Rebecca (id.) – d’Alfred Hitchcock – 1940
Quelques jours après la mort de Joan Fontaine, j’ai eu envie de revoir ce chef d’œuvre qui a marqué mon adolescence : les grands yeux de biche de Joan, ses mimiques embarrassées, et son éternelle jeunesse. Cette jeunesse, et l’innocence de ce visage si pur qui ferait fondre le cœur le plus endurci (que celui qui n’a pas frissonné devant le regard perdu de Joan Fontaine quitte ce blog !), sont le sujet même de ce film.
« Promise me never to be 36 years old », lui lance un Laurence Olivier dont le regard est soudain traversé par un voile sombre. Beaucoup plus tard, alors que le passé aura dévoilé ses secrets, le même aura ce constat, d’une tristesse abyssale : « It’s gone forever, that funny young, lost look I loved won’t ever come back. »
La première demi-heure est d’un romantisme renversant. Joan Fontaine, jeune femme embauchée pour tenir compagnie à une riche et insupportable Anglaise en vacances à Monte Carlo, tombe sous le charme d’un riche veuf mystérieux, Maxim de Winter. A la plus grande surprise de la rombière, le beau « prince » épouse la belle et pure jeune fille, et l’emmène dans son château, le sublime domaine de Manderley…
Un vrai conte de fées, symbole de l’innocence de Joan Fontaine. Mais la suite sera un cruel rappel à la réalité, qui marquera la disparition irréversible de cette innocence : « Je ne retournerai jamais à Manderley », que lance la voix de Joan Fontaine sur les premières images du film, sonne comme « je ne revivrai plus jamais l’innocence de ma jeunesse ». A peine le portail passé, sa rencontre avec Madame Danvers donne le ton.
Personnage inoubliable, angoissant et menaçant, Madame Danvers (fabuleuse Judith Anderson) est l’un des plus grands personnages hitchcockiens. Une apparition presque fantomatique qui ne cesse de raviver le souvenir de feu Mme de Winter, Rebecca, poussant la nouvelle Mme de Winter aux frontières de la folie.
Chef d’œuvre d’une richesse incroyable, Rebecca inaugure la carrière américaine de Hitchcock, appelé par Selznick pour tourner un Titanic qui ne verra jamais le jour. Jalon à part dans sa filmographie, Rebecca vaudra aussi son unique Oscar à un Hitchcock qui a su dès son arrivée s’intégrer parfaitement dans l’univers hollywoodien, dirigeant notamment des seconds rôles qu’il retrouvera dans ses films à venir : Leo G. Carroll, George Sanders, Nigel Bruce… Quant à Joan Fontaine, il la retrouvera dès l’année suivante pour Soupçons, un autre chef d’œuvre, où elle aura un rôle très similaire, qui lui vaudra un Oscar.