Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour avril, 2014

Ida (id.) – de Pawel Pawlikowski – 2013

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:28 dans 2010-2019, PAWLIKOWSKI Pawel | Pas de commentaires »

Ida

Découvert par un large public (et par moi-même) avec le sublime La Femme du Vème, un film de commande adaptaté d’un roman du populaire Douglas Kennedy dont il a tiré une œuvre profondément personnelle, le Polonais Pawel Pawlikowski n’avait encore jamais tourné dans son pays d’origine. C’est chose faite avec ce Ida, mais les retrouvailles n’ont rien de chaleureuses : avec ce très beau film tourné dans un noir et blanc dépouillé, le cinéaste plonge dans les tréfonds du traumatisme polonais de la deuxième guerre mondiale.

Au début des années 60, une apprentie nonne sur le point de prononcer ses vœux part sur les traces de son mystérieux passé : comment ses parents sont-ils morts durant la guerre ? où leurs corps sont-ils enterrés ? pourquoi sa tante, magistrate alcoolique, ne lui a-t-elle jamais rendu visite ? C’est avec elle, dernier membre vivant de sa famille, que la jeune Ida part sur les routes, découvrant pour la première fois la vie extérieure.

Ida la pieuse et sa tante la débauchée n’ont apparemment rien en commun. Elles sont pourtant le fruit d’un traumatisme abyssal auquel la société polonaise de ces années-là semble refuser de faire face, privées toutes deux de leur âme. La jeune femme, enfermée dans un couvent catholique depuis son plus jeune âge, découvre qu’elle est née juive, et que ses parents ont été tués par des paysans qui les ont cachés des Nazis jusqu’à ce qu’ils représentent un risque trop grand pour leur propre survie.

Ce que cette quête met en valeur, ce sont les horreurs que, quinze ans plus tard, ces Polonais portent en eux comme un fardeau inépuisable. D’une beauté éthérée, comme le visage de la jeune Agata Trzebuchowska. Mais aussi d’une beauté troublante dissimulant mal une profonde douleur, comme celui de Agata Kulesza.

Le film de Pawlikowski ne condamne jamais ces habitants lambda qui, pour survivre, se sont transformés en monstre. Mais il amène tous ses personnages à ouvrir les yeux sur le monde, et sur ce qu’ils sont, à tomber le voile qui faisait mine de les protéger. Certains n’y survivront pas. D’autres pourront affronter la vie, conscients de leur fardeau. Le dernier plan, sublime (qui renvoie étrangement à l’hypnotique première image du Cheval de Turin) illustre parfaitement cette ambiguïté d’un personnage condamné, mais libéré.

Les Finances du Grand Duc (Die Finanzen des Grossherzogs) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1924

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:19 dans 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

Les Finances du Grand Duc

L’un des films les plus méconnus, et les plus curieux de Murnau. Tourné juste après Nosferatu (on retrouve d’ailleurs l’étrange Max Schreck dans le petit rôle de l’un des bandits), Les Finances du Grand Duc est une petite chose étrange, joyeuse et pleine de vie. Un film imparfait et assez anecdotique, mais parfaitement rythmé, et qui ne se prend pas au sérieux.

L’histoire de ce souverain oisif d’un minuscule duché au milieu de la Méditerranée a été co-écrite par Thea Von Harbou, l’indispensable complice des chefs d’œuvre muets de Lang. On retrouve d’ailleurs les multiples rebondissements et l’aspect feuilletonant qui marquent nombre de ses films.

Mais cette fois, l’histoire est inutilement complexe, et s’avère même parfois franchement obscure. Le film a-t-il été tronqué depuis sa sortie, ou est-ce réellement un problème de scénario ? J’ai beau avoir vu le film pour la troisième fois, certains aspects en restent difficilement compréhensibles.

