Play it again, Sam

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Archive pour le 11 avril, 2014

Une femme de Tokyo (Tokyo no onna) – de Yasujiro Ozu – 1933

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:55 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Une femme de Tokyo

« On n’en tirera pas un scoop » lance un journaliste, cynique. Effectivement, le drame que raconte Ozu dans ce film court et poignant n’a rien d’exceptionnel, comme le souligne d’ailleurs le titre du film, on ne peut plus sobre. C’est presque le titre d’un manifeste : Ozu ne filme pas des gens hors du commun, mais une poignée de personnages qui mènent des vies modestes et rangées, travaillant ou étudiant pour trouver leur place dans une société modernisée en apparence, mais toujours hyper codifiée.

Un jeune homme, étudiant, vit au côté de sa sœur, employée de bureau unanimement saluée, jeune femme courageuse qui travaille le soir en tant qu’assistante d’un professeur. C’est en tout cas ce que tout le monde croit, jusqu’au jour où la rumeur désigne la jeune femme comme étant l’une des hôtesses d’un cabaret louche. En d’autres termes, cela signifie pute, et cette révélation (qui s’avère véritable) entraîne l’inéluctable drame, qui laisse un sentiment de gâchis sans nom.

Avec ce petit film qui dure à peine plus de trois quarts d’heure, Ozu signe mine de rien un grand film politique, un plaidoyer pour une certaine ouverture d’esprit, et contre d’antiques codes d’honneur que sa belle anti-héroïne, sublime dans le chagrin (un rien sadique, ça, non ?), qualifiera in fine de lâcheté. Un cinéaste ouvertement marqué marqué par la culture occidentale, particulièrement l’influence du cinéma américain (certains des personnages vont d’ailleurs voir la comédie Si j’avais un million au cinéma).

Cette société japonaise avec ses traditions encore vivaces, d’où peut découler le plus absurde des drames, Ozu en fait quelque chose d’étrangement figé. Personne ne semble construire quoi que ce soit ici, ou attendre quoi que ce soit. L’avenir n’est abordé que comme un vague rêve, lorsque le jeune homme évoque ses études en cours. Pas de couple, pas même de parents : juste des frères et sœurs qui vivent ensemble, sans autre ouverture aux autres, et dont les destins n’ont aucune incidence sur la marche de la ville… Les dernières images du film, montrant les journalistes quittant la scène du drame en parlant de tout autre chose, sont en cela particulièrement cruelles.

Sur le DVD édité par Carlotta, ce film muet est présenté sans accompagnement musical, ce qui pose parfois des problèmes de rythme pour certains films. Au contraire ici, l’absence totale de son souligne la force des images (et le dynamisme du montage), avec des cadrages qui utilisent merveilleusement les gros plans et les plans plus larges, donnant une importance constante à des objets de la vie quotidienne, repères immuables quel que soit le drame qui se joue. Merveille de mise en scène, Une femme de Tokyo est un mélo d’une cruelle beauté.

• Le film fait partie de l’indispensable coffret de 14 films que Carlotta vient de consacrer à Ozu, avec de nombreux bonus : des analyses de plusieurs films, des documentaires, et même deux courts métrages tournés par le cinéaste dans les années 30.

Le Secret du bonheur / Victoire (Victory) – de Maurice Tourneur – 1919

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:49 dans 1895-1919, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Le Secret du bonheur

Victory est l’unique adaptation d’un roman de Joseph Conrad que le romancier ait pu voir. Tous les autres films inspirés de son œuvre, de Agent secret à Apocalypse Now en passant par Lord Jim et pas mal d’autres, ont été tournés des années après sa mort. La première rencontre entre le romancier et le cinéma est un coup de maître. Un peu naïf sur le papier, un peu improbable dans son propos, le film est constamment tiré vers le haut par le talent de Maurice Tourneur, et la force de sa mise en scène.

