Drug War (Du Zhan) – de Johnnie To – 2012
Drug War serait-il le film le plus radical de Johnnie To ? Difficile à dire, tant la production du grand maître hong-kongais est prolifique. Mais avec ce film, le réalisateur des formidables The Mission et PTU signe une sorte de polar qui pousse à un stade extrême l’abstraction.
La séquence d’ouverture nous plonge dans une simple filature, dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogue à grande échelle. Pas un instant on ne sortira de l’enquête, ni du point de vue forcément parcellaire des policiers. Le film ne laisse guère de chance de s’attacher à l’un ou l’autre de ces personnages, totalement privés de vie sociale. On est en plein cœur de l’action, et rien ne nous attache à la « vraie vie ». L’univers du film se résume à cette traque, à cette enquête qui, d’une étape à l’autre, va plonger les policiers au cœur du chaos.
Désincarné, privé de tout romantisme et de toute identification possible, Drug War déroute dans un premier temps. D’autant que la mise en scène au cordeau de To, qui s’attache généralement à restituer les différentes dimensions des lieux de l’action, semble ici plus préoccupée par le temps et son enchaînement. Le film est une plongée au cœur de l’enfer, lente mais assurée, une succession de moments dont on pressent immédiatement l’issue morbide.
C’est un pur film de cinéaste, qui ne se base pas sur des personnages dont on ne saura strictement rien. Pas plus que sur l’histoire, qui se résume à un enchaînement presque clinique de séquences. Tout le film repose sur la mise en scène, sur le mouvement inéluctable. Et Johnnie To est un maître en la matière. Passée la première partie, déroutante, le film fascine et nous laisse exsangue, à l’issue d’une dernière partie qui pousse le radicalisme de To à son extrême. Une épreuve, un monument de cinéma.
• Le film est édité chez Metropolitan, avec un petit making of et une série de bandes annonces.
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