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Archive pour le 15 octobre, 2014

Terreur au Texas (Terror in a Texas Town) – de Joseph H. Lewis – 1958

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:14 dans 1950-1959, LEWIS Joseph H., WESTERNS | Pas de commentaires »

Terreur au Texas

Sterling Hayden traverse les rues poussiéreuses d’une petite ville de l’Ouest un harpon à la main, et se retrouve bientôt face à un mystérieux homme tout de noir vêtu, dont la caméra ne nous montre que les deux revolvers prêts à être dégainés… Les premières images du film, avant même que le générique ne s’affiche, sont hallucinantes, et installent d’emblée une tension incroyable.

Après le générique, une série de gros plans sur les visages dévastés d’un couple de vieux fermiers assistant impuissant à l’incendie de leur maison ne fait que renforcer l’impression : Terreur au Texas n’a rien d’un petit western de série comme on en tournait à la pelle à l’époque.

Cinéaste plus connu pour ses œuvres noires (Gun Crazy, c’était lui), Joseph H. Lewis tourne son western comme s’il s’agissait d’un thriller. Son film est sombre et violent, et sec comme une détonation dans le noir. La présence de Sterling Hayden, colosse aux allures de gamin mais au regard déterminé comme jamais, ne fait que renforcer la sécheresse de ce western noir.

Le film est formidable parce que le scénario, co-écrit par Dalton Trumbo, surprend constamment (un duel pistolet-harpon, quand même…), y compris dans la musique à contre-pied signée Gerald Fried, parce que la violence y est crue et cruelle comme rarement dans le western des années 50, et parce que les personnages sont absolument exceptionnels.

Nedrick Young, acteur pas si limité que ça, est formidable en tueur sans état d’âme… mais totalement névrosé, visiblement effrayé par son propre vieillissement, par sa solitude insondable, et par sa disparition annoncée.

Le rôle de sa petite amie, joué par une Carol Kelly assez géniale, est tout aussi fort et surprenant : fille facile trop consciente de ne rester avec ce tueur monstrueux que par peur de se retrouver seule. La scène où elle oblige Sterling Hayden à regarder la déchéance dans ses yeux est déchirante et d’une force sidérante.

Le film aurait sans doute mérité la présence d’un chef opérateur plus inspiré : le noir et blanc est assez terne. Mais peut-être le dépouillement total de l’image sert-il la sécheresse de la mise en scène de Lewis. Cette petite production confirme en tout cas les regrets que l’on peut avoir concernant le cinéaste, trop souvent confiné à des séries B pas toujours à la hauteur de ce Terror in a Texas Town, qui sera bizarrement le dernier film de Lewis pour le cinéma. A partir de là, il se consacrera à la télévision, signant d’innombrables épisodes de séries, bien difficile à voir aujourd’hui.

• La dernière fournée en date de la collection Western de Légende, chez Sidonis, contient donc une vraie pépite. Le film de Joseph H. Lewis est présenté avec des analyses de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et Yves Boisset.

Bill Doolin le hors-la-loi (Cattle Annie and Little Britches) – de Lamont Johnson – 1980

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:10 dans 1980-1989, JOHNSON Lamont, WESTERNS | Pas de commentaires »

Bill Doolin le hors la loi

Heureuse surprise que ce western dont je n’avais même jamais entendu parler, signé par un réalisateur dont le Dialogue de feu (improbable rencontre entre Kirk Douglas et Johnny Cash) ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable, pour rester tempéré. Tourné à une époque (1980) où le genre est à peu près totalement mort, ce beau film peuplé de figures authentiques de l’Ouest encore sauvage évoque à la fois les œuvres classiques d’un George Marshall, et les grandes œuvres à venir dans la lignée d’Impitoyable.

C’est une ode énamourée et un rien nostalgique aux mythes qui ont fait l’Ouest. C’est aussi un film qui démystifie gentiment : Burt Lancaster, impérial dans son dernier rôle d’homme de l’Ouest, est une légende qui apparaît d’abord dans toute sa superbe, avant d’être rapidement confronté à une réalité bien moins glamour. Son gang se résume à une bande de clodos crades et sans le sou, ses attaques de train se soldent par des butins ridicules (un cochon ou du matériel de base-ball).

Un humour légèrement désabusé baigne le film. Une grande vivacité aussi, avec les personnages de ces deux fillettes (Amanda Plummer et Diane Lane, formidables toutes les deux) qui rêvent de devenir hors-la-loi, et qui redonnent du souffle à ce gang vieillissant qui ne croit plus en grand-chose. Au cœur du film, les deux jeunes filles donnent aussi un ton totalement atypique au film, apportant une tendresse inattendue et touchante aux rapports entre ces gangsters revenus de tout.

