A History of Violence (id.) – de David Cronenberg – 2005
Il y a un grand malentendu à propos de ce film : non, A History of Violence n’est pas une grande réflexion sur la violence et ses effets, comme le matériel promo qui l’accompagne, et la première partie du film, le laissent penser. Cette première partie est trompeuse, et c’est à peu près tout ce qu’on peut dire sans déflorer le film et ses rebondissements. Elle laisse en tout cas un sentiment d’inachevé franchement frustrant, tant les pistes qui y sont ébauchées sont passionnantes et pleines de promesses.
Dans le rôle d’un monsieur tout le monde soudain confronté à une violence extrême à laquelle rien ne l’avait préparé, Viggo Mortensen est exceptionnel. Bouleversant même, tant on sent chez lui ce vague sentiment d’inachevé d’un homme qui a tout pour lui, mais dont la vie presque idéale est hanté par une sorte de malaise, comme une envie d’autre chose, de sortir de cette routine si confortable. C’est en tout cas ce que l’on ressent devant ce couple magnifique (Mortensen et Maria Bello) qui semble courir après cette étincelle de la jeunesse dont, apparemment ils ont dû se priver…
Le vague désir de l’aventure, de l’exceptionnel. Et puis cette rencontre soudaine, comme la réponse à une prière muette : une menace, la violence extrême, et la réaction héroïque quasi-irréelle de ce « monsieur tout le monde » transformé en star du jour. Et là encore, la promesse d’une belle réflexion sur les effets de cet héroïsme non réfléchi, et de la médiatisation soudaine…
Mais très vite, le film, adapté d’un roman graphique, prend une autre direction. Impossible d’en dire plus sans gâcher la suite. Mais ce que réussit in fine Cronenberg, ce n’est pas cette grande réflexion sur la violence, mais un formidable film noir, dans la grande lignée du genre. L’un des plus beaux de ces dernières décennies, avec un Mortensen marchant clairement dans les pas de Robert Mitchum de la grande période.
Il faut un peu de temps pour digérer la frustration de toutes les pistes abandonnées après cette première partie fabuleuse. Mais lorsqu’on se laisse aller au pur plaisir du film de genre, A History of Violence s’impose comme ce qu’il est : un chef d’œuvre du film noir, tendu et dérangeant, une sorte de remake extrême de Out of the Past peuplé de personnages fascinants (mention spéciale à William Hurt, hallucinant en gangster totalement allumé).
Car ce qui compte tout de même avant tout, ce sont les personnages, et cette famille américaine si parfaite, bousculée par l’irruption de la violence. La dernière scène, superbe, renoue finalement avec le thème initial du film. Pour un final absolument bouleversant.