Play it again, Sam

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Archive pour août, 2014

L’Homme sans âge (Youth without youth) – de Francis Ford Coppola – 2007

Posté : 21 août, 2014 @ 1:42 dans 2000-2009, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

L’Homme sans âge

Près de dix ans après son précédent film, enfin débarrassé des problèmes financiers qui l’ont poussé, durant toute les années 90, à se fondre dans le paysage des grands studios hollywoodiens, Coppola retrouve une liberté et une ambition qui rappellent ses grandes années. L’ambition par la richesse des thèmes abordés, et par l’ampleur de son récit, qui court sur une trentaine d’années, de la Roumanie de l’immédiat avant-guerre, aux années pleines d’angoisse et d’espoirs de la guerre froide, trois décennies plus tard. Et la liberté que s’offre Coppola, totalement débarrassé des codes hollywoodiens.

Avec le destin de ce vieil homme (Tim Roth) frappé par la foudre, qui rajeunit mystérieusement et réalise que ses capacités intellectuelles ont accru de manière spectaculaire, Coppola signe une méditation sur le temps qui passe, sur la perception, le sens de la vie, la maîtrise que l’on a sur sa propre existence et sur ceux qui nous entourent…  Le filme pose beaucoup de questions sur la connaissance, l’amour, la responsabilité, le destin. Y répond-il ? Je n’en suis pas sûr : pour apprécier L’Homme sans âge, il faut accepter de se perdre en route, de se laisser embarquer dans cette balade dans le temps, quitte à se retrouver perdu en cours de route.

Car c’est bien la question du temps, omniprésente dans toute son œuvre, qui est le sujet central de ce film, comme si Coppola tenait d’une certaine manière à rattraper celui qu’il avait perdu. Voyageant dans sa propre cinématographie, il renoue avec un enthousiasme qu’il semblait avoir perdu depuis quinze ans. Ce n’est sans doute pas un hasard si, visuellement, le film évoque si fortement Le Parrain par moments (ne serait-ce que par la présence de Tim Roth, que Coppola filme dans certains plans comme s’il était le Pacino de 1972), Dracula à d’autres (l’utilisation poétique des cadres et de la lumière, à travers le filtre du fantastique).

La parenté avec son adaptation du roman de Bram Stocker est souvent frappante, dans cette œuvre fascinante et déconcertante, visuellement splendide, qui est sans doute le plus européen de ses films (il s’agit d’ailleurs d’une co-production européenne, tournée en Roumanie) : par son côté expérimental, et son approche très cinéphile du cinéma. Tout en cherchant à trouver une nouvelle manière de raconter son histoire, Coppola rend un hommage vibrant au cinéma des années 30 à 60, durant lesquelles se déroule l’action, du générique très 50s à la manière très film noir de filmer les ruelles sombres et humides… jusqu’au clin d’œil amusé au Faucon maltais.

L’Homme sans âge passionne souvent, laisse perplexe parfois, frôlant même l’ennui dans quelques séquences de la seconde moitié, mais il fascine constamment. Coppola, avec ce film, trouve une nouvelle jeunesse, même si le titre original (« la jeunesse sans la jeunesse ») montre bien qu’il n’est pas dupe. Sa soif d’expérimentation est de cinéma pur est toujours bien là, comme le confirmeront ses deux films suivants, Tetro et Twixt. On attend la suite avec impatience…

Pour elle – de Fred Cavayé – 2008

Posté : 21 août, 2014 @ 1:38 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CAVAYÉ Fred | Pas de commentaires »

Pour elle

Dès son premier long métrage, placé sous le parrainage d’un Olivier Marchal qui fait une apparition clin d’œil dans le film, Fred Cavayé s’impose comme le nouveau roi incontournable du thriller français. Très inspiré aussi par le film de genre hollywoodien, Pour elle marque une date dans l’histoire du polar français, qui atteint une sorte de maturité et d’excellence rarement atteintes jusque là.