Mais c’est bien la fin d’une époque que montre le film : la vie dont rêve les gamines, elles l’ont fantasmée à travers des romans illustrés qui immortalisent une épopée qui s’achève. Et puis Lancaster, comme sa nemesis, le marshall joué par Rod Steiger, sont deux hommes d’un autre âge, des « vieux ». Le plus beau, d’ailleurs, c’est peut-être ces petits moments fugaces où le regard de Lancaster accuse soudainement le poids de son âge ; ou encore lorsque Rod Steiger, pour une fois sobre, et Lancaster, côte à côte, reconnaissent avec émotion que les deux jeunes filles ont leur avenir devant elles, alors que eux sont des vieux promis à une disparition rapide.

Passé totalement inaperçu (il n’est même pas sorti en salles en France), un western surprenant, et très attachant.

• DVD dans la collection Western de Légende de Sidonis, avec une présentation par Patrick Brion et un documentaire sur Burt Lancaster.

Les Félins – de René Clément – 1962

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:06 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, CLÉMENT René | Pas de commentaires »

Les Félins

Trois ans après Plein soleil, Les Félins marque les retrouvailles entre Delon et Clément, sur un thème a priori similaire : dans les deux cas, l’acteur est au cœur d’une traque internationale, entre les Etats-Unis et l’Europe. Mais cette fois, la violence est affichée dès la séquence d’ouverture : on est ouvertement dans le noir et le film de genre. Clément joue avec les codes du genre, se glisse dans les bottes d’un réalisateur de genre, mais en restant fidèle à un style européen, marqué par la Nouvelle Vague.

Delon est d’une jeunesse insolente. Ce ne pouvait être que lui dans ce film, parce qu’il est une sorte de miroir déformé de Plein Soleil. Et parce que sa beauté canaille et arrogante est unique dans le paysage cinématographique française des années 60. Une beauté qui est le sujet même de ce film, puisqu’il incarne un playboy qui vit de ses charmes, s’attire les foudres d’un parrain de la pègre new-yorkaise qui veut s’offrir la tête de celui qui a séduit sa femme, et se réfugie dans un château plein de mystère, entre une bonne à l’innocence toute relative et une patronne sexy et trouble.

La première, c’est Jane Fonda, craquante et d’une complexité inattendue. La seconde, c’est Lola Albright, d’une sensualité affolante. Delon trouve refuge dans un domaine magnifique, enfermé avec ces deux femmes superbes toutes prêtes à lui offrir leurs charmes ? Un paradis qui se transforme bientôt en enfer, dans ce film qui joue avec délectation avec les rebondissements les plus improbables, s’amusant à accumuler les poncifs les plus éculés du pur cinéma de diverstissement.

Fusillades, poursuites, séduction, luxe, secrets bien gardés, portes dérobées, faux disparus et vraie manipulation… Plus le film avance, plus l’intrigue devient improbable. Clément s’amuse de ce parti pris, et joue pleinement le jeu. Les Félins est un pur plaisir, coupable et assumé.

Dracula (id.) – de Tod Browning – 1931

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:03 dans 1930-1939, BROWNING Tod, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Dracula 1931

Doit-on préciser que ce Dracula premier du nom est un film historique ? Non pas parce qu’il s’agit de la première adaptation du roman de Bram Stocker (le Nosferatu de Murnau était une adaptation officieuse, mais ne cachait rien de son inspiration), mais parce que le film fut celui qui imposa la dimension trouble et sexuelle du personnage, et même du genre horrifique.

C’est aussi le film qui a révélé Bela Lugosi, personnage fascinant plus que grand acteur, qui en fait déjà des tonnes en retrouvant la cape du vampire, qu’il avait déjà revêtue sur scène.

A le revoir dans de si bonnes conditions (le blue ray Universal est une grande réussite), on est surtout marqué par la force visuelle du film, une pure merveille. Et ce dès la séquence d’ouverture, bijou de mise en scène qui sait, en quelques minutes, créer une ambiance d’angoisse qui garde toute sa force 80 ans après.

