L’Homme invisible (The Invisible Man) – de James Whale – 1933
Quelle année pour le cinéma fantastique ! En quelques mois seulement, au moins trois films majeurs sortent sur les écrans, qui continuent aujourd’hui encore à influencer le genre : King Kong, La Chasse du Comte Zaroff (pas fantastique à proprement parler, c’est vrai, mais fondateur pour le genre), et cette première adaptation de L’Homme invisible, la plus fidèle à l’œuvre d’H.G. Wells, et de loin la meilleure.
Dès la première séquence, James Whale (déjà réalisateur du premier et mémorable Frankenstein) installe une ambiance absolument fascinante : une vision pleine de vie et so british d’un pub d’une petite ville isolée par la neige, dont l’arrivée d’un mystérieux étranger, emmitouflé dans de larges vêtements et des bandelettes recouvrant entièrement son visage, va chambouler la joyeuse monotonie.
Tout au long du film, la foule est merveilleusement filmée. Dans les séquences de l’auberge d’abord, à l’atmosphère tout droit sortie d’un roman anglais du 19ème siècle. La bière, les fléchettes, l’accent cockney et les trognes sont formidablement filmés. Non sans humour : l’hystérique tenancière, jouée par l’indispensable Una O’Connor, est aussi irrésistible qu’agaçante (comme à peu près pour tous ses rôles, d’ailleurs : on se souvient surtout de sa prestation en dame de compagnie de Lady Marian dans Les Aventures de Robin des bois). Ces séquences évoquent d’ailleurs des passages similaires de Frankenstein.
A côté, les scènes avec les scientifiques sont un peu ternes, visuellement. D’autant que le personnage de la fiancée (jouée par Gloria Stuart, qui sera 65 ans plus tard la Rose de Titanic… fascinant de se dire ça !) manque franchement d’épaisseur, comme celui un peu trop caricatural de son père de savant, joué par Henry Travers, le futur ange Clarence de La Vie est belle.
Par contre, Whale est aussi doué pour filmer la foule que pour faire ressentir la peur qui s’empare de toute une région face aux « exploits » de cet homme invisible. Il réussit aussi parfaitement à souligner l’isolement grandissant de ce dernier, menacé de partout, totalement acculé. La traque qui s’organise donne lieu à de grands moments de suspense.
Les effets spéciaux, assez bluffants pour l’époque, sont d’ailleurs parfaitement utilisés pour cela. Comme Whale utilise avec une grande intelligence la présence de Claude Rains, sa « star », dont c’est le tout premier film, et dont on ne voit jamais le visage avant la toute dernière image. Mais sa présence est impressionnante. Par sa manière de déplacer ce corps engoncé dans d’épais vêtements, et par sa voix profonde et sinistre, il est l’âme de ce classique indémodable.
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