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Archive pour le 26 mars, 2014

La Grande Illusion – de Jean Renoir – 1937

Posté : 26 mars, 2014 @ 3:11 dans 1930-1939, GABIN Jean, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

La Grande Illusion

« Chacun mourrait de sa maladie de classe, si nous n’avions la guerre pour réconcilier tous les microbes »

Classique d’entre les classiques, La Grande Illusion est un monument du cinéma français d’avant-guerre. Cette grande œuvre de Jean Renoir porte en germe la crainte d’un nouveau conflit mondial qui se profile : le rôle du juif Rosenthal, joué par Dalio, n’est pas anodin, pas plus que les dialogues lourds de sens (« J’espère que c’est la dernière », lance le même Rosenthal). C’est aussi, peut-être, le film où Renoir livre avec la plus grande transparence sa vision du monde.

Où se trouvent les véritables frontières ? Sur les cartes entre les pays, ou dans la différence d’éducation et de cultures entre les différentes classes sociales ? Renoir a tranché : sa vision se rapproche de celle des grands humanistes du cinéma, Chaplin en tête. L’aristocrate français Boyeldieu (Pierre Fresnay) a bien plus de points communs avec son alter ego allemand Von Rauffenstein (Eric Von Stroheim) qu’avec son compatriote Maréchal (Jean Gabin), pur produit de la classe populaire. Deux représentants d’une classe que l’histoire est sur le point de balayer définitivement.

Mais il y a la Grande Guerre qui fait rage, et qui exacerbe l’absurdité des frontières et des affrontements entre les peuples. Et le sentiment d’absurdité a rarement été aussi flagrant que dans ce film qui parle de la guerre sans jamais rien en montrer. Les actes de bravoure (le crash de l’avion, les tentatives d’évasion), ne sont qu’évoqués, écartés de l’écran par des ellipses audacieuses.

De la guerre, on n’aura que l’esprit de corps, les bruits de botte et des affiches qui annoncent la prise successive par les deux armées d’un obscur village. Renoir, pourtant, filme la plupart du temps de grandes scènes de camaraderie : des gueuletons partagés par les prisonniers, des clowneries menées par Carette (un rien lourd), et une légèreté apparente, loin des horreurs des tranchées.

Mais la guerre est omniprésente. La soirée théâtrale qui semble coupée du monde est soudain interrompue par l’une des plus vibrantes Marseillaises jamais entendues dans un film (comparable à celle de Casablanca). Les évocations presque grivoises de souvenirs très personnels des prisonniers sont interrompues lorsque l’un d’eux s’habille en vêtements féminins, la vision de cet ersatz de femme plongeant les prisonniers dans un mutisme nostalgique, image qui aurait pu être grotesque mais qui fait ressentir le poids de cet emprisonnement comme aucun discours ne l’aurait fait.

La Grande Illusion est plein de ces non-dits, de ce qui n’est pas montré, mais qui dévore l’écran. Une amitié condamnée d’avance par l’époque entre deux hommes parfaitement semblables mais séparés par l’uniforme ; Gabin dans son cachot, sourd aux attentions amicales de son geollier ; une histoire d’amour qui n’est qu’ébauchée en attendant d’hypothétiques jours meilleurs entre Gabin et Dita Parlo…

Stroheim est touchant, Dalio et Fresnay sont parfaits, et Gabin est immense. Quant à Renoir, il tempère son fatalisme d’une discrète touche d’optimisme. Le cinéaste affiche une foi en l’humanité. Son film est hanté par l’absurdité et l’immense gâchis de la guerre. Il est aussi habité par la bonté et la bienveillance de ses personnages, qui font de La Grande Illusion l’un des plus vibrants plaidoyers pacifistes qui soit.