En ouvrant son film directement en Transylvanie, Browning nous plonge directement dans une terre de mystère, que ses choix de mise en scène renforcent : les autochtones qui parlent une langue qu’on ne comprend pas, et qui s’affolent à l’évocation du château de Dracula, contribuent à nous mettre dans la peau de celui qu’on croit être le héros du film…

Tout est magnifique dans Dracula : des décors somptueux, l’usage fascinant des décors peints et de la profondeur de champs… Au sommet de son art, Browning prouve que son talent n’a rien perdu de sa puissance évocatrice avec l’arrivée du parlant. Son film, malgré des décennies de surenchère dans l’horreur, reste réellement flippant. Surtout pour ce qu’on ne fait qu’évoquer : la transformation de Dracula, la brume…

Forcément, on a beaucoup vanté l’incarnation de Dracula par Lugosi, un rôle dont l’acteur ne se défera jamais vraiment (même s’il ne le retrouvera que pour la parodie Abbott and Costello meet Frankenstein et pour un hommage ironique par Tod Browning lui-même, La Marque du Vampire). Et c’est vrai que sa seule présence habite littéralement le film. Mais il faut aussi saluer la magnifique prestation hallucinée de Dwight Frye dans le rôle de Renfield (aussi connu pour avoir joué Fritz dans Frankenstein, également en 1931). Dès la séquence d’ouverture, où il passe subrepticement du sourire le plus innocent à l’inquiétude sourde, puis lorsqu’il incarne la folie manifeste mâtinée d’une douleur enfouie, il est assez génial.

Loin de la version de Coppola, tout en prenant des libertés avec l’œuvre de Stocker, le Dracula de Browning est un classique instantané, qui reste plus effrayant que la quasi-totalité des films de vampires qui ont suivi.

• Un blue ray indispensable et riche en bonus (dont la version espagnole du film, tournée en même temps et dans les mêmes décors que le film de Stocker, par et George Melford avec d’autres comédiens) a été édité chez Universal.

L’Inspecteur Harry est la dernière cible (The Dead Pool) – de Buddy Van Horn – 1988

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:59 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), VAN HORN Buddy | Pas de commentaires »

L'Inspecteur Harry est la dernière cible

A la fin des années 80, Clint Eastwood arrive dans une sorte d’impasse. Sa fameuse logique de carrière, selon laquelle un film de genre permet de combler les déficits de ses œuvres plus personnelles, atteint sa limite. Et l’âge venant, Clint sait qu’il ne pourra pas jouer indéfiniment les superflics. Contre toute-attente, il sort une dernière fois l’inspecteur Harry de sa retraite, désireux d’offrir à la Warner un succès garanti, alors qu’il vient d’achever le tournage de Bird, film auquel il tient particulièrement en dépit de toute logique commerciale.

Mieux : avant de tourner un autre film très personnel, hommage à John Huston et African Queen (Chasseur Blanc, cœur noir), il enchaîne les tournages de deux polars, dont il confie la réalisation à son fidèle responsable des cascades, Buddy Van Horn. Ce sera La Dernière Cible, celui des cinq « Harry » qui connaîtra le succès le plus modeste ; et Pink Cadillac, un nanar tout juste sympathique qui sera un désastre commercial, et ne sortira pas même dans les salles françaises.

Ses films plus personnels ne connaissant qu’un succès commercial d’estime, Eastwood est alors dans le plus grand creux de sa carrière, depuis ses premiers succès vingt-cinq ans plus tôt. Déconnecté du public, il tentera de surfer sur la nouvelle mode des action-movies avec La Relève. Mais ce n’est que lorsqu’il abandonnera toute logique de carrière, et qu’il se contentera de faire ce dont il a envie qu’il enchaînera ses meilleurs films : avec Impitoyable, c’est une nouvelle ère, la plus passionnante, qui s’ouvrira pour lui.

Voilà pour le contexte. Du film lui-même, pas grand-chose à dire, une fois que l’on connaît sa raison d’être, et la personnalité du réalisateur : Van Horn, le collaborateur de toujours, que l’on a même vu incarner le shérif dans les flash-backs de L’Homme des hautes plaines, et qu’Eastwood semble remercier pour sa fidélité plus que pour un talent que, de toute évidence, il n’a pas. Van Horn n’est qu’un yes-man qui signe une réalisation propre mais purement fonctionnelle.

Peu de surprise dans ce Dirty Harry numéro cinq, qui reprend les mêmes recettes que les précédents films. Au détour d’un repas aux chandelles entre Harry et une journaliste (Patricia Clarkson), la brève évocation du passé de Callahan, et la lumière chaude et intime du restaurant, laisse en suspense une petite touche d’émotion et de nostalgie, rapidement balayée par une énième fusillade. On peut noter aussi la présence de Liam Neeson, pas terrible dans l’un de ses premiers rôles d’envergure. Ou encore l’une des premières apparitions à l’écran de Jim Carrey, dans celui de la star du rock qui trépasse à la fin de la première bobine.