Pourtant, ça fonctionne parfaitement. Avec un sourire constant, Murnau multiplie les rebondissements, met en scène des personnages excessifs, et frôle par moments la caricature… Son héros est un enfant gâté qui a plus de cœur que de courage, et dont le but est d’épouser une comtesse russe qu’il ne connaît visiblement pas, mais qui se trouve avoir une fortune qui lui permettrait de sauver son petit royaume de la ruine.

L’histoire n’est pas vraiment sérieuse. On ne s’étonne pas alors de voir une course de lévriers à l’intérieur d’une maison, un gentleman se transformer en monte-en-l’air (Alfred Abel), ou un illuminé élevant un singe chez lui et arborant une tête de lion… Avec cette comédie pleine de vie, Murnau signe une vraie curiosité, dans une filmographie généralement nettement plus portée vers le drame et l’émotion.

La Foule (The Crowd) – de King Vidor – 1928

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:57 dans 1920-1929, FILMS MUETS, VIDOR King | Pas de commentaires »

La Foule 3

Avec La Foule, King Vidor signe sans doute son plus grand film, un monument du muet, d’une beauté sidérante. Rien à jeter, rien d’approximatif, rien de trop dans ce chef d’œuvre absolu qui réussit à être à la fois terrible et optimiste.

C’est le destin d’un couple d’Américains moyens, qui tente de trouver une place dans l’immense foule de New York, entêtante et aliénante. Le héros, John Sims (formidable James Murray) est né le 4 juillet 1900, tout un symbole. Sans aller jusqu’à l’appeler John Smith (on en est pas loin, quand même), Vidor en fait le symbole d’une certaine Amérique : un homme pour qui le père rêvait d’une destinée hors du commun, un homme sûr d’être promis à un avenir extraordinaire, et qui part tenter sa chance dans la Grosse Pomme, persuadé que la métropole lui tend les bras. Comme 7 millions d’autres personnes comme lui…

Exceptionnel dans sa forme, grâce à une mise en scène sublime, La Foule est aussi un film d’une grande modestie dans le fond. John Sims a beau vouloir s’élever au-dessus de la foule, cette dernière finit toujours par le rattraper, par le remettre dans la bonne direction. Au sens propre : lorsqu’il se permet de se retourner dans un ascenseur, il est immédiatement rappelé à l’ordre, et invité à respecter son rang dans cette foule immense qui n’est constituée que d’anonymes.

La Foule 1

Le film se déroule sur plusieurs années, le temps qu’il faudra à John Sims pour réaliser que le bonheur ne se situe pas forcément en dehors de la foule, et qu’il lui faut y trouver une place qui est la sienne. Réaliser aussi que tout ce qu’il attend est déjà là : une famille aimante, et surtout une épouse merveilleuse. Dans le rôle de cette femme à peu près parfaite, Eleanor Boardman est absolument magnifique, à la fois déterminée et d’une douceur renversante. C’est tout simplement l’un des plus beaux couples de l’histoire du cinéma…

Beau à pleurer (et je ne m’en suis pas privé), La Foule met franchement à mal le fameux rêve américain, selon lequel chacun peut devenir président, ou tout au moins devenir quelqu’un d’important s’il sait saisir les opportunités. Derrière cette superbe et déchirante histoire d’amour, derrière les tragédies aussi, Vidor filme un pays qui n’offre pas vraiment d’opportunité, et qui se moque des individualités : une scène, terrible, montre Sims tenter de faire taire la ville pour respecter le repos de sa fille gravement malade… La ville, évidemment, ne cille même pas.

Beaucoup plus ancré dans la réalité de son époque que les grands mélos de Borzage de ces années-là, ou plus tard les classiques de Capra, La Foule réussit un petit miracle : être une critique dure et sans concession de la société américaine, tout en étant une histoire d’amour euphorisante. Comme L’Aurore ou comme L’Heure suprême (autant de films tournés entre 1927 et 1928), La Foule est l’un des plus beaux films du monde.