Dans la chaleur de la nuit (In the heat of the night) – de Norman Jewison – 1967

Posté : 26 mars, 2014 @ 3:07 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, JEWISON Noman | Pas de commentaires »

Dans la chaleur de la nuit

L’un des films les plus emblématiques de cette période marquée par la lutte pour les droits civiques. Quelques mois avant l’assassinat de Martin Luther King, le racisme était alors au cœur de l’actualité. Symbole hollywoodien de la cause noire, Sidney Poitier trouve ici l’un de ses rôles qui ont fait de lui un emblème : un noir en transit dans une bourgade du Sud profond, dont la couleur de peau fait le suspect idéal d’une affaire de meurtre… jusqu’à ce que les flics locaux, heureux d’avoir trouvé un coupable désigné, découvrent que ce « nègre étranger », venu du Nord, est un policier de la criminelle.

L’enquête qui suit est un prétexte, pour amener le chef de cette police locale gangrenée par un racisme ordinaire et « culturel », à collaborer avec cet homme de couleur dont il doit bien reconnaître qu’il est nettement plus doué et intelligent que lui. Sidney Poitier est excellent. Ses belles manières, son beau costume, son assurance, et même son argent, marquent la réussite sociale de cet homme qui découvre, dans ce Sud où la ségrégation n’appartient pas encore à l’histoire, le sort qui aurait été le sien s’il était né à une autre époque, ou dans un autre endroit.

Des formidables dialogues, crus et cruels, une réplique résonne particulièrement fort : alors que Poitier et le chef de la police (Rod Steiger) traversent un champ de cotons où suent des dizaines d’employés, tous noirs : « Pas de ça pour vous, hein Virgil ? ». Le silence de Virgil/ Poitier qui suit est glaçant.

On sent Norman Jewison totalement centré sur ce contexte social et racial, au détriment de l’aspect polar du film peut-être, qui passe franchement au second plan, et auquel on ne s’intéresse pas vraiment. Au détriment aussi, parfois, de l’aspect purement cinématographique : Jewison passe d’ailleurs à côté de son sujet lorsqu’il essaie, en vain, de faire ressentir la chaleur et la moiteur de ces nuits, censés troubler les personnages et altérer leurs sens.

Mais le film évite habilement toute facilité, repoussant toute tentation de diabolisation. Le personnage du chef de la police, surtout, est particulièrement ambigu : affichant un racisme ordinaire et une arrogance très colonialiste, il paraît aussi écoeuré par le comportement de ses propres concitoyens, et par lui-même. Un homme pathétique qui semble tiraillé entre ses traditions et sa conscience, auquel Rod Steiger apporte une profondeur exceptionnelle.

Le rôle lui a d’ailleurs valu l’Oscar du meilleur acteur (Sidney Poitier ayant été nominé la même année pour Devine qui vient dîner ?, autre film antiraciste emblématique), tandis que le film recevrait la statuette du meilleur film de l’année.

• Un beau coffret DVD / blue ray, avec livret, vient d’être édité chez Fox, avec un commentaire audio et quelques bonus intéressants, hélas sans sous-titres.

Le Signe des renégats (Mark of the renegade) – de Hugo Fregonese – 1951

Posté : 26 mars, 2014 @ 2:55 dans 1950-1959, FREGONESE Hugo | Pas de commentaires »

Le Signe des renégats

La Californie des années 1820 est le théâtre de ce film d’aventures méconnu mais particulièrement réjouissant, qui s’inscrit dans la lignée du Signe de Zorro (le film est d’ailleurs adapté de l’œuvre de Johnston McCulley, le créateur du cavalier masqué). Léger comme une bulle de champagne, et parfois proche d’un esprit cartoonesque, le film flirte allégrement avec la comédie, et ne se prend jamais au sérieux.

Dans le rôle du héros, hors-la-loi qui porte sur le front une marque qui le condamne à mort, Ricardo Montalban n’a pas la présence magnétique de Tyrone Power ou d’Errol Flynn. Mais il affiche ici une jeunesse presque arrogante qui colle parfaitement à l’esprit de ce film bondissant, qui laisse peu de place à la psychologie des personnages.

Qu’importe le contexte historique, qu’importe le passé ou les doutes des personnages… Qu’importe aussi finalement cette marque que Don Marcos, alias Montalban, dissimule constamment sous un foulard qui est comme une ombre jetée sur l’insouciance du héros : cette tâche sera balayée d’un simple revers de main.

