Dracula (id.) – de Tod Browning – 1931
Doit-on préciser que ce Dracula premier du nom est un film historique ? Non pas parce qu’il s’agit de la première adaptation du roman de Bram Stocker (le Nosferatu de Murnau était une adaptation officieuse, mais ne cachait rien de son inspiration), mais parce que le film fut celui qui imposa la dimension trouble et sexuelle du personnage, et même du genre horrifique.
C’est aussi le film qui a révélé Bela Lugosi, personnage fascinant plus que grand acteur, qui en fait déjà des tonnes en retrouvant la cape du vampire, qu’il avait déjà revêtue sur scène.
A le revoir dans de si bonnes conditions (le blue ray Universal est une grande réussite), on est surtout marqué par la force visuelle du film, une pure merveille. Et ce dès la séquence d’ouverture, bijou de mise en scène qui sait, en quelques minutes, créer une ambiance d’angoisse qui garde toute sa force 80 ans après.
En ouvrant son film directement en Transylvanie, Browning nous plonge directement dans une terre de mystère, que ses choix de mise en scène renforcent : les autochtones qui parlent une langue qu’on ne comprend pas, et qui s’affolent à l’évocation du château de Dracula, contribuent à nous mettre dans la peau de celui qu’on croit être le héros du film…
Tout est magnifique dans Dracula : des décors somptueux, l’usage fascinant des décors peints et de la profondeur de champs… Au sommet de son art, Browning prouve que son talent n’a rien perdu de sa puissance évocatrice avec l’arrivée du parlant. Son film, malgré des décennies de surenchère dans l’horreur, reste réellement flippant. Surtout pour ce qu’on ne fait qu’évoquer : la transformation de Dracula, la brume…
Forcément, on a beaucoup vanté l’incarnation de Dracula par Lugosi, un rôle dont l’acteur ne se défera jamais vraiment (même s’il ne le retrouvera que pour la parodie Abbott and Costello meet Frankenstein et pour un hommage ironique par Tod Browning lui-même, La Marque du Vampire). Et c’est vrai que sa seule présence habite littéralement le film. Mais il faut aussi saluer la magnifique prestation hallucinée de Dwight Frye dans le rôle de Renfield (aussi connu pour avoir joué Fritz dans Frankenstein, également en 1931). Dès la séquence d’ouverture, où il passe subrepticement du sourire le plus innocent à l’inquiétude sourde, puis lorsqu’il incarne la folie manifeste mâtinée d’une douleur enfouie, il est assez génial.
Loin de la version de Coppola, tout en prenant des libertés avec l’œuvre de Stocker, le Dracula de Browning est un classique instantané, qui reste plus effrayant que la quasi-totalité des films de vampires qui ont suivi.
• Un blue ray indispensable et riche en bonus (dont la version espagnole du film, tournée en même temps et dans les mêmes décors que le film de Stocker, par et George Melford avec d’autres comédiens) a été édité chez Universal.
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