Rencontres du troisième type (Close Encounters of the third kind) – de Steven Spielberg – 1977 (et 1980 – 2007)
Après le triomphe de Jaws, le jeune Spielberg signe une nouvelle date importante dans l’histoire du cinéma populaire. Close encounters… n’est pas seulement un nouvel immense succès en salles : le film pose les bases de toute une imagerie encore vivace aujourd’hui. Dire que le film a inspiré Chris Carter pour X-Files relève ainsi de la pure évidence. La série culte reprendra des pans entiers du film de Spielberg : les étranges réapparitions qui émaillent la première partie seront ainsi largement empruntées pour les prologues de nombreux épisodes de la série. On y retrouvera aussi les mensonges d’état qui dissimulent la présence d’extraterrestres, et de nombreux détails qui seront repris tels quels (les vis qui s’enlèvent d’elles-même avant l’enlèvement du petit Barry seront copiés dans un célèbre épisode de la saison 1)… On a souvent dit que la série de Chris Carter avait été largement pillée par des dizaines de films et de séries par la suite. Mais lui-même avait largement recyclé…
Pour Spielberg, le film (dont il écrit lui-même le scénario, fait quasi unique dans sa filmographie) est né de la confluence de deux choses qui le fascinaient à l’époque : l’existence des OVNIS, et le scandale encore récent du Watergate. Les mensonges d’état, la théorie du complot… donnent au film quelques séquences particulièrement fortes, montrant des populations déplacées de force par l’armée, et parqués dans des trains bondés. Une imagerie qui évoque celle de la Shoah et d’un pays devenu totalitaire, que Spielberg retrouvera plusieurs fois par la suite, notamment dans La Guerre des Mondes, un autre film d’extraterrestres nettement moins apaisé…
La dernière partie, qui traîne un peu en longueur, est sans doute la moins passionnante : la rencontre finale sonne d’une manière étrangement naïve, d’un angélisme qui colle mal avec l’atmosphère qui baigne le film, angoissé, cynique et même cruel. L’un des aspects les plus réussis, au contraire, concerne l’implosion de la famille de Richard Dreyfuss, cet homme ordinaire transformé par ce qu’il a vu, et qui retrouve la foi d’un enfant. Mais cette pureté d’esprit colle mal avec les obligations d’un père de famille, et le fait passer pour fou…
Il y a quelque chose de bouleversant dans les rapports de ce père avec ses fils qui semblent réaliser qu’il ne pourra plus être leur père. Spielberg, tiraillé entre ses fantasmes de Peter Pan et sa volonté d’être un homme, semble lui trouver le choix bien cruel. Le regard plein de larmes de ce fils qui observe son père lâcher prise est l’exact inverse de cette belle scène dans Jaws, où le fils imitait son père et le sortait de sa torpeur.
Visuellement aussi, le film est une grande réussite. Pas forcément grâce aux effets spéciaux, impressionnants mais revus tellement de fois depuis. Mais plutôt grâce aux effets les plus simples, notamment de lumière. La première « rencontre » dans la voiture de Richard Dreyfuss est un modèle de mise en scène. Et l’enlèvement de Barry est filmé avec des jeux de lumière éblouissants.
Je ne peux pas ne pas évoquer François Truffaut. Sa présence est suffisamment étonnante en soi, mais sa prestation l’est tout autant. Visiblement très impliqué, il est assez fascinant. Et irrésistible lorsque, le gigantesque vaisseau survolant leur base, tous les scientifiques lancent des « Holy shit ! » tandis que lui, en français, lâche un « mince alors ». Mythique !
• Le film a eu droit à plusieurs versions, toutes réunies dans un triple DVD édité chez Columbia Tristar. C’est la version « définitive » que j’ai vue : en 2007, Spielberg a supervisé un montage conforme à ce qu’il souhaitait, à partir des deux premières versions. Dans la première, sortie en 1977, les contraintes de production l’avaient obligé à renoncer à plusieurs scènes qu’il voulait inclure dans son film. Trois ans plus tard, le triomphe du film lui a donné l’opportunité de tourner ces scènes (notamment la découverte du bateau dans le désert de Gobi), à condition qu’il accepte de filmer Richard Dreyfuss à l’intérieur du vaisseau, ce qu’il a fait à contre-cœur. Elle ne figure donc pas dans la version « director’s cut ».