Le Grand Sommeil (The Big Sleep) – de Michael Winner – 1978
Ce Grand Sommeil version 78 n’a à peu près qu’un intérêt : ce film est l’unique occasion de voir Robert Mitchum et James Stewart se donner la réplique. Un intérêt qui se limite donc à deux petites séquences de deux minutes, décevantes à tous points de vue. Même si Mitchum, qui a à peu près trente ans de trop pour jouer Marlowe, continue à enchaîner les rôles à cette époque, tous les deux sont loin de leur âge d’or. Et leur face à face, filmé sans le moindre talent, sonne particulièrement faux, devenant l’un des rendez-vous manqués les plus insupportables de toute l’histoire du cinéma.
Pas besoin de chercher loin pour trouver le fautif : Michael Winner, qui ose signer un scénario qui se contente de surfer entre celui du film de 46 (en tout cas dans la première partie) et le roman de Chandler en essayant de le rendre plus limpide, est surtout un réalisateur calamiteux. Même s’il a fait illusion avec une poignée de films (L’Homme de la loi), Winner révèle un « talent » à la hauteur des téléfilms de l’époque : visuellement affreux (usant des zooms et de petits flash backs en insert), et incapables d’installer une ambiance.
Autant dire que la comparaison, inévitable, avec le monument de Hawks est pour le moins cruelle. Soyons honnête : Winner n’essaie pas de rivaliser avec son aîné, et fait des choix à peu près systématiquement opposés. Alors que le film de Hawks ne reposait que sur l’atmosphère, au détriment souvent de la compréhension de l’histoire, Winner semble lui ne s’intéresser qu’à l’intrigue.
Il a tort, elle est bien trop complexe pour qu’on s’y intéresse vraiment si rien de séduisant ne nous y incite. Et il n’y a vraiment rien, pas même un plan un peu torché, pour habiter cette histoire platement illustrée, et qui manque cruellement de rythme. Mitchum promène sa dégaine fatiguée au milieu d’un casting totalement à côté de la plaque, et tristement terne comparé à Lauren Bacall et aux géniaux seconds rôles du film de Hawks. Le voir faire le boulot devant une caméra aussi paresseuse, lui qui a tourné pour les plus grands, à quelque chose de franchement déprimant.
Et même si au détour d’une réplique en voix off (« Je remarquai que ma télé était allumée. J’étais pas là. C’était donc quelqu’un d’autre. ») ou d’un meurtre filmé en ombre chinoise, Winner réussit à réveiller ponctuellement l’intérêt, son adaptation de Chandler est la plupart du temps pénible…
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