• Le film a été l’un des premiers à avoir droit à une édition DVD « luxe » chez Bach Films, il y a quelques mois (avec Les Rapaces, A Fool there was et Le Vent) : un beau coffret carton, quelques lobby cards, un petit livret consacré à King Vidor par Jean-François Rauger, et en bonus un portrait plutôt intéressant du cinéaste par Jean-Loup Bourget, qui évoque également le film. Bach Films a une qualité formidable : sortir de l’oubli des films muets jusqu’alors introuvables en DVD. L’éditeur a aussi un défaut récurrent : utiliser des copies parfois très abîmées, sans le moindre travail de restauration. Même si on est loin de la qualité qu’offrent certains éditeurs (comme Carlotta avec L’Aurore ou L’Heure suprême, notamment), La Foule reste tout à fait regardable. La musique d’accompagnement, par contre, purement technique, est assez indigeste.

L’Horloger de Saint-Paul – de Bertrand Tavernier – 1974

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:45 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, d'après Simenon, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

L’Horloger de Saint-Paul

Premier film de Bertrand Tavernier, qui tourne entièrement en décors réels dans sa ville de Lyon. Avec Pierre Bost et Jean Aurenche (à qui il rendra un bel hommage dans Laissez-passer, des années plus tard), Tavernier transpose dans la France de 1974 le roman américain de Simenon L’Horloger d’Everton. Simenon lui-même doutait de l’opportunité d’une telle adaptation. Mais Tavernier le passionné a su le convaincre. Avec raison : le film est une totale réussite.

Philippe Noiret, déjà tête d’affiche pour celui qui allait devenir son réalisateur de prédilection, interprète un horloger sans histoire qui mène une vie simple et sans histoire, jusqu’au jour où il apprend que son fils, qu’il a élevé seul après le départ de sa femme, est recherché pour avoir tué un patron pourri. Alors que la police enquête, lui tente de comprendre un fils qui s’est éloigné de lui au fil des années…

Noiret est bouleversant dans le rôle de ce père totalement paumé qui assiste, impuissant, à la déroute d’un fils inconnu mais qu’il aime par-dessus tout. Un fils auquel il s’ouvre de plus en plus, devenant celui que la bonne société ne comprend plus. Symbole de cet ordre établi, Jean Rochefort est lui aussi excellent, en particulier lors de ses moments de trouble, face à ce père du suspect dont il ne comprend plus les réactions paternelles. Ses face-à-face avec Noiret sont de purs plaisirs de cinéma.

La grande force du film est d’avoir su imbriquer à ce point l’intimité de cette relation père-fils pleine de non-dits, et une critique violente et sans concession d’une France embourgeoisée qui préfère ses voitures à sa jeunesse. Le dialogue final entre Noiret et son pote Antoine (excellent Julien Bertheau), émouvant et particulièrement fort, vient crever ce sentiment d’étouffement qui pèse depuis l’irruption de la police, au début du film.

L’Horloger de Saint-Paul a obtenu le prix Louis Delluc. Amplement mérité.

Les Croix de bois – de Raymond Bernard – 1932

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:42 dans 1930-1939, BERNARD Raymond, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Les Croix de bois

Cette adaptation d’un roman de Roland Dorgelès est d’un réalisme saisissant. En suivant au plus près le quotidien d’un jeune étudiant engagé volontaire, qui se retrouve soudainement au cœur des combats, sans y être vraiment préparé, Raymond Bernard nous plonge au cœur du chaos. Des explosions et détonations au loin, des batailles dont on n’a qu’une vision tronquée et souvent incompréhensible, des enjeux grotesques, des morts par dizaines pour avancer de quelques mètres et reprendre un village dont il ne reste que des ruines, ou un cimetière aux trous béants qui semble n’attendre que ces soldats perdus…

La Grande Guerre est encore fraîche dans les esprits, et plusieurs comédiens ont réellement connu l’enfer des tranchées : Pierre Blanchar lui-même, mais aussi Charles Vanel et Antonin Artaud, que l’on avait déjà vu dans Verdun, vision d’histoire. Raymond Bernard a d’ailleurs choisi de tourner dans des décors réels, recreusant des tranchées dont il restait encore des traces profondément marquées.

