Le Repenti (El taaib) – de Merzak Allouache – 2012
En 2000, après une décennie d’attentats et de massacres, l’Algérie tente de renouer avec la paix. La loi de la « concorde civile » permet aux islamistes maquisards de quitter les montagnes et de retourner chez eux. Une quasi-amnistie dont profite Rachid, jeune fermier qui avait rejoint les « frères » islamistes.
Quel y a été son rôle précis ? A-t-il participé directement à des massacres ? Lui affirme que non, ses yeux perdus sèment le doute, et Merzak Allouache n’en dira rien. Le sujet écrit et filmé par le cinéaste franco-algérien est fort, très fort : la réinsertion d’un ancien terroriste est-elle possible, au sein d’une population directement victime de la violence dont il est le symbole tangible ?
Le film n’est pas franchement optimiste. Il donne aussi le sentiment de ne pas aller tout à fait au bout de son sujet, s’en sortant avec une pirouette scénaristique qui plonge le spectateur dans le flou pendant la moitié du film, et qui recentre l’histoire sur un pharmacien et son ex-femme, qui se sont séparés après une tragédie qu’on ne peut qu’imaginer jusqu’à la toute fin du film.
Choisir de ne révéler cette proposition que dans la toute dernière partie prive le film d’une émotion qui ne vient jamais vraiment, et le style caméra à l’épaule ne fait rien pour renforcer l’empathie. Il y a pourtant de beaux moments, et de beaux personnages : le couple qui semble ne plus avoir dormi depuis cinq ans, une vieille mère qui regarde son fils perdu dévorer sa soupe, et beaucoup de regards vides, seuls signes concrets des horreurs passées…
Mais Merzak Allouache est passé à côté d’un film important. De deux films importants, même : celui qu’il aurait pu faire avec l’impossible réinsertion du repenti ; et celui qu’il aurait pu consacrer à ses parents en deuil qui voient les assassins de leur enfant invités à reprendre la place dans la société. Deux visions humaines et politiques à la fois que le cinéaste n’ose pas aborder de front. La dernière image, glaçante, ne fait que renforcer cette sensation d’inaboutie.
• Le film vient d’être édité chez Blaq Out, avec une interview assez passionnante du réalisateur.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.