Arrêt d’autobus (Bus Stop) – de Joshua Logan – 1956
Un cow-boy n’ayant jamais quitté son ranch paumé du Montana part se déniaiser en ville, et jette son dévolu sur une entraîneuse d’un bar plutôt mal famé… La comédie avait tout pour écoeurer le spectateur, en le submergeant de gags poussifs et de bons sentiments éculés. Et c’est vrai que les premières minutes font craindre le pire : le nouveau venu Don Murray (l’un des héros de mon enfance avec la série western Les Bannis) cabotine comme c’est pas permis dans le rôle de ce niais bouseux qui monte à la ville. Et on ne voit que lui, Marilyn Monroe n’apparaissant qu’au bout d’un long prologue.
Le film ne fait pas dans la dentelle, avec un niais vraiment niais qui traite la femme qu’il veut épouser comme du bétail, la prenant même au lasso pour l’emmener avec lui comme la prise de luxe qu’elle est à ses yeux. Les dialogues aussi vont loin dans cette direction, et pas toujours avec un grand sens de la mesure (« Le taureau que j’ai attrapé n’avait pas envie que je le fasse tomber, mais je l’ai fait. Pourquoi ferais-je différemment avec elle ? »).
Pourtant, il se passe quelque chose de magique devant la caméra de Joshua Logan, cinéaste pas toujours finaud (voir la démesurée Kermesse de l’Ouest avec Clint Eastwood en cow-boy chantant, niais lui aussi). Frôlant constamment la farce grotesque, le film reste toujours sur le fil et enthousiasme grâce à un rythme endiablé, et un équilibre absolument parfait entre la comédie et l’émotion la plus délicate.
Marilyn, dans un rôle de femme enfant enfermée dans un corps de femme fatale, est profondément émouvante, y compris dans les moments les plus ouvertement comiques du film. La première heure, enchaînement incessant de purs moments de folie, semble en fait n’être qu’un joyeux prétexte pour enfermer tous les personnages, en crise, dans un « diner » de la ligne de bus, bloqué par la neige.
Là, le ton change radicalement. Un plan, surtout, marque la rupture. Don Murray se lève et tend le bras vers Marilyn qui s’éloigne et n’attend qu’un signe de sa part, mais n’ose pas la retenir. Il y a dans ce plan une simplicité et une émotion toute retenue qui sont absolument magnifiques.
Bus Stop réussit à trouver un équilibre rare entre humour potache et sensibilité à fleur de peau, entre rythme pur et belle intimité. Le film avait tout pour être pénible, il est magnifique.
• Belle qualité pour le blue ray qui se résume à l’essentiel : le film. Pas de bonus, si ce n’est quelques bandes annonces de films avec Marilyn.