Dès la première scène, le ton est donné. Montalban est pur héros hollywoodien : le verbe fort, les pectoraux saillants, et l’assurance jamais mise à mal. Autour de lui, des « méchants » proches du grand guignol : un pirate grande gueule et un rien grotesque, un homme de main à la sensibilité à fleur de peau, et un conspirateur qui se rêve en empereur… Difficile de prendre cette étrange galerie au sérieux, et on aurait bien tort de le faire : seul compte le plaisir, simple et sans arrière-pensée.

Duels et bagarres se succèdent, plutôt bien filmées par un Hugo Fregonese très inspiré. Mais c’est surtout cette longue danse de séduction qui marque les esprits. Point d’orgue du film, cette chorégraphie troublante et fascinante semble n’être là que pour mettre en valeur les talents de Cyd Charisse. Et l’apparition de ses jambes, qui se dévoilent sous une robe longue qui tourbillonne, reste l’image la plus marquante de ce film plein de vie.

• Le film vient d’être édité chez Sidonis, avec une présentation par Patrick Brion.

RoboCop (id.) – de Paul Verhoeven – 1987

Posté : 26 mars, 2014 @ 2:50 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, VERHOEVEN Paul | Pas de commentaires »

Robocop

Plus de vingt-cinq ans après, et après deux suites indignes, une série télé grotesque, et un tout récent remake pas vu, ce RoboCop premier du nom a formidablement bien passé l’épreuve du temps. OK, l’aspect technologique a vieilli, forcément : ordinateurs et écrans appartiennent à un futur qui appartient au passé. Mais à part ces détails inhérents au genre, le premier grand succès américain du Hollandais Paul Verhoeven a gardé toute sa force et tout son impact.

Le cinéaste inaugure avec RoboCop une recette qu’il reprendra, en allant plus loin encore, dans Total Recall et surtout Starship Troopers, ses deux autres films de SF : un mélange de satire, de violence et de critique sociale ; et une manière unique d’utiliser les codes de la science fiction, d’y insuffler un étrange second degré, et d’en faire une charge contre le totalitarisme, le capitalisme et toutes les dérives des sociétés modernes.

Les films dérivés de ce petit classique n’en reprendront généralement que la trame : ce flic laissé pour mort qu’une société privée utilise pour le transformer en superflic, mi-homme, mi-machine, censé être dépourvu de toute émotion humaine et de tout souvenir de sa vie d’avant. Et surtout les possibilités spectaculaires d’un tel personnage.

Verhoeven, lui, privilégie la satire donc, en livrant une vision particulièrement sombre d’un Detroit qui n’a pourtant rien d’une cité du futur : une ville familière, glauque et rongée par la violence, mais sans les atours habituels de la SF. L’anticipation repose plus sur le modèle de société : la police a été confiée à une société privée qui brasse des sommes gigantesques qui lui donnent un pouvoir infini.

La satire est parfois proche de la caricature : les dirigeants de la société sont eux-mêmes des stéréotypes illustrant la dérive capitalise, et les extraits de journaux télévisés que l’on voit régulièrement (comme dans les deux autres films de SF de Verhoeven) ne font pas vraiment dans la dentelle.

Mais Verhoeven signe aussi un film intime : à la surenchère (le film est plutôt économe en rebondissements, et en action superflue), le cinéaste privilégie le portrait intime de ce flic normal à qui on a effacé toute identité, et qui se rebelle peu à peu contre cette hyper autorité aliénante. Il y a comme ça de beaux passages très émouvants : celle, surtout, où RoboCop tombe le masque et redevient Alex Murphy.

Mais la grande force du film, c’est cette manière d’associer l’intime, le spectaculaire et la grande violence. La mise en scène souligne constamment l’environnement menaçant dans lequel les personnages évoluent. Et la fameuse scène de l’exécution de Murphy est un passage traumatisant qui n’a rien perdu de sa force.

• A l’occasion de la sortie du remake, le RoboCop de Verhoeven vient d’être édité chez Fox dans un beau blue ray en coffret métal, riche en suppléments.

 

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