Le film est une chronique de la guerre, et ne raconte pas à proprement parler une histoire. Mais le cinéaste utilise pleinement le langage cinématographique. Le son encore jeune pour commencer, qui tient une place prépondérante (les explosions omniprésentes, le cri de ce soldat blessé abandonné dans le no man’s land, les coups de pioches des Allemands qui creusent une galerie sous la tranchée…). Mais aussi le montage et les gros plans qui soulignent constamment la peur, et même les surimpressions, utilisées pour invoquer la mort, elle aussi omniprésente.

Raymond Bernard excelle à faire ressentir cette peur, et la proximité de la mort. Même dans les quelques moments d’accalmie, où la vie semble reprendre ses droits.

Grand cinéaste, Bernard est peut-être moins à l’aise ici lorsqu’il s’agit de diriger ses acteurs. Dans les scènes dialoguées, en tout cas, trop souvent faites de tirades romantiques à l’excès, que Pierre Blanchar surtout débite avec une emphase imbuvable. Mais dans ses silences, l’acteur, comme l’ensemble de la distribution, est formidable.

La Somme de toutes les peurs (The Sum of all fears) – de Phil Alden Robinson – 2002

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:38 dans 2000-2009, ROBINSON Phil Alden | Pas de commentaires »

La Somme de toutes les peurs

Plus de dix ans avant The Ryan Initiative, le héros créé par Tom Clancy a eu droit à un premier « reboot ». Alors que l’on croyait la franchise enterrée, huit ans après le dernière film en date (Danger immédiat), le producteur Mace Neufeld revenait aux premiers pas du personnage, lui offrant une cure de jouvence (Ben Affleck succède à Harrison Ford, hélas), pour une histoire très semblable à celle du chef d’œuvre de John McTiernan A la poursuite d’Octobre Rouge. La démesure des années 2000 en plus.

Phil Alden Robinson est un réalisateur qu’on aime bien sur un ton un peu léger : on lui doit le magnifique et capraesque Jusqu’au bout du rêve, et le fort sympathique Les Experts. Ici, il fait le job le plus souvent, bien mieux en tout cas que le fort fade Philip Noyce pour les deux films précédents. Mais lorsque les enjeux deviennent trop grands, à partir de la moitié du métrage, il n’est clairement plus à la hauteur : son style trop sage ne souligne jamais l’horreur de la situation et l’ampleur de la menace qui pèse sur le monde…

Pour résumer la situation, c’est un peu les rapports Est-Ouest d’Octobre rouge (Jack Ryan, seul à voir le vrai visage de celui que tout le monde voit comme l’ennemi à abattre), mais à l’échelle de la crise des missiles de Cuba, référence historique clairement évoquée tout au long du film. Dans la dernière partie, c’est rien moins qu’une troisième guerre mondiale que Ryan doit éviter.

On n’y croit pas vraiment, pas plus qu’on ne croit en la suprême intelligence d’un Ryan campé par un Ben Affleck dont on a un peu plus de mal à dire du mal, depuis qu’il est devenu un excellent réalisateur, mais dont les qualités d’acteur sont tout de même souvent très discutables.

Cela dit, les acteurs ne sont pour la plupart pas très bien utilisés. Il y a pourtant des gueules qu’on aime beaucoup : Ciaran Hinds, Liev Schreiber, Morgan Freeman, Bruce McGill, James Cromwell, Philip Baker Hall… Mais leurs rôles, trop caricaturaux, ne leur permettent pas de révéler tout leur talent. Seul Michael Byrne (savoureux méchant de Indiana Jones et la dernière croisade) rend fascinant son personnage d’éminence grise mystérieuse du président russe.

