Tout le monde dit I love you (Everyone says I love you) – de Woody Allen – 1996
Woody Allen semble réaliser un rêve de gosse avec SA grande comédie musicale, hommage sincère et joyeux au genre et à un Hollywood disparu depuis longtemps (il évoque aussi en passant son idole de toujours, Groucho Marx, dans une séquence déjà culte). Loin d’être un simple pastiche, ce film magique au titre impossible est un authentique musical où les personnages se mettent régulièrement à danser et chanter.
Un vrai tour de force pour des comédiens qui ne sont pas doublés, et qui n’ont rien de chanteurs professionnels. Mais qu’ils aient un beau grain de voix (Edward Norton), ou qu’ils chantent comme mon beau-frère sous sa douche (Julia Roberts), il y a quelque chose de rafraîchissant et d’émouvant à la fois, à les voir se livrer d’une manière aussi intime : lorsqu’ils chantent ou dansent, ces stars habituées à contrôler leur image semblent d’une sincérité troublante.
Woody Allen lui-même paraît se livrer plus encore que d’habitude, dans ce qui est peut-être, derrière l’apparente légèreté du ton, le plus nostalgique de tous ses films. « Il est plus tard qu’on ne croit » clame-t-il régulièrement, soulignant le temps qui s’écoule inexorablement, rythmant les saisons et la vie qui s’écoulent inexorablement dans cette famille recomposée comme Woody Allen les aime, dont le bel équilibre est chamboulé par l’irruption de l’amour sous toutes ses formes, passionnée, compliquée, inattendue.
Les saisons qui passent et que Woody Allen filme comme des personnages à part entière, à la personnalité bien marquée : un hiver sur les quais de Paris, un printemps dans les rues de New York, un été sur les canaux de Venise… On se croirait dans des décors de cartes postales, comme des images très fortes dont on sait lorsqu’on les vit qu’elles resteront gravées à jamais dans les mémoires.
C’est là que le film est le plus beau : dans sa capacité à mettre en valeur ce qui restera de souvenirs, les grands moments de la vie. Dans ce film chorale, qui met en scène une bonne vingtaine de personnages, on a un vrai faible pour Woody lui-même et son ex Goldie Hawn, dont il est séparé depuis des décennies, et avec qui il entretient une belle amitié.
Mais entre ces deux-là restent les souvenirs communs de la passion qu’ils ont partagée. Et cela donne l’une des plus belles séquences de tout le cinéma allenien : une danse magique (dans tous les sens du terme) sur les quais déserts de la Seine, la nuit de Noël, au cours de laquelle les deux anciens époux se laissent aller à une douce nostalgie. Cette séquence est d’une délicatesse infinie, d’une grande virtuosité, et d’une beauté renversante.
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