions, mettant en scène des centaines de figurants pour les seules séquences d’exposition. Eh bien cette séquence de destruction massive tient ses promesses. Les effets spéciaux ont certes un peu vieilli, mais le montage soudain frénétiques, la lumière crépusculaire, et cette manière d’associer le spectaculaire à l’intime sont particulièrement réussis.
Le passage réellement spectaculaire dure à peine plus de cinq minutes, mais il dramatise efficacement le destin de tous ces personnages qui se croisent depuis le début du film. Le problème, c’est que ce début est un peu long : il faut attendre 70 minutes (dans un film qui en dure 100) pour rompre avec le romantisme un peu mièvre qui était en place. Peut-être est-ce dû à la prestation un peu too much de Lana Turner et à celle de Richard Burton qui semble étrangement figé sous les fards du médecin indien… En tout cas l’histoire d’amour au cœur du film laisse de marbre, et fait regretter le couple Tyrone Power-Mirna Loy du film original.
Beaucoup plus réussi : le personnage du mari humilié (Michael Rennie), ou celui de l’exilé qui se réfugie dans l’alcool (Fred MacMurray), deux personnages secondaires autrement plus intéressants, mais trop en retrait.
Tous deux auront droit à de belles scènes dans la dernière partie du film, plus intense, plus complexe, plus aboutie. Un beau mélodrame en demi-teinte, qui donne furieusement envie de revoir La Mousson version 1939.
• Le film est édité dans la collection « Hollywood Legends », qui exhume les classiques de la Fox. Une édition visuellement soignée, mais sans bonus.
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