Inside Llewyn Davis (id.) – de Joel et Ethan Coen – 2013
C’est beau, quand même, cette capacité qu’ont les frères Coen de naviguer d’un genre à l’autre tout en restant fidèles à ce qu’ils sont. Après le noir (No country for old men) ou le western (True Grit), deux œuvres majeures et violentes, les frangins les plus passionnants du cinéma américain reviennent en mode intimiste avec ce film nostalgique et magnifique.
Inside Llewyn Davis est un film modeste à tous points de vue, la chronique simple et dénuée de tout rebondissement spectaculaire d’un musicien de blues sans attache, qui va de petites panouilles en grosses galères, de petites satisfaction en grosses désillusions… Un musicien parmi des centaines d’autres, sans attaches : ni femme, ni maison, ni carrière, ni même véritable ambition.
Bien sûr, ce type tente de percer. Il traverse l’Amérique (dans une sorte de parenthèse hallucinante où l’on croise un John Goodman très « coenien ») pour rencontrer un important producteur, revient comme il était parti, pense à abdiquer et à se ranger bien gentiment dans cette société qu’il méprise gentiment…
Mais au fond, ce « héros » ne vient de nulle part, et ne va pas ailleurs. C’est même tout le sujet du film : malgré les galères, malgré la fatigue qui l’accable à force de ne jamais pouvoir se poser, Llewyn Davis est un être accompli, qui mène exactement la vie qu’il a choisie, et qui n’ambitionne rien d’autre que de trouver sa place dans ce « Village », sorte de bulle en dehors du temps, idéal pour des musiciens qui se croisent, s’engueulent et s’entraident… Un artiste absolu.
Le film est d’une simplicité totale, et d’une élégance inouïe. Dès les premières images, les frères Coen rappellent à quel point ils sont doués pour dompter l’espace et créer une ambiance. Cette chanson qu’interprète Llewyn Davis (magnifique Oscar Isaac) nous plonge dans l’atmosphère de ces clubs du Village, ceux-là même où ne tardera pas à éclore un certain Bob Dylan, qu’on apercevra à la toute fin du film. Les personnages que l’on croise, eux, n’auront pas son destin. Ils n’en sont pas moins de beaux artistes, entièrement dédiés à leur art, à jamais associé à cette musique-là, et à ce lieu-là.