L’Or du Hollandais (The Badlanders) – de Delmer Daves – 1958
Evidemment, à côté de La Flèche brisée et autres sommets du genre, L’Or du Hollandais fait figure d’aimable curiosité dans la filmographie du grand Delmer Daves. Mais ce curieux western mériterait bien d’être redécouvert. Parce que derrière une histoire a priori très classique (deux anciens bagnards préparent le vol d’une fortune en or), Daves signe un western qui ne ressemble à aucun autre, et une œuvre très personnelle.
Comme dans ses chefs d’œuvre, le cinéaste aborde des thèmes qui lui sont chers : le racisme, le respect de l’autre, et la place de l’homme dans une société trop violente qui ne lui ressemble pas. Comme James Stewart dans Broken Arrow, Alan Ladd et Ernest Borgnine, duo improbable et attachant, finissent par refuser les règles de cette société dont ils sont désormais des parias. Ladd remplace même le traditionnel pistolet dans son étui par un marteau de mineur…
Quant au gros Borgnine, il tombe amoureux d’une Mexicaine près de laquelle il trouve un inattendu havre de paix, variation à peine déguisée de Stewart chez les Indiens. On sent bien que la sympathie de Delmer Daves va moins au personnage secret d’Alan Ladd qu’à ce couple de bannis (la Mexicaine et l’ancien prisonnier).
L’enchaînement de deux courtes scènes sans conséquence sur l’intrigue est parlant. Dans la première, Ladd, cynique, lance à une belle intrigante : « Un homme doit être riche comme une femme doit être jolie. » Daves enchaîne aussitôt avec une jolie scène sans parole, du nouveau couple qui s’émerveille de la naissance d’un bébé. La rupture de ton entre ces deux scènes est nette, et presque naïve. Mais l’innocence retrouvée du patibulaire Borgnine est très émouvante.
Au passage, Daves égratigne un peu plus encore l’image de cette Amérique des pionniers, dont l’héroïsme en prend un sacré coup. Nos deux héros eux-mêmes, et même s’ils ne sont pas manchots lorsqu’il s’agit de dégainer ou de donner du poing (ce qu’ils font), passent plus de temps à casser des cailloux et à descendre au fond de la mine où l’or les attend, qu’à affronter les méchants.
La grande fusillade finale est peut-être moins impressionnante que celle de La Flèche brisée, et le ton est un peu moins sombre. Mais il y a quelque chose de profondément désabusé, là. Daves ne signe pas un film majeur, mais L’Or du Hollandais est une pièce de son œuvre qu’il ne faut pas négliger.