Le Médecin de famille (Wakolda) – de Lucia Puenzo – 2013
Romancière et réalisatrice, la jeune Argentine Lucia Puenzo adapte son propre roman Wakolda pour son troisième long métrage. Le signe que pour elle, ses deux modes d’expression sont le prolongement l’un de l’autre, et surtout que les sujets qu’elle choisit lui tiennent à cœur. Celui de ce Médecin de famille est très fort : l’Amérique du Sud comme terre d’accueil et laboratoire d’expérimentations des médecins nazis, réfugiés là après la Seconde guerre mondiale.
Succès critique et populaire très mérité dans le monde entier, le film de Lucia Puenzo arbore un classicisme très hollywoodien, avec une élégance folle et un sens de la narration impeccable. Pourtant, c’est bien le regard d’une sud-américaine que la réalisatrice-scénariste pose sur cette histoire. Le malaise, profond, qui se dégage constamment du film révèle une interrogation profonde d’une Argentine sur son propre pays : comment ses compatriotes, et son pays tout entier, ont-ils pu accueillir ainsi ces criminels…
Des horreurs nazies, on ne verra pas grand-chose. Mais le résultat n’en est que plus troublant : autour de la figure de Mengele, le charismatique monstre des camps, la réalisatrice met en scène des personnages pour la plupart charmants et parfaitement avenants mais qui, lorsqu’ils ne sont pas directement acteurs, accueillent les criminels nazis avec bienveillance.
Jusqu’où peut-on fermer les yeux ? C’est la question que pose le film à propos de ces parents qui se laissent convaincre que ce mystérieux médecin immigré qu’ils rencontrent par hasard peut aider leur fille, victime d’une croissance contrariée. Une question qui fait froid dans le dos, et qui peut évidemment s’appliquer à un peuple entier, complice plus ou moins passif des acteurs de la pire monstruosité de l’histoire de l’humanité.
Evitant tout ressors dramatique trop facile, toute caricature et tout artifice spectaculaire, Lucia Puenzo signe un grand film qui prend aux tripes, jusqu’à une dernière séquence extraordinaire, avec une musique dissonante qui fait bien mieux que renforcer le malaise…
• Le film est édité en DVD chez Pyramide Video. En bonus, un entretien avec Lucia Puenzo qui revient sur la genèse du roman et du film.
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