On peut surtout s’amuser du sort réservé à une critique de cinéma acerbe que l’on devine inspirée par Pauline Kael, la grande prêtresse de la critique américaine, farouche détracteur d’Eastwood qui fut l’une des seules à descendre en flamme Bird lors de sa présentation à Cannes.

Mais le film ne semble avoir qu’un objectif : nous conduire à cette incroyable poursuite en voitures dans les rues de San Francisco entre la Ford de Callahan et un modèle réduit… clin d’œil un rien parodique aux grandes poursuites du polar des années 70, qui faisaient les grandes heures de Bullitt, French Connection… ou Dirty Harry.

• Voir aussi les quatre précédents épisodes de la saga Callahan, très inégaux : L’Inspecteur Harry,Magnum Force, L’Inspecteur ne renonce jamais et Le Retour de l’Inspecteur Harry.

La Chasse du Comte Zaroff / Les Chasses du Comte Zaroff (The Most Dangerous Game) – de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel – 1932

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:49 dans 1930-1939, PICHEL Irving, SCHOEDSACK Ernest B. | Pas de commentaires »

La Chasse du Comte Zaroff

La Chasse du Comte Zaroff a été tourné il y a plus de quatre-vingt ans, mais qu’a-t-on inventé depuis dans le domaine du suspense et de la peur, au cinéma ? Tourné pour une poignée de dollars seulement, et sans autre ambition que de rentabiliser les décors et l’équipe qui travaillaient au même moment sur King Kong, ce chef d’œuvre hallucinant reste aujourd’hui encore un modèle indépassable du genre. Le film est d’une densité et d’une efficacité impressionnantes, jouant sur le dynamisme des cadrages, sur la vigueur des mouvements de caméra…

Le film n’a pas seulement inspiré tout un pan du cinéma de suspense à venir avec son thème (des naufragés sur une île réalisent que l’homme qui les a recueillis veut les transformer en gibier pour ses parties de chasse), mais aussi avec son langage cinématographique. Le montage ahurissant lors du naufrage, les travellings immersifs de la chasse à l’homme, les contre-plongées dans les marécages baignés de brumes… Le film de Schoedsack et Pichel semble servir encore de grammaire cinématographique pour la plupart des cinéastes.

Aujourd’hui, La Chasse… surprend aussi par la modernité de son interprétation. Si Leslie Banks, réellement impressionnant, en fait des tonnes, Joel McCrea, lui, est absolument parfait en jeune héros effrayé par ce qu’il découvre. Mais surtout, Fay Wray, dans son personnage incontournable de « scream queen », est d’une sensualité troublante : on imagine bien la dose d’érotisme qu’elle apportait au cinéma de cette période pre-code d’Hollywood.

Et dire que le film n’a été produit, par la RKO, que pour réduire au mieux les risques pris en produisant ce qui devait devenir l’un des monuments de la firme : King Kong. Ernest B. Schoedsack et Meriam C. Cooper étaient chargés des deux projets, d’une part la grande œuvre, de l’autre ce film de complément dont le succès, à sa sortie, n’aura rien de comparable avec Kong.

C’est peut-être un cas unique dans l’histoire du cinéma : deux chefs d’œuvre immenses et incontournables ont été tournés par la même équipe, dans les mêmes décors, avec une partie du même casting (Fay Wray en particulier), et apparemment simultanément. Quelques mois d’un incroyable état de grâce, pour marquer à jamais l’histoire du 7ème art…

Scènes de crime – de Frédéric Schoendoerffer – 1999

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:44 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, SCHOENDOERFFER Frédéric | Pas de commentaires »

Scènes de crimes

J’ai toujours beaucoup aimé ce premier film de Schoendoerffer fils. Si ses films suivants n’ont pas tout à fait confirmé tout le bien qu’on pensait alors du jeune cinéaste, reste ce polar cru et traumatisant, l’une des plus belles réussites françaises du genre. Sur un sujet – l’enquête autour d’un tueur en série – éminemment plus hollywoodien que français.

Curieusement, on pense beaucoup au Silence des Agneaux : la nature des crimes peut-être, ou alors l’environnement choisi par les scénaristes, une province anonyme et banale, un peu morne et triste, où surgit une violence que rien ne vient embellir ou rendre plus spectaculaire qu’elle n’est.