C’est l’histoire d’un oisif solitaire, qui vit en reclus (avec un serviteur quand même, on a un standing ou on n’en a pas…) dans une île déserte et paradisiaque, désireux de vivre selon les préceptes d’un père qui a écrit dans un livre qu’il lit et relit à longueur de journée que le secret du bonheur était de vivre en évitant tout contact avec la société, sans aimer qui que ce soit, et sans avoir à tuer qui que ce soit… Bien sûr, à l’occasion d’un séjour dans la société, c’est l’amour et la mort qu’il rencontrera.

Ce qui frappe surtout dans ce film, c’est la violence avec laquelle le personnage principal d’Axel Heyst (Jack Holt) découvre les rapports humains dans ce qu’ils ont de plus extrêmes. L’histoire d’amour est charmante, mais elle n’existe qu’en réaction aux accès de violence, dont certains sont franchement glaçants. Une petite musicienne ballottée entre des employeurs  tyranniques et un logeur libidineux, un trio de louches aventuriers vivant de meurtres et de vols… et deux scènes d’exécution (dont une en flash-back) qui se répondent avec une brutalité rare, les visages des victimes étant plongés dans des brasiers…

Dans le rôle, secondaire, de l’un de ces bandits, Lon Chaney vampe la caméra. Dans le rôle de Ricardo, un second couteau (au sens propre), il vole sans peine la vedette à des acteurs principaux que, d’ailleurs, l’histoire a plongé dans l’anonymat. En 1919, Lon Chaney n’est pas encore une star, mais il a déjà une solide réputation de second rôle capable d’adopter n’importe quel maquillage. Ici, il n’aborde qu’une petite moustache et un look hispanique, mais il a une présence réellement magnétique qui est le signe d’un immense acteur de cinéma.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur » consacré à la période muette hollywoodienne du cinéaste, et édité par Bach Films. Avec une qualité d’image disons acceptable, et une présentation érudite de Roland Lacourbe.

Les Rebelles (Border River) – de George Sherman – 1954

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:40 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, SHERMAN George, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Rebelles

Excellent réalisateur de westerns, George Sherman a signé pour la Universal toute une série de films inspirés (souvent lointainement) d’épisodes réels de la mythologie westernienne. Dans Les Rebelles, il ne s’agit pas de figures célèbres de cette époque des pionniers, comme Calamity Jane ou Black Bart, mais d’une particularité de ces années marquées par la guerre civile : la Zona Libre, un petit territoire situé sur les rives du Rio Grande, entre les Etats-Unis et le Mexique, où de nombreux hors-la-loi trouvent refuge.

L’intrigue du film (un soldat sudiste qui vient acheter des armes pour son camp) n’est ainsi qu’un prétexte pour mettre en scène ce territoire administré par des bandits (un « général » mexicain interprété par Pedro Armendariz), et où ne vivent que des bandits. Un thème riche en promesses, qui ne les tient hélas pas toutes : si le Général est un personnage particulièrement réussi et effrayant, la population qui peuple le territoire n’a pas cette dimension de danger qu’on pouvait attendre.

Mais le film est une réussite, signé par un petit maître (irrégulier) du genre, et parsemé de moments particulièrement inspirés : un cheval happé par des sables mouvants, un « baron » qui perd subitement sa superbe lorsqu’il réalise qu’il est condamné, un repas plein de sous-entendus lourds de menaces… C’est lorsqu’il met en scène ces soudaines irruptions du danger que Sherman se montre le plus efficace.

Face à Joel McCrea, grand acteur westernien (c’est quand même lui le héros du formidable Pacific Express de Cecil B. De Mille), Sherman dirige une nouvelle fois Yvonne De Carlo, à qui il a offert quelques-uns de ses rôles les plus marquants. L’actrice, l’une des plus belles figures du genre, est une nouvelle fois magnifique.

