Scènes de crime – de Frédéric Schoendoerffer – 1999
J’ai toujours beaucoup aimé ce premier film de Schoendoerffer fils. Si ses films suivants n’ont pas tout à fait confirmé tout le bien qu’on pensait alors du jeune cinéaste, reste ce polar cru et traumatisant, l’une des plus belles réussites françaises du genre. Sur un sujet – l’enquête autour d’un tueur en série – éminemment plus hollywoodien que français.
Curieusement, on pense beaucoup au Silence des Agneaux : la nature des crimes peut-être, ou alors l’environnement choisi par les scénaristes, une province anonyme et banale, un peu morne et triste, où surgit une violence que rien ne vient embellir ou rendre plus spectaculaire qu’elle n’est.
Le sujet du film est d’ailleurs moins l’enquête elle-même que les ravages de la violence au quotidien sur des flics qui n’ont rien d’héroïque. Plus encore que dans le chef d’œuvre de Jonathan Demme, Schoendoerffer s’attache au quotidien de ces policiers, au côté laborieux de l’enquête. Pas de figure exceptionnelle à la Hannibal Lecter, ici, mais des faux pas, des interrogatoires inutiles, des bourdes idiotes, de nombreux dossiers à traiter en même temps, des hasards inattendus… La police dans ce qu’elle a de plus quotidienne, de moins spectaculaire.
Et au cœur de l’enquête : deux policiers, l’un encore jeune (Charles Berling, intense), l’autre plus âgé (André Dussolier, magnifique et totalement à nu), dont on jurerait qu’il est une sorte de miroir de ce que le premier deviendra, lorsque les horreurs qu’ils côtoient auront fini de le ravager. Sans effets inutiles, sans jamais en faire trop, Schoendoerffer filme ses personnages au plus près, soulignant à peine (bien aidé par la belle musique de Bruno Coulais) le dégoût qui envahit au fur et à mesure le regard de Berling.
Et lorsqu’il fait l’amour à sa femme un peu trop rudement, visiblement secoué par les horreurs qu’il a côtoyées (et par sa rencontre avec une actrice porno très belle et très sexy), et que l’image ralentit légèrement sur ces corps entremêlés, il se dégage de l’un et de l’autre une douleur et une compréhension absolue qui sont réellement déchirantes.
Magnifique d’un point de vue humain, Scènes de crime reste aussi un vrai polar, avec une enquête totalement dénuée des poncifs et des effets habituels du genre. Un film qui évite constamment les pièges inhérents au genre (on ne compte plus les polars français qui singent bêtement les grands succès américains du genre) pour imposer un ton singulier, réaliste, poisseux, et passionnant.
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