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L’Aveu (Summer Storm) – de Douglas Sirk – 1944

Classé dans : 1940-1949,SIRK Douglas — 9 octobre, 2013 @ 10:32

L’Aveu (Summer Storm) – de Douglas Sirk – 1944 dans 1940-1949 laveu

Ce merveilleux drame amoureux sur fond de Russie tsariste moribonde est le deuxième film américain de Sirk, après l’exceptionnel Hitler’s madman. C’est aussi l’unique véritable film noir du cinéaste, qui fait de Linda Darnell l’une des grandes femmes fatales, et des acteurs (George Sanders en tête) les victimes consentantes idéales de cette manipulatrice aussi désirable que détestable. Mais c’est un film noir étonnant, qui s’inscrit dans ce contexte historique exceptionnel : celui de la Russie de 1912, cinq ans avant la révolution soviétique.

Les personnages soulignent le déclin de cette société séculaire que l’on sait condamnée. Des nobles totalement décadents qui boivent du champagne et baisent les domestiques pour oublier leur ennui, et des paysans pauvres et sales, qui s’abîment dans la vodka et « vendent » leur fille contre une poignée de roubles.

Et puis il y a Linda Darnell, fille pauvre mais belle à damner, qui sait qu’elle a une arme absolue pour grimper dans la hiérarchie sociale : son corps. Pas de beaux sentiments pour elle, mais un désir farouche de posséder. Pas une révolutionnaire : une ambitieuse, et une intriguante. Autour d’elle, les hommes succombent. Elle épouse un honnête travailleur, qu’elle trompe avec un juge, avant de jeter son dévolu sur un comte, l’homme le plus riche et le plus puissant de la région…

L’histoire étant racontée en flash-backs, par l’intermédiaire d’un manuscrit découvert en 1919 par l’une des protagonistes, l’absurdité de cette « ascension » rajoute à la cruauté de la belle : elle se rêve comtesse, mais ne sait pas encore que les titres et les fortunes n’allaient pas tarder à être confisqués par la révolution. Une absurdité qui souligne la cruauté et le gâchis de ces amours voués à l’échec.

L’Aveu a l’esthétique et le ton de ses films allemands, évoquant tout autant La Fille des marais et Les Piliers de la société. Comme dans ce dernier film, Sirk s’empare d’un roman très marqué par la culture d’un pays qui n’est pas le sien (en l’occurrence, l’une des rares nouvelles de Tcheckov), et le porte à l’écran d’une manière étonnamment intime, comme si cette culture était la sienne… Malgré l’accent le port so british de George Sanders, malgré le doux sourire si américain d’Anna Lee, la Russie existe bel et bien devant la caméra de Sirk, aidée par la superbe musique de Karl Hajos.

Le film donne une image plutôt sympathique de la Russie soviétique, dans le prologue et l’épilogue (Hollywood, en 1944, aidait volontiers l’Amérique à faire les yeux doux à l’URSS). Mais la vision de la Russie tsariste, si décadente soit-elle, n’est pas non plus totalement antipathique : l’absence de morale de la plupart des personnages s’apparente moins à de la médiocrité qu’à de l’infantilisme. Celui du comte est particulièrement frappant : en confiant ce personnage pourtant dramatique à Edward Everett Horton (plus habitué aux rôles comiques, notamment chez Lubitsch), Sirk donne un ton étonnant, presque léger, à la tragédie et à la déchéance.

Pas d’angélisme pour autant dans l’approche de Sirk, qui filme de vrais destins tragiques, réservant à George Sanders une dernière séquence d’un cynisme absolu.

• Longtemps introuvable, L’Aveu vient de sortir en DVD chez Sidonis, premier film d’une nouvelle collection consacrée aux « grands auteurs ». En bonus : des présentations du film par Patrick Brion, et surtout Bertrand Tavernier qui s’étend longuement sur la production, les qualités et les défauts du film, et ses propres souvenirs liés à sa découverte du deuxième film américain de Sirk…

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