Tesis (id.) – de Alejandro Amenabar – 1996
Futur réalisateur du très efficace Les Autres et du très sous-estimé Agora, Alejandro Amenabar faisait des débuts très remarqués avec ce film franchement glaçant au thème pour le moins sordide : l’héroïne, interprétée par Anna Torent (vue dans Cria Cuervos), est une étudiante qui prépare une thèse sur la violence audiovisuelle, et qui découvre l’existence d’un réseau de snuff movies (des films mettant en scène de véritables meurtres) dans son université.
Amenabar n’a que 23 ans quand il réalise ce premier long métrage, et sa maîtrise est déjà impressionnante, même si le film aurait gagné à être un peu plus resserré. La première heure, trop longue, trop froide, trop maladroite même, peine à créer un véritable sentiment d’angoisse, qui s’installera véritablement dans la seconde moitié du film, avec une dernière demi-heure franchement terrifiante.
Tesis a marqué l’émergence d’une nouvelle génération pour un cinéma espagnol jusqu’alors moribond, dont le film se moque d’ailleurs gentiment : lorsqu’un professeur meurt en visionnant une cassette vidéo, un étudiant souligne qu’il regardait sûrement un film espagnol. Le film d’Amenabar a aussi inspiré tout un pan du cinéma d’angoisse des deux décennies à venir, pour des cinéastes qui rechercheront souvent à créer l’effroi à tout prix. Amenabar, lui, signe une mise en scène d’une discrétion surprenante, qui jamais ne souligne l’effet.
On a peur, bien sûr, mais c’est surtout un malaise sourd qui domine. D’autant plus que le cinéaste semble moins intéressé par la peur que par le trouble de son personnage, tiraillée entre dégoût et attirance. Sa relation avec les deux personnages masculins est fascinante : l’un, étudiant passionné par l’hyper-violence ; l’autre, bellâtre soupçonné d’être le meurtrier, mais terriblement attirant…
Et elle, incapable d’agir avec raison, se laissant aller à une attirance morbide et mortelle, à l’instar du Michael Douglas de Basic Instinct en quelque sorte. Un trouble qui atteint des sommets lorsque « ses » deux hommes finissent par s’empoigner et se battre, sans que l’on sache qui est le bon, qui est le mauvais. Une vision aussi troublante pour l’héroïne que pour le spectateur, qui n’en ressort pas vraiment indemne…
• Le film est redécouvert grâce à Carlotta, qui propose un DVD d’une belle tenue éditoriale, avec un long documentaire dans lequel Alejandro Amenabar revient sur sa première réalisation. Au menu également, quelques scènes coupées, et un making of avec des interviews d’époque.
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