Avec Pour elle, Fred Cavayé joue à la fois sur le romanesque tragique à la James Gray, et sur un dépouillement absolu (à l’image de l’appartement de Vincent Lindon à la fin du film) qui évoque lui le Jean-Pierre Melville des grands films. Rien de superflu dans ce polar sec et tendu, l’histoire d’un père de famille sans histoire qui décide de faire évader sa femme, incarcérée depuis trois ans pour un meurtre qu’elle n’a pas commis.

Cavayé aurait pu jouer sur le doute concernant la culpabilité de l’épouse, jouée par Diane Kruger. Mais là n’était pas son sujet. L’innocence de la jeune femme est dévoilée en trois plans – flash backs d’une concision exemplaire. La nature même du crime, d’ailleurs, n’est abordée que brièvement, comme un passage obligé mais expédié en une poignée de répliques seulement.

Le cœur du film est ailleurs. Dans la détermination d’un homme ordinaire de tout faire pour libérer la mère de son enfant, victime d’une société imparfaite. Cavayé ne cherche pas à ménager le spectateur : le système qui a condamné cette innocente ne reconnaîtra pas son erreur, et l’unique chance qu’a Vincent Lindon de sauver sa famille est de braver tous les interdits…

Plus encore, peut-être, que cette détermination à toute épreuve, d’un homme prêt à tout pour celle qu’il aime, Pour elle est un film sur la filiation. Le personnage de Vincent Lindon ferait-il les mêmes choix s’il n’y avait cet enfant qui crève de ne pas vivre avec sa mère ? Et puis il y a le père de Lindon, taiseux n’ayant plus échangé un mot avec son fils depuis des années, des décennies peut-être. Les regards que ces deux-là s’échangent, et l’étreinte qu’ils se font au dernier moment sont absolument bouleversants.

C’est dans ces moments intimes, plus que dans les grands moments de suspense ou les accès de violence, que le film est le plus marquant : les brèves retrouvailles dans le parloir, les après-midi dans le parc, ou le face à face entre les deux frères. Là, Cavayé réussit ce que peu de cinéastes français ont su faire avec lui : mêler le suspense et l’intime, dans une sorte de tragédie déchirante. La marque d’un auteur à suivre…

C’est pour toujours (Now and forever) – de Henry Hathaway – 1934

Posté : 20 août, 2014 @ 3:18 dans 1930-1939, COOPER Gary, HATHAWAY Henry | Pas de commentaires »

C’est pour toujours

Sous des allures de petite comédie sans prétention, avec les plus grandes stars de l’époque (Gary Cooper et Carole Lombard qui tentent d’élever Shirley Temple, pas mal quand même), Now and forever est un film sombre, cruel et bouleversant. Particulièrement osé aussi : Cooper, immense, interprète un arnaqueur totalement inconséquent, qui mène la grande vie avec sa nouvelle femme (Carole Lombard, donc), accumulant des ardoises gigantesques dans les plus beaux hôtels du monde sans avoir un sou. Un aventurier plutôt sympathique, somme toute, mais qui décide de prendre sous son aile la fille qu’il a eue d’un précédent mariage, et dont il ne s’était jamais occupé.

Bien sûr, il y a les moues irrésistibles de Shirley Temple, la plus grande enfant star de toute l’histoire du cinéma. Il y a son naturel incroyable, et le regard plein d’amour que lui porte son père de cinéma. Il y a aussi l’effet profondément salutaire que la petite fille a sur ce père sans scrupule et sur son couple en danger.

Henry Hathaway sait donner de la légèreté à son récit, lorsqu’il filme une famille en train de se construire.
Mais le cinéaste est autrement plus percutant lorsqu’il révèle la profonde noirceur de ses personnages. Gary Cooper mentant ouvertement à sa fille donne lieu à une scène absolument déchirante. En s’attachant au visage de l’acteur, le cinéaste souligne sans grandiloquence mais avec une efficacité incroyable la culpabilité qui ne finira plus de ronger le personnage.

Plus qu’un film sur la famille (Carole Lombard n’a qu’un rôle de soutien, et Shirley Temple est avant tout une image idéale), Now and forever est l’histoire d’un homme qui peine à entrer pleinement dans la vie d’adulte. Un être qui ne trouve pas le courage d’assumer ses responsabilités, et qui trouve plus facile de perdre tout ce qui compte à ses yeux, quitte à en payer le prix fort.

