Rose de minuit (Midnight Mary) – de William A. Wellman – 1933
Tourné quelques mois seulement après Frisco Jenny, ce Midnight Mary a visiblement pour objectif de capitaliser sur le succès du film de Wellman, en reprenant le même cinéaste, et un thème similaire. Comme Jenny, Mary est une jeune femme qui n’aspire qu’à mener une vie décente et honnête, mais qui est née du mauvais côté.
Orpheline très jeune, elle semble marquée par le destin, qui contrarie perpétuellement ses velléités à rentrer dans le rang, la renvoyant constamment auprès d’une bande de gangsters qui se considèrent comme sa véritable famille, et avec lesquels, malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à couper le cordon.
Ce Midnight Mary est toutefois très différent du précédent film de Wellman. Par la construction d’abord : le film commence dans un tribunal, alors qu’un jury se retire pour délibérer sur la culpabilité de la jeune femme dans une affaire de meurtre. Tandis qu’elle attend le verdict, Mary se remémore son passé, depuis sa misérable enfance jusqu’aux faits qui l’ont conduite dans ce tribunal.
Cet enchaînement de flash-backs donne un ton particulier au film. Certains épisodes sont abordés en quelques secondes, d’autres donnent lieu à de longues séquences admirablement construites… mais toutes participent au même mouvement tragique : celui du destin réservé à la jeune femme, amoureuse d’un homme trop bien né pour elle (Franchot Tone, parfait en fils gâté bourré de contradictions), et qui tente désespérément d’échapper au destin que sa naissance lui promet.
C’est Loretta Young, l’une des plus belles actrices oubliées. Ses grands yeux romantiques, son sourire de fillette insouciante, son profil de séductrice fatale, cette innocence et cette sexualité qui émanent d’elle en même temps… Tout ce qui fait qu’un film avec Loretta Young n’est pas un film comme les autres.
Dans ce rôle d’héroïne tragique, elle est constamment dans la note juste, n’en rajoutant jamais dans le mélo. Elle est à l’image du film, émouvant et digne à la fois. Wellman filme, mine de rien, une œuvre sans concession (malgré la fin) et assez osée, où les futurs amants parlent ouvertement de sexe dès leur première rencontre (sans consommer cependant). Un film, surtout, qui aborde sans faux-culterie le thème des origines sociales, et la prédisposition à la misère et au crime selon la naissance.
Ce pre-code est un nouveau bijou, gonflé, intelligent et passionnant, qui porte bien la marque de Wellman. Son style percutant, son talent de directeur d’acteur, son sens du dialogue, atteignent déjà des sommets avec ce magnifique Midnight Mary.
• Le film fait partie du troisième volume de la collection Forbidden Hollywood : un coffret de quatre DVD entièrement consacré aux films pre-code de William Wellman, édité en zone 1. En bonus pour ce film : un étrange court métrage, Goofy Movies, montage d’images muettes dont l’histoire est racontée par une voix off ; un dessin animé de cette année-là (Bosko’s Parlor Pranks), la bande annonce originale de Midnight Mary, et un commentaire audio du film par les historiens du cinéma Jeffrey Vance et Tony Maietta. Hélas, les sous-titres français, disponibles pour le film, sont inexistants pour les bonus.
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