Bancal et pas vraiment convainquant dans sa seconde moitié, le film a quand même ses bons moments. Toute la première heure, notamment, est assez réjouissante, et colle parfaitement à l’esprit des romans de Tom Clancy : Ryan, jeune analyste de la CIA habitué au travail de bureau, confronté malgré lui aux réalités du terrain et à des enjeux soudain tangibles. Robinson y instille une bonne dose d’humour. Il y est clairement plus à l’aise que dans le film apocalyptique, avec lequel flirte trop allégrement la seconde partie.

•  Paramount a édité un coffret, DVD ou blue ray, regroupant les quatre premiers films consacrés à Jack Ryan (A la poursuite d’Octobre rouge, Jeux de guerre, Danger immédiat et La Somme de toutes les peurs), avec des interviews d’époque plutôt intéressantes, consacrées à la gestation des films.

Brigadoon (id.) – de Vincente Minnelli – 1954

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:31 dans 1950-1959, COMEDIES MUSICALES, FANTASTIQUE/SF, MINNELLI Vincente | Pas de commentaires »

Brigadoon

La comédie musicale n’est pas exactement le genre le plus couru de ce blog. Mais j’ai toujours eu pour ce Brigadoon une tendresse particulière. C’est un chef d’œuvre enchanteur qu’a signé Minelli, jetant un pont entre le rêve et la réalité (au sens propre comme au sens figuré).

Gene Kelly et Van Johnson (excellent mais inattendu dans un tel rôle, pour lequel on aurait plutôt imaginé Donald O’Connor, le comparse de Kelly dans Chantons sous la pluie) sont deux chasseurs perdus dans les Highlands, qui découvrent par hasard un village qui ne figure pas sur les cartes. Ils y découvrent des habitants qui semblent hors du temps, totalement heureux, et fermés aux malheurs du monde. Ils finissent par découvrir la vérité : un miracle a fait de ce village, Brigadoon, une bulle en dehors du temps, qui n’apparaît qu’une journée tous les cent ans…

Envisagé en extérieurs en Ecosse, le film a finalement été tourné en studio, la météo peu clémente des Highlands ayant découragé les producteurs. Mais ce choix de repli se révèle payant : les décors, la brume, la lumière… Minelli filme une Ecosse fantasmée qui convient parfaitement à l’histoire, et à ce village, comme sorti d’un songe.

Brigadoon, c’est le paradis perdu, un idéal de vie. Le symbole de l’amour absolu, que trouve Gene Kelly en la personne de Cyd Charisse. Là, tout n’est que fête, amitié, chansons, danses, légèretés… Un pur décor de comédie musical, en somme. Tout dans la mise en scène, dans les chorégraphies, dans les poses de Cyd et les sourires de Gene, évoque le bonheur parfait, et l’harmonie.

Pourtant, Minelli glisse un grain de sable dans ce bonheur parfait : un jeune homme qui, seul, se sent prisonnier de ce village trop idyllique dont les habitants ne peuvent pas sortir sous peine de rompre l’enchantement et de faire disparaître le village. Un jeune homme qui ne rêve que de voler de ses propres ailes, et tente de partir. Personne ne lui veut de mal bien sûr, mais tout le monde essaie de l’arrêter, et le jeune homme se fait tuer. Un accident, mais on se met d’accord pour ne plus même en parler. Comme s’il n’avait jamais existé.

Et puis, effectivement, on n’en parle plus. La légèreté, l’amour, le rêve, la musique et la danse reprennent leurs droits. La communauté parfaite a été sauvée, au prix fort pour le seul individualiste du village. Malgré l’amour fou, malgré le happy end miraculeux, ce « prix à payer » laisse un arrière-goût amer à ce magnifique feel-good movie.

Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera (Buon funerale, amigos!… Paga Sartana) – de Anthony Ascott (Giuliano Carnimeo) – 1970

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:25 dans 1970-1979, ASCOTT Anthony, CARNIMEO Giuliano, WESTERNS | Pas de commentaires »

Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera

Sartana est l’une de ces figures cultes qui symbolisent le western européen. Moins connu du grand public que Django, le personnage relève de la même logique, qui n’en est pas vraiment une : les différents films de la « série » des Sartana n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres, et n’ont pas forcément les mêmes interprètes (ici, c’est le raide mais intense Gianni Garko qui s’y colle). Seul point commun : une silhouette toute de noir vêtue, la blondeur et le regard bleu acier incontournables depuis la naissance du genre (un certain Clint Eastwood est passé par là).

On retrouve dans ce Sartana au titre franchement improbable tous les ingrédients inhérents au spaghetti : une violence extrême, et surtout un étonnant mélange d’ultra-réalisme et de fantasme. Il y a toutefois quelques idées originales et séduisantes dans le film de Giuliano Carnimeo : la place réservée à la communauté chinoise, et une vraie volonté de surprendre dans les scènes de violence (le guet-apens aux troncs d’arbre, l’utilisation explosive de la mine…).

Sans sortir de l’anonymat d’un genre particulièrement foisonnant, Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera est une petite réussite franchement plaisante, et pas dénuée d’humour.

• Le DVD vient d’être édité dans la belle collection « Western européen » d’Artus Films, avec une présentation de l’érudit et passionné Curd Ridel, et des entretiens inédits avec Gianni Garko et le réalisateur Giuliano Carnimeo. Un objet indispensable pour les amoureux du genre, comme tous les DVD de la collection.

Haute société (Our betters) – de George Cukor – 1933

Posté : 1 avril, 2014 @ 3:12 dans 1930-1939, CUKOR George | 1 commentaire »

Haute société

Un an après What price Hollywood ?, Cukor retrouve l’une de ses comédiennes de prédilection, Constance Bennett, pour un sommet de la comédie américaine de ce début des années 30. Tourné quelques mois avant l’entrée en vigueur du fameux Code Hayes, le film est d’une cruauté et d’une liberté de ton qui appartiennent définitivement à cette parenthèse hollywoodienne.

Cette critique acerbe et sans la moindre concession de la haute société anglo-américaine (les personnages, d’origine américaine pour la plupart, vivent à Londres, signe de l’universalité de ces codes), le film met en scène une héroïne qui est une manipulatrice entourée d’hypocrites. Déçue après un mariage qu’elle croyait d’amour, elle est devenue le symbole de cette société cynique. Une femme entretenue par un riche homme d’affaires dont elle profite, et qui pousse son innocente jeune sœur (Anita Louise, seule comédienne peu crédible, qui déclame étrangement son texte) à privilégier un mariage de raison. Une femme, aussi, que l’on voit céder à des désirs purement sexuels, avec le jeune amant de sa « meilleure amie ».

Le genre de scènes que l’on ne verra plus dans le cinéma américain pendant des décennies… Et ce n’est pas tout : outre l’adultère, la passion charnelle (et sans sentiment), les relations entre une « dame » et un jeune homme qui pourrait être son fils… Cukor filme également un danseur fardé et maniéreux, et évoque même une possible homosexualité féminine.

Mais surtout, Cukor met en scène la mesquinerie et l’incroyable hypocrisie de cette société pour laquelle ne comptent que l’apparence et la légèreté. Une scène, glaçante, résume parfaitement cet état d’esprit : un aveu lancé par Constance Bennett comme une boutade, qui touche au cœur la moitié des protagonistes qui n’en montrent rien, préférant se lancer tous ensemble dans un grand éclat de rire qui ne trompe personne. Mais les apparences sont sauves.

Adapté d’une nouvelle de Somerset Maugham, le film n’édulcore rien. Son héroïne, loin de se racheter (malgré un bref moment de pureté retrouvée), joue jusqu’au bout son impitoyable partition. Mais Cukor filme Constance Bennett comme il sait filmer les femmes : mieux que personne, en magnifiant ses qualités comme ses défauts, soulignant ses contradictions, sa détermination et ses regrets.