• Universal vient d’éditer le DVD du film, à petit prix et sans le moindre bonus.

L’Aventure est à l’Ouest (The Great Sioux Uprising) – de Lloyd Bacon – 1953

Posté : 20 août, 2014 @ 3:14 dans 1950-1959, BACON Lloyd, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Aventure est à l'Ouest

Le plus Indien des acteurs américains, Jeff Chandler, une nouvelle fois dans un western pro-Indien. Mais cette fois, l’inoubliable interprète de Cochise (dans trois films, notamment le sublime La Flèche brisée), trouve un rôle de blanc, semblable à celui que tenait James Stewart dans le film de Delmer Daves. Il y est plutôt à l’aise d’ailleurs, imposant une présence incontestable malgré les faiblesses du scénario, comme de la mise en scène, qui prend parfois des raccourcis étonnants : sa première apparition, traversant sans raison un village indien en pleine crise, a quelque chose de vaudevillesque franchement surprenant.

Il y a bien d’autres ratés qui plombent un peu le film : la relation amoureuse entre la belle (Faith Domergue) et le méchant (Lyle Bettger) passe complètement à la trappe, la lâcheté des petits éleveurs est aussi un thème qui aurait mérité d’être mieux développé… De la même manière, le sacrifice ultime d’Ahab (sympathique présence de Peter Whitner, citant constamment la bible) est expédié avec une nonchalance impardonnable.

Mais le film ne manque pas d’intérêt et reste plutôt sympathique même s’il manque franchement de souffle : Lloyd Bacon n’est sans doute pas le plus grand cinéaste lorsqu’il s’agit d’insuffler une dimension épique. Il y a d’autres atouts : la qualité de l’interprétation notamment, mais aussi et surtout un aspect constamment répétitif assez fascinant. Le film semble en effet être une succession de scènes qui se renvoient les unes aux autres : les vols de chevaux, les efforts constants de Jeff Chandler pour maintenir la paix, constamment contrariés par les méfaits de Lyle Bettger… Ces répétitions soulignent la fragilité de la paix, l’absurdité des conflits qui font rage ou qui couvent, et la rage étouffée du peuple indien spolié de tout.

A défaut d’être un grand film, L’Aventure est à l’Ouest est un western original, et d’une sincérité touchante.

• DVD dans la collection Western de Légende chez Sidonis, avec une présentation par Patrick Brion, et le documentaire consacré à l’histoire du western présent sur plusieurs DVD de la collection.

Three days to kill (id.) – de McG – 2014

Posté : 20 août, 2014 @ 3:10 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, ACTION US (1980-…), COSTNER Kevin, McG | Pas de commentaires »

Three days to kill

Le bon côté d’abord : ça fait plaisir de retrouver Kevin Costner en tête d’affiche. Requinqué par le succès de la formidable mini-série Hatfield & McCoys et par ses seconds rôles remarqués dans Man of Steel et The Ryan Initiative, celui qui fut la plus grande star du début des années 90, celui à cause de qui des avocats et des huissiers s’appellent Kevin, aujourd’hui en France, Costner a droit à un action movie taillé pour lui par un Luc Besson qui tente de renouer avec lui les succès qu’il a connu avec Liam Neeson (Taken 1, 2, 3…).

Evidemment, ça, ce n’est pas une bonne nouvelle. Autant on peut saluer l’ambition de Besson réalisateur, autant Besson scénariste s’apparente à une photocopieuse doublée d’une machine à faire du cash. Avec Three days to kill, ce sont donc strictement les mêmes recettes que dans tous les films qu’il scénarise à la chaîne depuis vingt ans, que l’on retrouve : des fusillades, des poursuites en voiture, un humour lourdingue, des émotions faciles, et une morale pour le moins flottante.

