Mogambo (id.) – de John Ford – 1953
Le succès des Mines du roi Salomon a donné des idées aux producteurs d’Hollywood : ainsi, l’Afrique pouvait être un argument commercial. De leurs côtés, plusieurs cinéastes aventuriers (Huston, Hawks plus tard) se sont engouffrés dans la brèche, et se sont offerts leur périple africain. Ford suit le mouvement, et le résultat est absolument merveilleux.
Des images superbes, des crépuscules bouleversants qui contrastent magnifiquement avec les lumières écrasantes du grand jour… Le travail sur la lumière fait partie des plus beaux de toute l’œuvre fordienne, et souligne impact de cet environnement à la fois féérique et hostile sur les relations humaines. Loin de chez eux, les personnages semblent constamment se dissimuler derrière des rideaux d’obscurité, des persiennes ou des moustiquaires, qui créent une étrange intimité.
Ford, lui, loin des studios, et loin de ses paysages westerniens habituels, fait ce qu’il a rarement fait avant : il se consacre entièrement aux sensations de ses personnages, à leurs attirances, à leurs désirs, à leurs sensations. Débarrassé de toute velléité purement dramatique (à l’image du Hatari ! de Hawks, aux thèmes et au cadre remarquablement similaires), Ford ne tombe pas non plus dans l’excès de spectaculaire, se contentant de filmer son sublime triangle amoureux.
C’est magnifiquement réussi : la frustration d’Ava Gardner est déchirante ; Grace Kelly, blonde froide et coincée, révèle dans ce cadre inamical une sensualité qu’elle-même semble découvrir.
Clark Gable est à la hauteur de cet affrontement de beautés mythiques. Dans un rôle qu’il connaît parfaitement pour l’avoir déjà interprété trente ans plus tôt (Mogambo est un remake de La Belle de Saïgon de Victor Fleming, dont il tenait la vedette en 1932, en studios cette fois), il est un pur fantasme fordien, l’un de ces personnages qui ont fait les grandes heures d’Hollywood, et qui renvoie d’ailleurs directement à l’un des plus célèbres de tous : Rhett Butler, qui semble réapparaître lors d’un baiser fougueux entre Gable et Kelly sur fond de soleil couchant rougeoyant.