Waterloo Bridge (id.) – de James Whale – 1931
Dix ans avant le sublime remake de Mervyn LeRoy, la pièce à succès de Robert Sherwood avait eu droit à une première adaptation hollywoodienne, déjà très réussie. Ne connaissant pas la pièce originale, impossible de dire laquelle des deux versions est la plus fidèle. Mais ce premier film met en valeur le superbe travail de scénariste du second, qui sera nettement plus complexe et tragiquement romanesque que cette version 1931.
Le Waterloo Brigde de James Whale repose sur le même fil conducteur et les mêmes scènes-clés que son remake, mais d’une manière beaucoup plus simple et linéaire. La rencontre sur Waterloo Bridge menacée par les raids aériens de la Grande Guerre est quasiment la même, mais le poids omniprésent du conflit est bien moins perceptible ici. Le contexte du tournage, bien sûr, est différent : le film de LeRoy sera marqué par la seconde guerre mondiale, alors en cours, ce qui n’est pas le cas ici.
La guerre, dans le film de Whale, n’est qu’un ressors dramatique, une figure assez classique du destin, aussi tragique soit-il. L’une des principale différence entre les deux scénarios n’est pas anodin : la « faute » de Myra, contrainte à vendre son corps pour survivre, est antérieure à sa rencontre avec Roy, son chevalier blanc. Dès la rencontre de ces deux-là, leur destin est scellé. La responsable de cet amour impossible est moins la folie de la guerre que l’ombre de la grande dépression.
Moins bouleversant que La Valse dans l’ombre, Waterloo Bridge reste une belle réussite, passionnante et émouvante. Un film bien de son époque (l’ère pré-code Hayes), où la présence de danseuses semble n’être qu’un prétexte à filmer les comédiennes en petites tenues dans les coulisses, où, contrairement au remake, on voit Myra tapiner, et où la violence psychologique est souvent extrême.
Un beau film porté par une formidable Mae Clarke, et un Douglass Montgomery juvénile qui semble prendre vingt ans au fil de ces quelques jours. Les seconds rôles, cependant, sont nettement moins intéressants que dans le remake. La mise en scène de James Whale, elle, est très inspirée (malgré des transparences très approximatives), même si moins éclatante que celle de LeRoy. Whale n’est pourtant pas dans son terrain de prédilection, lui qui allait enchaîner avec Frankenstein, pour devenir l’un des grands noms du fantastique, au même titre que Tod Browning.
• Le film de James Whale figure en bonus sur l’indispensable double-DVD de La Valse dans l’ombre, édité chez Wild Side Vidéos il y a quelques mois.