Le Lion des Mogols – de Jean Epstein – 1924
Collection La Cinémathèque française
Ce n’est ni le plus réussi, ni le plus personnel des films d’Epstein. Tourné pour le studio Albatros, Le Lion des Mogols en porte clairement la marque, avec un scénario très abracadabrant : un prince exotique forcé à l’exil qui se retrouve dans le Paris des années folles après une série de combats plus proche de la fantaisie du Voleur de Bagdad que du naturalisme des grands films bretons du cinéaste.
Pourtant, Epstein ne prend pas son film à la légère, même si Le Lion des Mogols n’est pas formellement le plus ambitieux de ses films. On a tout de même droit à quelques gros plans extraordinaires que Epstein place au cœur de son procédé : les gueules impossibles des premiers plans, la main ensanglantée du banquier qui tente d’agripper le téléphone… Il y a aussi une utilisation parfaitement maîtrisée du montage en tant que langage cinématographique.
Ivan Mosjoukine, grande star de l’époque, est assez formidable, son regard évoquant à la fois le trouble de cet exilé qui découvre un univers inconnu, et une certaine tristesse sans doute liée à la nostalgie de son pays.
Ce regard est particulièrement important dans la séquence de la boîte de nuit, lorsqu’il se saoûle alors que tout le monde danse autour de lui et que l’orchestre joue avec frénésie. Une longue séquence qui se poursuit par une virée en voiture à travers un Paris d’une beauté rare (en décors réels, avec la rue de Rivoli ou les Champs Elysées quasiment déserts…).
A côté de ces scènes parisiennes, les séquences « hindoues » tranchent d’une manière étonnamment abrupte : aux décors réels, Epstein préfère alors une vision presque fantasmée, faite de décors en carton-pâtes.
Ce mélange détonnant donne un film réjouissant et constamment étonnant, où le cinéaste s’amuse à changer de registre, passant du comique au nostalgique, de l’aventure au drame…
• Le film fait partie du formidable coffret DVD que Potemkine vient de consacrer à Jean Epstein. Indispensable.
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