Avec toujours un semblant d’idée originale. Ici : une maladie incurable dont souffre un tueur de la CIA (Costner, donc), qui le pousse à se rapprocher de sa femme et de sa fille dont il s’est éloigné depuis des années. C’est avec elles qu’on a droit aux scènes les plus sympathiques et émouvantes, même si les clichés sont à tous les étages, dans ce Paris de carte postale qui n’oublie absolument aucun passage obligé (la Tour Eiffel scintille, évidemment), pour être bien sûr de toucher un public international. Il faut dire que l’épouse est interprétée par Connie Nielsen qui, même quand elle n’a rien à jouer, est excellente, et que la gamine est jouée par Hailee Steinfel, la révélation de True Grit.

Besson donne aussi un rôle un peu grotesque à Amber Heard, curieux ange-gardien de Kevin, qui incite ce dernier à sortir de sa retraite en échange d’un sérum qui pourrait lui sauver la vie… mais lui file des hallucinations qu’il ne peut soigner qu’à la vodka. La belle ne sert pas à grand-chose dans le film, si ce n’est dans une séquence de tuerie qui tourne à l’engueulade autour de ce qu’est une moustache. De loin le passage le plus amusant.

Le scénario est particulièrement indigeste, entremêlant lourdement les tueries de Kevin et ses galères pour devenir un bon père. Mais il réserve pas mal de morceaux de bravoure qui auraient pu sauver le film. Las, c’est McG aux commandes, le réal de Charlie’s Angels et de Terminator Renaissance, dont le style syncopé fatigue et provoque l’ennuie dès la première scène d’action. A voir pour Costner, seulement pour lui…

• DVD chez Europa, avec quelques bonus promotionnels dans lesquels Costner et McG clament leur enthousiasme.

Fille d’Ecosse (The Pride of the Clan) – Maurice Tourneur – 1917

Posté : 20 août, 2014 @ 3:03 dans 1895-1919, FILMS MUETS, PICKFORD Mary, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Fille d’Ecosse

Maurice Tourneur a été l’un des réalisateurs les plus importants dans la carrière de Mary Pickford, l’un des rares à avoir su tirer le meilleur du talent incontestable de la star : trop habituée à être le seul maître à bord, Pickford s’est trop souvent complu dans le rôle de fillette un peu fofolle qu’elle a tenu un nombre incalculable de fois, bien après ses 30 ans.

Dans Fille d’Ecosse, on sent que Mary Pickford s’est laissée diriger par ce cinéaste exigeant et perfectionniste, qu’elle retrouvera d’ailleurs dès l’année suivant pour Pauvre petite fille riche, une autre réussite. Solaire, mais plus grave qu’à l’accoutumée, la « petite fille de l’Amérique » reste romantique avant tout, mais sur un mode nettement plus adulte et profond que dans la plupart de ses films.

The Pride of the Clan se passe en Ecosse, mais l’histoire n’aurait pas été très différente dans les bas-fonds de New-York ou dans n’importe quel village du monde. Dans un petit village de pêcheur, sur une île aride des Highlands, Mary Pickford y est la fille du chef de clan, forcée de reprendre le flambeau après que son père a péri en mer. Ce pourrait être le cœur du film, mais ces débuts contraints en tant que chef de clan n’en occupent qu’une infirme partie : une scène, surtout, dans laquelle Mary Pickford, le fouet à la main, remet les villageois sur le chemin de la foi…

Il y a bien une intrigue: le fiancé de la jeune femme apprend que celle qui l’a élevé n’est pas sa mère, et que sa véritable génitrice est une riche dame du grand monde. Mais le film est surtout fait de petits riens que Tourneur fait durer, créant une atmosphère chaleureuse et authentique, comme lors de ce ceilidh (ces soirées dansantes traditionnelles en Ecosse) où, même dans un film muet, on sent la cornemuse et la bière réchauffer les cœurs.

Visuellement, et on le voit même dans une copie très abîmée, le film est une splendeur. Tourneur joue merveilleusement avec la lumière : celle de la lune, celle plus crue du jour, ou celle des bougies qui éclairent les intérieurs. Avec les contre-jours aussi, qui donnent lieu à quelques images magnifiques. Surtout, Tourneur filme la mer et les éléments qui se déchaînent avec une inspiration impressionnante.

