Derrière le miroir (Bigger than life) – de Nicholas Ray – 1956
Très partagé à la vision de ce drame méconnu de Ray, tourné quelques mois après La Fureur de vivre et la mort de James Dean. D’un côté, on est franchement ému par l’histoire de cet homme souffrant d’une maladie rare qui ne survit que grâce à la cortisone, dont l’excès le plonge peu à peu au cœur de la folie. D’un autre côté, il faut reconnaître qu’on a connu Nicholas Ray plus délicat…
Pour évoquer les effets ravageurs de ce médicament alors expérimental, Ray utilise des ficelles que n’aurait pas renié Dwain Esper ou les autres réalisateurs bis qui, dans les années 30, ont signé les fameux films dénonçant avec des sabots énormes les ravages des drogues en tous genres (les petites productions du genre Reefer Madness…). Bien sûr, Nicholas Ray a un talent immense, qu’il utilise magnifiquement pour suggérer la folie grandissante de cet homme, et la menace de plus en plus pesante qu’il représente pour sa famille. Une scène pour s’en convaincre : celle où James Mason se montre intransigeant avec son fils qui n’arrive pas à résoudre un problème de mathématique, son ombre portée sur le mur semblant planer comme une menace sur l’enfant…
Mais la plongée est trop abyssale pour ne pas frôler le grotesque. Suffisamment loin la plupart du temps, mais de beaucoup trop près dans la première partie qui tourne au thriller glauque et dérangeant. C’est en tout cas une chose qu’on peut reconnaître à Ray : le cinéaste ne fait rien pour simplifier son propos, et filme une famille confrontée à une authentique crise, dans tous les sens du terme. Car cette maladie qui pose un problème insoluble (faut-il continuer à prendre ces médicaments qui rendent fous, ou les arrêter et risquer de mourir) semble être un effet de la crise économique, pour ce professeur forcé de cumuler deux boulots pour payer ses traites, et soumis à une extrême fatigue.
La dimension économique du film aurait mérité d’être davantage mise en avant : elle souligne en parti le dilemme moral de l’épouse, merveilleusement jouée par Barbara Rush, en retrait mais admirable de bout en bout. Tiraillée entre son amour (et sa dévotion) pour son mari, et sa responsabilité de mère de famille, elle semble constamment au bord de la rupture, tout en étant d’un courage exemplaire. Elle (et le gamin, formidable lui aussi) est le cœur et l’âme de ce film dans lequel James Mason semble s’être investi totalement. Egalement producteur, il livre une prestation particulièrement intense, faisant naître la menace de la figure paternelle, dans un mouvement inexorable et inconfortable…
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