Sables mouvants (Quicksand) – d’Irving Pichel – 1950
Mickey Rooney, mort récemment à l’âge de 93 ans, était l’un des derniers acteurs encore vivant de l’âge d’or d’Hollywood. Il en reste peu : Olivia De Havilland, Lauren Bacall, Kirk Douglas… Petit hommage avec ce film noir méconnu dont il est le héros, un rôle plutôt à contre-emploi pour l’ancien enfant star, qui fut l’une des grandes vedettes d’Hollywood grâce aux comédies et aux musicals, quelques années plus tôt.
En 1950, la carrière de Mickey Rooney marque déjà un peu le pas, et l’acteur tente de se donner une image plus adulte avec ce rôle plutôt sombre d’un type banal dont les choix successifs le plongent dans une spirale infernale dont il ne parvient pas à s’extraire. Un pur anti-héros de film noir, donc.
Le principe n’est pas nouveau : un petit garagiste « emprunte » 20 dollars dans la caisse de son patron, et c’est le début d’une descente aux enfers. Comment une simple décision, en apparence si anodine, peut avoir des répercussions tragiques… De Détour au Facteur sonne toujours deux fois, le coup du destin qui frappe ainsi est une constante dans le film noir. Mais Sables mouvants apporte à sa manière sa pierre à l’édifice du genre, en répétant ce principe avec un systématisme presque ludique.
Pour rembourser les 20 dollars empruntés, Dany, le personnage joué par Mickey Rooney, achète à crédit une montre qu’il met aussitôt au clou. Illégal : c’est désormais 100 dollars qu’il doit rembourser. Il détrousse alors un riche poivrot, mais un maître-chanteur l’oblige à voler une voiture… Et l’engrenage tourne à plein, avec à chaque étape un prix plus élevé à payer, et une menace plus lourde sur ses épaules.
On a envie de le baffer le Mickey, parce qu’il passe son temps à prendre de mauvaises décisions, parce qu’il cherche à jouer les durs avec son visage encore poupin (face à un Peter Lorre sans surprise, mais forcément intense), et parce qu’il est assez con, comme tous les héros de films noirs semble-t-il, pour s’enticher de la blonde un rien vulgaire sur le front de laquelle est écrit en lettres fluorescentes « attention ennuis » (Jeanne Cagney, la sœur de James), tout en rejetant constamment la douce et discrète brune Barbara Bates pourtant follement amoureuse de lui.
On connaît par cœur les trucs du film, mais Irving Pichel (co-réalisateur des Chasses du Comte Zaroff) donne une belle intensité à cet engrenage infernal, dont l’inéluctabilité rappelle les grandes réussites du genre, et a par moments des aspects de pure tragédie. Avec quelques beaux moments de réalisation, parfois attendus (les barreaux de la grille qui évoquent la prison qui menace le personnage), parfois original et plein de vivacité. Il y a notamment de belles scènes de nuit particulièrement vivantes, dans ce film entièrement tourné en décors naturels. Pichel y confronte la solitude et l’angoisse grandissantes de Rooney à la foule qui l’entoure, déambulant en quête de plaisirs innocents…
Malgré la fin, qui atténue l’impact du film, Sables mouvants est une belle réussite, restée inédite en France jusqu’à ce que le DVD permette enfin de le découvrir il y a quelques années seulement.
• Le film est édité dans la collection Serial Polar de Bach Films. En bonus : une présentation du film par Stéphane Bourgoin, et des évocations d’Irving Pichel et de Peter Lorre par Jean-Pierre Deloux.
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