Maris et femmes (Husbands and wives) – de Woody Allen – 1992
En terrain connu, abordant une fois de plus les rapports entre les hommes et les femmes, Woody Allen parvient une nouvelle fois à surprendre et à signe un chef d’œuvre qui s’inscrit dans la lignée naturelle de ses précédents films, tout en marquant une rupture assez radicale.
Formellement, d’abord, Husbands and wives confirme la volonté du cinéaste d’explorer de nouveaux horizons. Loin de l’hommage au film noir de son précédent opus, Ombres et brouillard, Allen adopte ici un style qui évoque le film documentaire un peu improvisé. Caméra à l’épaule, faux raccords, coupes volontairement approximatives… Allen crée le sentiment d’un cinéma vérité parfois troublant : la sensation d’intimité s’en trouve renforcée, comme dans cette belle séquence d’orage, au cours de laquelle Woody se met en scène avec Juliette Lewis, facilement de 30 ans sa cadette, dans ce qui est l’un des baisers les plus romantiques de ces années-là.
Mais ce passage délicat et sensuel n’est qu’une parenthèse. Car le ton est, lui aussi, plus radical que dans les précédents films d’Allen. Avec cette histoire de deux couples qui connaissent les mêmes difficultés, mais suivent des destins inverses (Woody Allen et Mia Farrow, Judy Davie et Sydney Pollack), Allen souligne comme jamais peut-être la difficulté de vivre en couple, et l’aspect éphémère de la passion et des illusions.
Au cours d’une discussion passionnée en pleine nuit, Woody évoque les moments les plus mémorables de son couple avec Mia Farrow : une promenade au clair de lune, un éclat de rire, qu’importe… Mais elle lui répond qu’il ne s’agit que de souvenirs isolés, qui ne racontent pas ce qu’est leur vie ensemble. Une discussion calme, et même tendre, mais le propos est dur, sans concession. Et aucun des deux n’a encore compris qu’il s’agissait là d’un dialogue de rupture…
Dans Husbands and wives, hommes et femmes semblent constamment en décalage, jamais dans le même timing. Mia veut un enfant depuis des années, mais Woody n’accepte l’idée que lorsqu’il est trop tard. Sydney Pollack veut expérimenter le célibat, mais il ne réalise ce qu’il perd que lorsque sa femme Judy Davis commence à y prendre goût…
Sans vouloir sur-interpréter, ni dresser des ponts systématiques entre la vie et l’œuvre, ce grand film sur le couple, sombre et sans illusion, semble ouvertement marquer la fin de quelque chose, comme si Allen ne pouvait aller plus loin dans cette direction. Difficile de n’y voir qu’un hasard : Maris et femmes est le dernier de ses films dont Mia Farrow est l’interprète (et l’égérie), avant la douloureuse rupture. Avec son film suivant, Meurtre mystérieux à Manhattan, Woody Allen surprendra encore avec un nouveau changement de cap, radical, et réjouissant.
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