Impasse des Deux-Anges – de Maurice Tourneur – 1948

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:33 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Impasse des Deux-Anges

Le grand Maurice Tourneur termine sa carrière sur une petite merveille totalement oubliée. Les images du générique créent une ambiance qui évoque immédiatement La Main du Diable, peut-être le plus renommé de tous ses chefs d’œuvres français. Mais si on reconnaît bien la patte du cinéaste, son sens de l’image, du cadrage et de l’éclairage, Impasse des Deux-Anges est une œuvre profondément originale et atypique, dans laquelle Tourneur laisse libre court à son imagination, avec un plaisir gourmant et communicatif.

Ça commence comme un film de gangster assez classique : Paul Meurisse, as du cambriolage chargé de voler un collier de diamants hors de prix qui doit être porté par une comédienne sur le point de se marier. Mais très vite, Tourneur brouille les pistes : la fiancée, pétulante et irrésistible Simone Signoret, a eu une grande histoire d’amour avec ce cambrioleur qu’elle n’avait plus vu depuis sept ans. Leurs retrouvailles remettent en cause le mariage annoncé…

Polar, romance, comédie de mœurs… Tourneur s’amuse à mélanger les genres, pour un pur plaisir de cinéma. Tantôt acerbe, lors d’une réception, brillante, qui constitue le baptême de la comédienne Signoret dans le grand monde. Tantôt impressionnant, lors d’une course-poursuite suivie d’une fusillade filmés en ombres chinoises dans des décors presque abstraits. Tantôt romantique lorsqu’il emmène ses deux personnages principaux dans une virée nocturne sur les traces de leur passé.

Cette séquence nocturne est la meilleure du film. Dans un Paris de carte postale, Simone Signoret et Paul Meurisse invoquent les fantômes de leur passé commun (magnifiques flash backs avec des apparitions fantômatiques de leurs souvenirs), qu’ils tentent de retrouver, le temps d’une soirée. Mais de ce passé, qu’ils croient retrouver dans un hôtel où ils ont vécu les plus belles heures de leur passion, ils ne retrouvent que des ruines, un quartier qui n’est plus qu’un chantier laissé à l’abandon, et où on croise des jeunes gens (dont la gamine Danièle Delorme) sans avenir. Tout un symbole…

Je n’ai rien oublié – de Bruno Chiche – 2010

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:23 dans * Polars/noirs France, 2010-2019, CHICHE Bruno | Pas de commentaires »

Je n’ai rien oublié

Adapté du roman Small World de Martin Suter, Je n’ai rien oublié est l’un de ces films basés sur un très vieux secret de famille. Un genre en soi, que le cinéma français aime revisiter régulièrement, et qui donne souvent de belles réussites : Un secret de Claude Miller ou La Fleur du mal de Claude Chabrol par exemple, dans des genres très différents.

Le film de Bruno Chiche s’inscrit dans la lignée du Chabrol, le cynisme en moins. En faisant du personnage principal un homme vieillissant malade d’Alzheimer, à qui Gérard Depardieu apporte une belle candeur, le film est dominé par une douce nostalgie. L’acteur est très émouvant dans le rôle de cet homme qui perd la mémoire immédiate, mais dont les vieux souvenirs resurgissent avec précision, le renvoyant à une enfance où sa vie semble s’être arrêtée.

Il y a donc un secret profondément enfoui, dans cette riche famille dont Depardieu, l’ami d’enfance et l’employé, est une sorte de pièce rapportée. Un secret que la matriarche (Françoise Fabian, dont le grand âge n’enlève pas grand-chose à l’extrême beauté) porte visiblement en elle depuis des décennies, et qui finira par rapprocher les deux amis d’enfance séparés par la vie : Depardieu et son double inversé, l’impeccable Niels Arestrup.

Bruno Chiche a parfois une tendance à la caricature, et les dialogues sont par moments franchement lourdingues. Mais la musique souligne parfaitement la nostalgie et la profonde solitude de tous ces personnages qui semblent tous vivre avec leurs rêves d’enfants, leurs rendez-vous perdus, et les promesses non tenues. Une jolie surprise.

• Un making of très classique dans le DVD édité chez Studio 37.

 

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