De l’Ecosse elle-même, on ne voit pas grand-chose, dans ce film sans doute pas tourné sur place : quelques pierres surtout, et une rangée de maisons traditionnelles. Mais lorsqu’il est sur terre, Tourneur privilégie les gros plans, le paysage ne se dévoilant que lorsque la caméra est tournée vers la mer. Là, l’intime laisse place au spectaculaire. Un naufrage vu de la plage, un sauvetage en pleine mer… Les morceaux de bravoure sont filmés avec une incroyable modernité, dans ce film majeur de Mary Pickford, et de l’ère muette de Tourneur.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur » édité par Bach Films. Avec une qualité d’image loin d’être parfaite, mais franchement acceptable au regard de la qualité du film. En bonus, une présentation très enthousiaste de Patrick Brion.

Razzia sur la chnouf – de Henri Decoin – 1955

Posté : 20 août, 2014 @ 2:54 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DECOIN Henri, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Razzia sur la chnouf

L’année précédente, Touchez pas au grisbi avait permis à Gabin de se construire un nouveau personnage, loin de ses rôles de prolétaires tragiques de l’avant-guerre. Plus mûr, bien installé, le personnage impose le respect et se dresse, droit comme un I. Le film de Henri Decoin s’inscrit dans la même lignée : le titre, bien sûr, semble être un écho à celui de Jacques Becker. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là : tous deux adaptés de romans de la Série Noire, les deux films permettent aussi à Gabin de donner la réplique à Paul Frankeur et surtout Lino Ventura, impressionnant en homme de main.

Razzia sur la chnouf est en tout cas une belle réussite, joliment photographiée et répondant à une démarche ambitieuse et aboutie : plonger dans les bas-fonds de Paris, là où la drogue circule à flot. La faune que l’on y croise n’a rien de romantique : des paumés camés aux regards perdus, des toxicos trop conscients de leur propre dépendance (un beau rôle pour Lila Kedrova, la future « comtesse » du Rideau déchiré), des petites gens qui pensent pouvoir profiter d’un système sanguinaire et inhumain…

On est loin du cinéma de papa dont Gabin deviendra l’un des symboles. Le ton, ici, n’a rien de complaisant ni de romanesque : l’univers que décrit Decoin est glauque et violent, et ne laisse guère de place aux sentiments. La partition qu’y joue Gabin, entre fermeté et bienveillance, n’est en est que plus complexe.

Cinéaste inégal, Decoin est ici particulièrement inspiré. Sa caméra, au plus près des visages, capte parfaitement les sentiments de ses personnages, qu’elle filme l’attirance sexuelle de Gabin et Magali Noël (dans une scène d’une sensualité troublante), ou l’angoisse d’un jeune dealer qui se sait condamner. Le film atteint même un sommet lors d’une virée nocturne dans Paris de Gabin et Lila Kedrova, qui se termine dans un club où se retrouvent des fumeurs de marie-jeanne sur des rythmes antillais. Le film devient alors totalement immersif, et bouscule le spectateur troublé face aux effets de la drogue. Une charge dérangeante, en plus d’un polar efficace…

Winter Sleep (Kiş Uykusu) – de Nuri Bilge Ceylan – 2014

Posté : 15 août, 2014 @ 3:20 dans 2010-2019, CEYLAN Nuri Bilge, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

Winter Sleep

Loin de la déambulation presque irréelle de Il était une fois en Anatolie, son précédent long métrage (un chef d’œuvre), qui était à la limite parfois du burlesque, Nuri Bilge Ceylan revient avec une narration plus classique, plus ancrée dans la réalité, constamment palpable dans ce parcours intime d’un personnage à la recherche d’une impossible paix.