Le sujet du film est d’ailleurs moins l’enquête elle-même que les ravages de la violence au quotidien sur des flics qui n’ont rien d’héroïque. Plus encore que dans le chef d’œuvre de Jonathan Demme, Schoendoerffer s’attache au quotidien de ces policiers, au côté laborieux de l’enquête. Pas de figure exceptionnelle à la Hannibal Lecter, ici, mais des faux pas, des interrogatoires inutiles, des bourdes idiotes, de nombreux dossiers à traiter en même temps, des hasards inattendus… La police dans ce qu’elle a de plus quotidienne, de moins spectaculaire.

Et au cœur de l’enquête : deux policiers, l’un encore jeune (Charles Berling, intense), l’autre plus âgé (André Dussolier, magnifique et totalement à nu), dont on jurerait qu’il est une sorte de miroir de ce que le premier deviendra, lorsque les horreurs qu’ils côtoient auront fini de le ravager. Sans effets inutiles, sans jamais en faire trop, Schoendoerffer filme ses personnages au plus près, soulignant à peine (bien aidé par la belle musique de Bruno Coulais) le dégoût qui envahit au fur et à mesure le regard de Berling.

Et lorsqu’il fait l’amour à sa femme un peu trop rudement, visiblement secoué par les horreurs qu’il a côtoyées (et par sa rencontre avec une actrice porno très belle et très sexy), et que l’image ralentit légèrement sur ces corps entremêlés, il se dégage de l’un et de l’autre une douleur et une compréhension absolue qui sont réellement déchirantes.

Magnifique d’un point de vue humain, Scènes de crime reste aussi un vrai polar, avec une enquête totalement dénuée des poncifs et des effets habituels du genre. Un film qui évite constamment les pièges inhérents au genre (on ne compte plus les polars français qui singent bêtement les grands succès américains du genre) pour imposer un ton singulier, réaliste, poisseux, et passionnant.

3000 dollars mort ou vif (Four faces West) – de Alfred E. Green – 1948

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:40 dans 1940-1949, GREEN Alfred E., WESTERNS | Pas de commentaires »

3000 dollars mort ou vif

Un braqueur de banque qui rembourse le montant de son butin. Joel McCrea traversant le désert à dos de bœuf, ou prenant la fuite au côté d’une femme qu’il aime. Le même fuyard prenant le temps de s’arrêter pour aider une famille souffrant de diphtérie, dans une séquence très émouvante. Pas un seul coup de feu du début à la fin…

Pas de doute, Four Faces West est un western hors du commun, qui s’évertue à multiplier les surprises et les contre-pieds à tous moments. A commencer par le choix du héros : un braqueur de banque, dont on sait qu’il a des raisons très louables certes, mais un braqueur tout de même. Formé au temps du muet (il fut l’un des réalisateurs aux ordres de Mary Pickford), Alfred E. Green signe l’un des westerns les plus curieux de la décennie.

Quel dommage quand même que ‘image soit aussi terne. Pourtant photographié par Russel Harlan, prestigieux chef op de La Rivière Rouge de Hawks, le film a des allures de téléfilm des années 50, l’image manquant constamment de profondeur. Un choix curieux, compensé par le travail de Green, qui excelle à mettre en scène des personnages inattendus et passionnants.

Le trio que forme dans la première partie le braqueur, l’infirmière et « l’ange gardien », d’abord trouble (un visage de fourbe dont on s’attend à ce qu’il soit le traître de service, mais à contre-emploi, Joseph Calleia est formidablement utilisé), est assez génial. Et les regards que les uns se jettent aux autres lors du voyage en chariot, lourd en significations.

On pourrait citer aussi l’utilisation maligne et originale de la figure de Pat Garrett, généralement réduit à sa fonction de tueur de Billy le Kid, et qui prend ici une toute autre dimension. Imparfait et parfois frustrant, Four Faces West reste un western jouissif et totalement à part dans la longue et riche histoire du genre.

• DVD dans la collection Westerns de Légende chez Sidonis, avec présentations par Bertrand Tavernier, Yves Boisset et Patrick Brion

L’Arnaque (The Sting) – de George Roy Hill – 1973

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:36 dans 1970-1979, HILL George Roy, NEWMAN Paul | Pas de commentaires »

L'Arnaque

Après le western, le film de gangster. Cinéaste attitré de Paul Newman et Robert Redford, qu’il a été le seul à réunir, et qu’il a également dirigé seuls (La Kermesse des aigles pour Redford, La Castagne pour Newman), George Roy Hill reforme le tandem mythique de Butch Cassidy et le Kid, et l’alchimie entre ces deux-là est toujours aussi magique… lorsqu’ils sont effectivement réunis à l’écran.