Sa manière de prononcer « perhaps » au téléphone à celui qui veut devenir son amant, une cigarette se consumant à la main, la pose glamour, le regard plein de promesses… Dans ce plan magnifique, Cukor semble tout dire de son héroïne : manipulatrice, enfantine, déterminée et surtout libre. Une femme passionnée, pleine d’envies et de vie.

• Collection RKO chez les Editions Montparnasse, avec une présentation par Serge Bromberg.

Wyatt Earp (id.) – de Lawrence Kasdan – 1994

Posté : 1 avril, 2014 @ 3:06 dans 1990-1999, COSTNER Kevin, KASDAN Lawrence, WESTERNS, Wyatt Earp / Doc Holiday | Pas de commentaires »

Wyatt Earp

D’accord, il y a bien deux ou trois longueurs, au cours de ces trois heures et quelque de projection. Mais rien, vraiment rien, qui puisse justifier la piètre réputation de ce western déjà tombé dans l’oubli. On ne peut pourtant que saluer l’ambition de Kasdan, rare dans ce genre, qui a osé oublier le mythe immortalisé par Ford (La Poursuite infernale), Sturges (Règlement de compte à O.K. Corral), pour proposer un portrait sans doute plus proche de la réalité, et surtout nettement plus nuancé.

Wyatt Earp est un homme courageux et par moments héroïques. C’est aussi un être dur et intransigeant, qui, tout au long d’une vie bien remplie, plonge dans l’alcool, devient un clochard voleur de chevaux, décime des troupeaux de bisons pour leurs peaux (le John Dunbar de Danse Avec Les Loups en pleurerait), laisse éclater sa vengeance, abat des hommes désarmés…

Quant au fameux règlement de compte de O.K. Corrall, c’est sans doute la version la plus anti-glamour que l’on ait pu en voir : huit hommes face à face, à deux mètres de distance, qui mitraillent sans vraiment viser… ne laissant debout que l’un d’eux : Earp lui-même. On est loin, très loin, des tireurs d’élite qui font la légende de l’Ouest.

Un parti-pris intéressant que Kasdan tient de bout en bout : jamais il ne cède à la tentation de faire de Earp un vrai héros. Au contraire, plus le personnage cède à ses démons, plus ses proches souffrent, ou meurent, et plus le malheur s’installe autour de lui. La rédemption, ici, passera par la vengeance la plus abjecte. Et la violence, dans Wyatt Earp, n’est pas non plus édulcorée : les morts sont douloureuses, souvent grotesques, et les survivants n’ont rien de glorieux.

La distribution est impressionnante : Gene Hackman, Tom Sizemore, Michael Madsen, Isabella Rossellini… Et dans le rôle de Doc Holliday, le trouble compagnon de Earp, tubard qui n’en finit pas de mourir, Dennis Quaid, méconnaissable. Le visage décharné, la toux rauque, il réussit une belle performance d’acteur, malgré un personnage mal dessiné, un peu brouillon. On sent bien que Kasdan lui préfère Earp lui-même : sa force, ses doutes, toute la complexité d’un mythe absolu qui est aussi un homme faillible.

Dans le rôle, Kevin Costner est remarquable. Aussi crédible en jeune homme un peu naïf et plein de beaux rêves, qu’en marshall revenu de tout à la présence magnétique et impressionnante. Lui qu’on a souvent comparé (dans ces années-là en tout cas) à un Gary Cooper, prouve qu’il peut également marcher dans les traces de John Wayne.

Quant à Kasdan, dont on a beaucoup reproché l’académisme lors de la sortie du film, le temps lui a donné raison : c’est avec un classicisme et un sens de l’image très fordien qu’il raconte cette épopée intime et impressionnante. Décidément, Wyatt Earp mérite d’être redécouvert.

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