Aydin est un homme entre deux âges, entre deux vies. Un ancien comédien sexagénaire, qui s’est retiré avec sa très jeune épouse dans un hôtel coupé du monde, au cœur de l’Anatolie, qu’il a hérité de son père. C’est l’hiver, les touristes se font rares, disparaîtront bientôt pour de bon jusqu’au printemps, et l’isolement ressert inexorablement le microcosme de Aydin à quelques personnes : son épouse, sa sœur divorcée, son employé, des locataires mauvais payeurs, un ami fermier…

Dans les premières scènes, ce qui frappe d’abord, c’est le bien-être qui semble entourer ce personnage, qui s’est aménagé un havre de paix inattendu au-milieu d’un paysage grandiose et hostile : les vastes plaines d’Anatolie, balayées par les rigueurs de l’hiver. Contrastant spectaculairement avec ces paysages que l’on retrouve régulièrement comme des respirations dans le film (parfois comme de simples et sublimes jeux d’ombres, comme lors des visites nocturnes au cheval), l’hôtel troglodyte où se déroule l’essentiel du film est un intérieur feutré et douillet à la lumière chaleureuse (l’éclairage du film mérite tous les prix du monde), où il fait bon vivre, où Aydin s’adonne à une recherche constante de la beauté, et où le temps semble passer avec douceur et bienveillance.

D’ailleurs, on prend le temps dans cet hôtel où tout ne paraît être qu’harmonie : on prend le temps de parler avec des inconnus de passage, d’écouter ses proches, de s’asseoir autour d’une table et de partager le thé avec les visiteurs à n’importe quelle heure du jour ou du soir. Une atmosphère qui respire la quiétude, comme une bulle coupée du monde.

Mais peu à peu, et c’est là toute la beauté du film, Nuri Bilge Ceylan révèle les aspérités, les petits défauts, et les grandes fêlures. Cet ancien comédien retiré du monde cherche à se construire une vie sans contrainte, faisant abstraction de tous les problèmes du monde extérieur, qu’il délègue systématiquement à son employé. Comme une élégance de vie qu’il brandit avec fierté. Cette posture fonctionne-t-elle durant l’été, lorsque la vie grouille ? On ne le saura pas, mais lorsque l’hiver résume la société à un petit microcosme, la réalité des sentiments ne peut plus se cacher… Et cette élégance, bien sûr, ne peut être perçue que comme l’égoïsme d’un homme trop riche et trop insensible qui s’ignore.

Bientôt, on réalise que le vernis ne demande qu’à craquer. Et lorsqu’il craque, c’est avec une violence psychologique incroyable. La solitude et l’enfermement qui exacerbent les fêlures : le thème rappelle le Shining de Kubrick. On y retrouve cette force de l’isolement, que souligne la longueur du film (3h15), qui participe bel et bien à sa force : cette longueur a un sens, et rend palpable le poids de cet hiver pas particulièrement rigoureux, mais qui coupe du monde cette partie de la Turquie, loin d’un Istambul dont on parle souvent, sans jamais rien en voir.

Amoureux de son pays, Ceylan filme aussi mine de rien une Turquie mal connue, faite d’éléments contradictoires. Son film aborde ainsi la rencontre des générations (le couple que forme l’ancien comédien sexagénaire et sa très jeune femme), celle des nantis et des laissés pour compte, celle des croyants et des athées… Et la quasi-impossibilité pour tous ces êtres de se comprendre, d’autant que derrière sa façade affable, Aydin cache mal une haine viscérale pour tout ce qui représente la société et ses codes : l’imam, l’instituteur…

La cohabitation ne se fait finalement qu’au prix d’efforts constants et de faux-semblants, qui ne peuvent être qu’éphémères. Et lorsque les engueulades éclatent, elles sont définitives. Avec sa sœur, avec sa femme, ou avec l’instituteur, il se dit des choses extrêmement violentes, malgré une façade courtoise et bienveillante.

Si le film est aussi fort, c’est aussi parce que Nuri Bilge Ceylan se révèle, plus que dans aucun autre film peut-être, un formidable directeur d’acteur : les comédiens, jusqu’au dernier seconds rôles, sont tous formidables, avec une présence et une justesse rares. Leurs doutes, leurs colères renfermées, leurs désirs contrariés, sont l’essence même de ce film beau et radical, belle Palme d’Or au dernier festival de Cannes.

Obsession (id.) – de Brian De Palma – 1976

Posté : 15 août, 2014 @ 3:17 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Obsession

Le meilleur de tous les films-hommages à Hitchcock, pour un De Palma en pleine période révérencieuse pour son maître de toujours. Pulsions sera un quasi-pastiche, où le cinéaste s’amusera à citer Hitchcock scène après scène. Obsession existe d’avantage par lui-même, et n’est pas qu’une suite de références, même si références il y a bien, et beaucoup.