C’est l’une des deux grandes limites du film : Redford et Newman ont bien quelques scènes en commun, mais la plupart du temps assez anecdotiques. Les moments les plus forts du film ne reposent quasiment jamais sur la complicité manifeste des deux stars, mais sur l’un ou l’autre, alternativement. Le tandem semble ainsi se passer le relais à plusieurs reprises tout au long du film, plutôt que vraiment se donner la réplique.

L’autre limite, c’est l’application extrême que met Hill à recréer l’époque des années 30. La reconstitution est belle, bluffante même. Les décors et les costumes sont parfaits, les personnages semblent bel et bien sortis d’un film de gangster des années 30, et une musique bien d’époque omniprésente souligne le moindre rebondissement. Mais tout cela paraît hyper soigné, et manque tellement de vie. Le découpage en chapitres semble n’exister que pour préciser que tout cela n’est qu’un grand livre d’images. Un pastiche appliqué, l’œuvre d’un réalisateur qui l’a toujours été, appliqué, mais sans une vraie personnalité.

Cela dit, cette immense arnaque à tiroirs et pleine de faux semblants, que n’aurait pas renié David Mamet, reste un film léger et profondément réjouissant. Et on prend un plaisir fou à voir les deux stars monter leur arnaque et tromper leur monde. Et nous tromper nous-mêmes, spectateurs et victimes consentantes. Un plaisir frustrant certes, mais un plaisir gourmand quand même…

Tout le monde dit I love you (Everyone says I love you) – de Woody Allen – 1996

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:33 dans 1990-1999, ALLEN Woody, COMEDIES MUSICALES | Pas de commentaires »

Tout le monde dit I love you

Woody Allen semble réaliser un rêve de gosse avec SA grande comédie musicale, hommage sincère et joyeux au genre et à un Hollywood disparu depuis longtemps (il évoque aussi en passant son idole de toujours, Groucho Marx, dans une séquence déjà culte). Loin d’être un simple pastiche, ce film magique au titre impossible est un authentique musical où les personnages se mettent régulièrement à danser et chanter.

Un vrai tour de force pour des comédiens qui ne sont pas doublés, et qui n’ont rien de chanteurs professionnels. Mais qu’ils aient un beau grain de voix (Edward Norton), ou qu’ils chantent comme mon beau-frère sous sa douche (Julia Roberts), il y a quelque chose de rafraîchissant et d’émouvant à la fois, à les voir se livrer d’une manière aussi intime : lorsqu’ils chantent ou dansent, ces stars habituées à contrôler leur image semblent d’une sincérité troublante.

Woody Allen lui-même paraît se livrer plus encore que d’habitude, dans ce qui est peut-être, derrière l’apparente légèreté du ton, le plus nostalgique de tous ses films. « Il est plus tard qu’on ne croit » clame-t-il régulièrement, soulignant le temps qui s’écoule inexorablement, rythmant les saisons et la vie qui s’écoulent inexorablement dans cette famille recomposée comme Woody Allen les aime, dont le bel équilibre est chamboulé par l’irruption de l’amour sous toutes ses formes, passionnée, compliquée, inattendue.

Les saisons qui passent et que Woody Allen filme comme des personnages à part entière, à la personnalité bien marquée : un hiver sur les quais de Paris, un printemps dans les rues de New York, un été sur les canaux de Venise… On se croirait dans des décors de cartes postales, comme des images très fortes dont on sait lorsqu’on les vit qu’elles resteront gravées à jamais dans les mémoires.

C’est là que le film est le plus beau : dans sa capacité à mettre en valeur ce qui restera de souvenirs, les grands moments de la vie. Dans ce film chorale, qui met en scène une bonne vingtaine de personnages, on a un vrai faible pour Woody lui-même et son ex Goldie Hawn, dont il est séparé depuis des décennies, et avec qui il entretient une belle amitié.

Mais entre ces deux-là restent les souvenirs communs de la passion qu’ils ont partagée. Et cela donne l’une des plus belles séquences de tout le cinéma allenien : une danse magique (dans tous les sens du terme) sur les quais déserts de la Seine, la nuit de Noël, au cours de laquelle les deux anciens époux se laissent aller à une douce nostalgie. Cette séquence est d’une délicatesse infinie, d’une grande virtuosité, et d’une beauté renversante.

 

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