Annie Hall (id.) – de Woody Allen – 1977
Annie Hall est un film fascinant. Parce que c’est un chef d’œuvre, l’un des films majeurs de son auteur. Et aussi parce qu’on y assiste à la métamorphose d’un artiste, qui se met en scène dans cette position d’un artiste en pleine mutation, qui rompt avec son passé de gagman pour s’assumer dans toute sa complexité. Woody Allen a évidemment mis beaucoup de lui dans ce personnage d’Alvy Singer, qui lui ressemble comme un frère, et qui fixe à jamais le personnage allenien.
Après ses précédents films de jeunesse, prolongement de son expérience de comique pur, Allen semble découvrir toutes les possibilités du cinéma en tant que langage. Non seulement le propos est plus complexe. Mais pour la première fois, il s’y impose comme un authentique cinéaste
Plus inventif, mieux construit, plus écrit, plus intellectuel, plus exigeant, Annie Hall est aussi beaucoup plus drôle que ses précédents films (« Ces types de la Résistance étaient vraiment courageux. Avoir à supporter les chansons de Maurice Chevalier…»). Beaucoup plus tendre, aussi : le rire et l’émotion ne sont jamais loin, comme dans cette magnifique séquence des homards, symbole éternel de la complicité qui unie Woody et son égérie d’alors, Diane Keaton.
Il invente une sorte d’autofiction d’une intelligence et d’une audace folle. Il se permet toutes les audaces pour raconter cette histoire d’un couple dont on sait d’emblée qu’il est séparé, plongeant dans son enfance, revivant les moments les plus forts de cette histoire d’amour : le narrateur devient le témoin de scènes du passé, qu’il commente avec une douce ironie, dialoguant même avec son double d’hier.
Il entremêle dialogues et pensées, s’adresse au public face caméra, utilise le dessin animé (comme un certain Tarantino trente ans après lui), et fait intervenir Marshall MacLuhan en personne pour remettre à sa place l’un de ces m’as-tu-vu qui parlent bien fort pour être sûrs d’être entendus…
La métamorphose est spectaculaire. En un film, Woody Allen s’impose comme un réalisateur audacieux, drôle et intelligent, comme LE cinéaste de New York, et comme un génie qui joue d’une manière irrésistible avec ses névroses et ses modèles. Son premier chef d’œuvre est un film merveilleux.
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