Dark Blue (id.) – de Ron Shelton – 2002
Passé relativement inaperçu, par rapport à un Training Day au thème semblable (on retrouve d’ailleurs le même David Ayer aux scénarios de ces deux films), Dark Blue n’a pourtant rien perdu de sa puissance, en dix ans. Ce polar noir, noir, noir, porte à la fois la marque de son scénariste, et surtout celle de James Ellroy, qui a écrit l’histoire originale. Il y a mis ses obsessions : ce L.A. bouffé par la corruption, la violence et le racisme qui peuple ses romans noirs.
Le flic interprété par un Kurt Russell renversant ressemble aux personnages rongés par leurs démons qu’il aime mettre en scène dans ses livres. Un type dévoré par une machine corrompue qui l’a entraîné dans une abyssale descente aux enfers. Et, bonne nouvelle, ni le scénar, ni la réalisation, plutôt inspirée, de Ron Shelton, ne font quoi que ce soit pour atténuer la noirceur du propos.
La belle idée du film est d’avoir situé l’intrigue durant le printemps 1992, à quelques heures de l’acquittement des flics qui ont tabassé Rodney King un an plus tôt, verdict qui va mettre la ville à feu et à sang, et mettre en évidence l’immense corruption et les méthodes douteuses du LAPD. Le destin de Perry (Kurt Russell) est lié à ces émeutes : l’un comme l’autre symbolisent la fin d’un système, l’explosion de violence nécessaire au grand nettoyage…
Bien sûr, les lecteurs fidèles d’Ellroy (j’en suis) auront l’impression d’avoir déjà vu ça mille fois. Mais l’esprit de l’auteur est bien là, tout comme celui du scénariste. David Ayer, cinéaste, aurait sans doute apporté un aspect un peu plus rugueux au film, que Ron Shelton peine parfois à donner. Mais la tension est bien là, et il y a quelque chose de shakespearien et de profondément tragique dans le destin de ce flic embrigadé par son père génétique et une sorte de père de substitution depuis sa plus tendre enfance, qui rompt finalement avec ce qui a toujours été sa vie.
Kurt Russel n’a peut-être jamais aussi bien que dans ce rôle de flic qui flirte de plus en plus avec les abysses, perd son âme, avant de se confronter, tardivement, à ce qu’il est et surtout ce qu’il n’est plus. La scène de rupture avec sa femme, parenthèse apaisée dans un enchaînement de violence, sonne la rupture du personnage avec ses propres démons. Une scène magnifique, la plus belle du film, au cours de laquelle son humanité affleure enfin…
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