Le cinquième pouvoir (The Fifth Estate) – de Bill Condon – 2013
Le générique de début place bien l’ambition du film. Le générique « à la Seven » (une première référence à Fincher, il y en aura d’autres) inscrit l’aventure Wikileaks dans la longue évolution de l’information et du journalisme. Ce que Bill Condon veut filmer ici, c’est rien moins qu’une révolution mondiale. Passons sur le côté souvent beaucoup trop démonstratif (dès ce générique d’une prétention folle)… Le principal problème du film, c’est justement son ambition démesurée.
Et Bill Condon, auteur de grandes œuvres comme les deux derniers Twilight, n’a pas vraiment les moyens de ses ambitions, loin d’un Fincher, justement, qui avait fait de Social Network un chef d’œuvre, le portrait intime et sensible d’un jeune homme seul. Lui appuie trop là où il veut frapper. Et passe complètement à côté de sa cible.
La signature de Condon, c’est un style pseudo moderne avec caméra à l’épaule et plans subitement désaxés à coups de petits zooms modes et insupportables. Et des trucs tape à l’œil qui consistent à intégrer les personnages dans leur monde numérique, ce que faisait David Fincher avec plus de discrétion et surtout énormément plus d’élégance. Finalement, c’est lorsque le réalisateur se rapproche le plus du classicisme et délaisse ses trucs bidons, en particulier dans la dernière heure, qu’il est le plus convainquant.
Il y a de quoi nourrir des regrets, car le sujet du film ne manque pas d’intérêt, se concentrant sur les rapports complexes qui unissent Julian Assang, le créateur égotiste de Wikileaks, et son alter ego « raisonnable », Daniel. Et le film est plutôt réussi sur ce point, soulignant bien le mélange d’attirance et de défiance, de confiance et de mépris. Mais le personnage d’Assange, sa personnalité complexe et sa solitude, ne sont qu’effleurés (dommage : Benedict Cumberbatch est excellent). Les accusations de viol qui l’obligent aujourd’hui encore à vivre reclus dans une ambassade anglaise sont balayés d’un revers de main…
Au final, le film est bien plus marqué par ses manques que par ses aspects réussis. Il est plombé par des maladresses impardonnables, à l’image du dialogue final entre les personnages de Daniel Brühl et David Thewlis, hissant Assange au rang d’un héros malade, et martelant tout ce que le film a mis en valeur au cours des deux heures précédentes. Une belle manière de prendre le spectateur pour un idiot et de ruiner tous les efforts consentis jusque là.
• Le film est édité en DVD chez Metropolitan.
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