De Palma n’a jamais caché que l’idée leur est venue (à lui et au scénariste Paul Schrader) après avoir vu Sueurs froides, qu’ils ont voulu revisité à leur manière. La filiation est évidente : Cliff Robertson, hanté par la mort de sa femme, qui rencontre le sosie de la défunte et tente de retrouver à travers elle celle qu’il n’a jamais oubliée, c’est bien sûr James Stewart dans Vertigo. Et Geneviève Bujold, c’est Kim Nowak.

Ce n’est pas non plus un hasard si De Palma a fait appel à Bernard Herrmann, le compositeur de Hitchcock (notamment sur Vertigo), et s’il filme La Nouvelle Orléans à peu près de la même manière qu’Hitch filmait San Francisco.
Obsession est d’ailleurs un hommage vibrant à Hitchcock, et pas seulement à Sueurs froides. Plusieurs plans sont des copies exactes, quoique discrètes du maître : Cliff Robertson monte l’escalier de la chapelle comme Martin Balsam gravissait l’escalier des Bates dans Psychose ; le meurtre aux ciseaux est une copie conforme de celui du Crime était presque parfait ; la découverte de la grande maison par Geneviève Bujold rappelle les premiers pas de Rebecca à Manderley.

Pourtant, jamais ses références omniprésentes ne sont intrusives, et ne gâchent le plaisir de spectateur… même s’ils donnent clairement une longueur d’avance pour la révélation finale (amenée prématurément, de la même manière que celle de Sueurs froides). Et puis De Palma va au-delà de l’obsession, donnant une dimension plus dérangeante encore à cette histoire de « fantômes », de vengeance et de passé qui resurgit.

Le Brigand bien-aimé / Jesse James, le brigand bien-aimé (The True Story of Jesse James) – de Nicholas Ray – 1957

Posté : 15 août, 2014 @ 3:11 dans 1950-1959, CARRADINE John, RAY Nicholas, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le brigand bien-aimé Ray

Un remake du film de Henry King était-il bien nécessaire ? Sans doute pas, mais Nicholas Ray adopte une approche très différente du mythe de Jesse James, notamment dans la structure du film, avec une construction en puzzle qui tourne entièrement autour de la personnalité du bandit et de la perception qu’en ont les Américains.

Esthétiquement, cependant, les choix de Ray ne sont pas loin de ceux de King. La preuve : des stock shots du film de 1939 (dont la spectaculaire chute du cheval) sont utilisés dans le film de Ray, et se marient parfaitement à l’ensemble, malgré les deux décennies qui séparent les deux tournages. La filiation entre les deux films est assez frappante, beaucoup de séquences renvoyant directement au film de King. Surtout, il y a la participation de John Carradine, qui tenait le rôle de Robert Ford dans le film de 1939 et dans sa suite (signée Fritz Lang).

Là où Ray s’éloigne le plus de King, c’est dans sa manière de montrer la violence, sans ménager le spectateur. La toute première séquence ne laisse guère de doute, et impressionne en nous immergeant directement dans la violence la plus brutale, dans le sang et dans la boue. Le romantisme et le mythe qui entourent le personnage de Jesse James ne sont que des fantasmes dont Ray n’est pas dupe le moins du monde.

Âpre et intense, le film aurait quand même mérité des acteurs un peu plus… âpres et intenses. Aussi sympathiques Robert Wagner et Jeffrey Hunter (dans le rôle de Frank James, le frangin) soient-ils, ils font pâle figure à côté de Tyrone Power et Henry Fonda, et n’apportent jamais vraiment cette ambiguïté nécessaire à leurs rôles.

Le film, finalement, est surtout réussi pour les détails souvent anodins en apparence qu’y glisse le cinéaste, comme ces badauds qui se ruent après la mort de Jesse, volant objets et photos dans la maison endeuillée. Des petits riens inutiles pour le déroulement de l’histoire, mais qui apportent un supplément d’âme, une humanité qui justifie à elle seule l’existence de ce remake.

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