La Chasse du Comte Zaroff / Les Chasses du Comte Zaroff (The Most Dangerous Game) – de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel – 1932
La Chasse du Comte Zaroff a été tourné il y a plus de quatre-vingt ans, mais qu’a-t-on inventé depuis dans le domaine du suspense et de la peur, au cinéma ? Tourné pour une poignée de dollars seulement, et sans autre ambition que de rentabiliser les décors et l’équipe qui travaillaient au même moment sur King Kong, ce chef d’œuvre hallucinant reste aujourd’hui encore un modèle indépassable du genre. Le film est d’une densité et d’une efficacité impressionnantes, jouant sur le dynamisme des cadrages, sur la vigueur des mouvements de caméra…
Le film n’a pas seulement inspiré tout un pan du cinéma de suspense à venir avec son thème (des naufragés sur une île réalisent que l’homme qui les a recueillis veut les transformer en gibier pour ses parties de chasse), mais aussi avec son langage cinématographique. Le montage ahurissant lors du naufrage, les travellings immersifs de la chasse à l’homme, les contre-plongées dans les marécages baignés de brumes… Le film de Schoedsack et Pichel semble servir encore de grammaire cinématographique pour la plupart des cinéastes.
Aujourd’hui, La Chasse… surprend aussi par la modernité de son interprétation. Si Leslie Banks, réellement impressionnant, en fait des tonnes, Joel McCrea, lui, est absolument parfait en jeune héros effrayé par ce qu’il découvre. Mais surtout, Fay Wray, dans son personnage incontournable de « scream queen », est d’une sensualité troublante : on imagine bien la dose d’érotisme qu’elle apportait au cinéma de cette période pre-code d’Hollywood.
Et dire que le film n’a été produit, par la RKO, que pour réduire au mieux les risques pris en produisant ce qui devait devenir l’un des monuments de la firme : King Kong. Ernest B. Schoedsack et Meriam C. Cooper étaient chargés des deux projets, d’une part la grande œuvre, de l’autre ce film de complément dont le succès, à sa sortie, n’aura rien de comparable avec Kong.
C’est peut-être un cas unique dans l’histoire du cinéma : deux chefs d’œuvre immenses et incontournables ont été tournés par la même équipe, dans les mêmes décors, avec une partie du même casting (Fay Wray en particulier), et apparemment simultanément. Quelques mois d’un incroyable état de grâce, pour marquer à jamais l’histoire du 7ème art…
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