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Zelig (id.) – de Woody Allen – 1983

Classé dans : 1980-1989,ALLEN Woody,FANTASTIQUE/SF — 6 décembre, 2013 @ 12:06

Zelig

Voilà peut-être le film le plus radical de Woody Allen. Pour la première fois (pas la dernière : Harry dans tous ses états déclinera un thème similaire), son personnage traduit physiquement ses névroses. En l’occurrence, un petit homme trop mal à l’aise qui se transforme physiquement pour se fondre dans son environnement du moment, et éviter qu’on le remarque. Ses yeux se brident lorsqu’ils parlent à des Chinois, son poids triple en présence d’obèse, de nouvelles connaissances lui apparaissent face à des médecins…

« Ses parents le punissent souvent en l’enfermant dans un cagibi noir. Quand ils sont très en colère, ils s’y enferment avec lui. »

Formellement aussi, le film est radical : Woody Allen fait de cette histoire fascinante un faux documentaire composé d’images d’archives (vraies ou fausses, la frontière étant totalement invisible), de fausses interviews, de reconstitutions plus vraies que nature. Son film est entièrement fait de ces amalgames entre vraies et fausses images d’archives, entre films d’époque et créations « à la manière de », entre faux extraits de films et images d’actualité habilement utilisés, entre citations enlevées de leur contexte et fausses interviews…

Techniquement, c’est absolument bluffant. Comme un certain Forrest Gump après lui, Woody Allen fait côtoyer son personnage avec de grandes personnalités de l’époque, de Eugene O’Neill à Adolf Hitler, en passant par le président Coolidge ou Charles Chaplin. A l’image, le résultat est bluffant : dans de fausses images d’archives ou d’actualité d’un réalisme incroyable, Woody et Mia Farrow posent à côté d’authentiques personnalités, ou leur donnent la réplique. Nous sommes en 1983, et Woody Allen n’a pas à sa disposition les trucages numériques dont disposera Robert Zemeckis onze ans plus tard. Mais le résultat est, techniquement, au moins aussi réussi.

« Je travaille sur un cas intéressant. Deux paires de frères siamois qui ont des doubles personnalités. Je suis payé par huit personnes. »

Malgré la limite qu’impose le procédé (une certaine distance s’installe de fait avec les personnages), l’exercice de style est brillant, et Zelig reste un film vraiment personnel d’Allen, qui plonge une nouvelle fois dans les mystères de la psychanalyse, avec cette histoire fascinante d’un anonyme dont le destin épouse son époque.

Zelig est aussi le portrait de l’Amérique de la fin des années 20 et du début des années 30 : celle du KKK et des gangsters, mais aussi celle de Chaplin et de Groucho Marx. Une époque d’insouciance et d’incompréhension tout à la fois, dans laquelle Woody Allen trouve son inspiration. Il n’en manque pas, et c’est passionnant.

« J’ai 12 ans. Je rentre dans une synagogue. Je demande au rabbin le sens de la vie. Il m’explique le sens de la vie. Mais il me l’explique en hébreu. Je ne comprends pas l’hébreu. Il me propose alors des cours d’hébreu pour 600 dollars. »

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