Ils ne voudront pas me croire (They won’t believe me) – d’Irving Pichel – 1947
Ce film noir méconnu n’a pas marqué l’histoire. La faute à une mise en scène un peu platounette d’Irving Pichel (le co-réalisateur des fameuses Chasses du comte Zaroff, quinze ans plus tôt), et à un noir et blanc sans profondeur qui empêchent le film de rivaliser avec les grandes réussites du genre. Mais ce film imparfait n’est surtout pas à mépriser. Il y a dans le scénario signé John Latimer (La Clé de verre ou La Grande Horloge) et Gordon McDonnell (L’Ombre d’un doute) une originalité et une audace qui le tirent de l’anonymat.
Les règles du genre sont bien respectées : notre anti-héros, interprété par le suave Robert Young, se retrouve prisonnier de ses choix désastreux, et de ses propres mensonges, jusqu’au point de non retour. Mais ce playboy est loin de la figure habituelle du film noir : c’est un parvenu lâche et manipulateur, qui a épousé une riche héritière pour son argent, et qui n’a pas le courage de quitter femme et confort pour ses maîtresses successives dont il semble pourtant amoureux.
La riche épouse mourra, on le sait dès les premières images : l’histoire est racontée par Robert Young, sur le banc des accusés pour son meurtre.
Drôle de film noir, où le héros est un lâche et un salaud, où la « femme fatale » est une épouse délaissée qui a perdu toute fierté et achète littéralement son mari pour le garder pour elle seule, et où le destin prend la forme d’un cheval blanc allongé près d’une rivière… C’est d’ailleurs la découverte de ce cheval par un jeune policier en uniforme qui représente le seul vrai moment de suspense du film. Alors que Young est emmené par les policiers près de l’endroit où sa femme est morte, il est sur le point d’être totalement blanchi lorsque le jeune flic insiste pour aller voir le cheval, scellant le destin du héros.
Mais l’essentiel est ailleurs : dans le portrait de cet homme si détestable qui réalise, en clamant son innocence, le poids de sa culpabilité. Dommage quand même que le personnage de l’épouse ne soit pas plus présent : elle aussi est passionnante, forte et minable à la fois.
La dernière scène va très loin dans l’ironie et le cynisme du destin. L’effet est un rien téléphoné et attendu, mais pas de quoi gâcher son plaisir.