Niagara (id.) – de Henry Hathaway – 1953
Hathaway est-il plus fasciné par les chutes du Niagara ou par celles des hanches de Marilyn ? La question reste en suspens pendant une bonne partie du film, mais au final, c’est bel et bien le décor monumental qui est au cœur de Niagara. Mieux : il est même le sujet principal, et sans doute sa raison d’être.
Loin d’être anecdotique, l’omniprésence de ces chutes dans l’image donne le ton du film, et conditionne les rapports entre les personnages, comme le résume celui de Joseph Cotten : parfaitement calme et serein en amont, puis de plus en plus agité, jusqu’à ce que plus rien ne puisse éviter la chute fatale. Une sorte de fatalisme qu’il s’applique à lui-même, et à sa propre tragédie en marche.
L’histoire elle-même, cependant, ne manque pas d’intérêt : dans ce décor idyllique de lune de miel, deux jeunes couples se rencontrent. L’un est simple et heureux : c’est Jean Peters et Casey Adams, charmants, honnêtes et profondément attachants. L’autre est torturé et visiblement au bord de la rupture : Marilyn Monroe et Joseph Cotten. Elle le trompe, lui en devient fou. Elle en joue, et fomente son assassinat avec son amant. Mais rien ne se passe comme prévu…
C’est une pure histoire de film noir, que Hathaway filme avec génie, parce qu’il n’oublie jamais de la placer dans son contexte géographique extraordinaire : pas un plan qui ne rappelle que le drame auquel on assiste se déroule dans un lieu paradisiaque. Il ne cède pourtant pas à la tentation de la carte postale : le site touristique des chutes du Niagara sert constamment l’histoire et ses rebondissements, comme Anthony Mann utilise le moindre élément de ses décors dans ses westerns.
L’autre grande idée, c’est de confronter deux couples absolument opposés, et d’entraîner l’innocence totale incarnée par Jean Peters (décidément craquante) dans la spirale machiavélique de Marilyn Monroe et de sa « victime » de mari. Marilyn, loin de la légèreté à laquelle elle nous a davantage habituée, trouve l’un de ses meilleurs rôles, dans l’un de ses meilleurs films.
Elle n’est que le déclencheur du drame, et sa présence provocante habite le film. Mais l’histoire tourne essentiellement autour de Jean Peters et Joseph Cotten, jusqu’à la dernière séquence dans un bateau dérivant vers les chutes, sommet de suspense vers lequel tout le film semblait se diriger inexorablement.
• Un blue ray sans bonus, si ce n’est une poignée de bandes annonces, vient de sortir chez Europa.
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