Terreur au Texas (Terror in a Texas Town) – de Joseph H. Lewis – 1958
Sterling Hayden traverse les rues poussiéreuses d’une petite ville de l’Ouest un harpon à la main, et se retrouve bientôt face à un mystérieux homme tout de noir vêtu, dont la caméra ne nous montre que les deux revolvers prêts à être dégainés… Les premières images du film, avant même que le générique ne s’affiche, sont hallucinantes, et installent d’emblée une tension incroyable.
Après le générique, une série de gros plans sur les visages dévastés d’un couple de vieux fermiers assistant impuissant à l’incendie de leur maison ne fait que renforcer l’impression : Terreur au Texas n’a rien d’un petit western de série comme on en tournait à la pelle à l’époque.
Cinéaste plus connu pour ses œuvres noires (Gun Crazy, c’était lui), Joseph H. Lewis tourne son western comme s’il s’agissait d’un thriller. Son film est sombre et violent, et sec comme une détonation dans le noir. La présence de Sterling Hayden, colosse aux allures de gamin mais au regard déterminé comme jamais, ne fait que renforcer la sécheresse de ce western noir.
Le film est formidable parce que le scénario, co-écrit par Dalton Trumbo, surprend constamment (un duel pistolet-harpon, quand même…), y compris dans la musique à contre-pied signée Gerald Fried, parce que la violence y est crue et cruelle comme rarement dans le western des années 50, et parce que les personnages sont absolument exceptionnels.
Nedrick Young, acteur pas si limité que ça, est formidable en tueur sans état d’âme… mais totalement névrosé, visiblement effrayé par son propre vieillissement, par sa solitude insondable, et par sa disparition annoncée.
Le rôle de sa petite amie, joué par une Carol Kelly assez géniale, est tout aussi fort et surprenant : fille facile trop consciente de ne rester avec ce tueur monstrueux que par peur de se retrouver seule. La scène où elle oblige Sterling Hayden à regarder la déchéance dans ses yeux est déchirante et d’une force sidérante.
Le film aurait sans doute mérité la présence d’un chef opérateur plus inspiré : le noir et blanc est assez terne. Mais peut-être le dépouillement total de l’image sert-il la sécheresse de la mise en scène de Lewis. Cette petite production confirme en tout cas les regrets que l’on peut avoir concernant le cinéaste, trop souvent confiné à des séries B pas toujours à la hauteur de ce Terror in a Texas Town, qui sera bizarrement le dernier film de Lewis pour le cinéma. A partir de là, il se consacrera à la télévision, signant d’innombrables épisodes de séries, bien difficile à voir aujourd’hui.
• La dernière fournée en date de la collection Western de Légende, chez Sidonis, contient donc une vraie pépite. Le film de Joseph H. Lewis est présenté avec des analyses de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et Yves Boisset.