Le Cardinal (The Cardinal) – d’Otto Preminger – 1963
Alors qu’il est nommé cardinal, un évêque se souvient des vingt-cinq années précédentes, de son parcours au sein de l’église et de la société, de sa foi et de ses doutes. Lorsque le film commence, la deuxième guerre mondiale vient d’éclater. Mais son histoire commence alors que la Grande Guerre fait rage, et qu’il est jeune prêtre que ses supérieurs envoient tenir son premier ministère en Amérique, à Boston, sa ville natale.
Durant les vingt-cinq ans qui vont suivre, cet homme d’église va être confronté à bien des dilemmes, et à des situations extrêmes qui vont l’obliger à se questionner sur sa propre pratique de la foi, et sur sa responsabilité d’homme. Sa sœur amoureuse d’une jeune homme d’une autre confession, l’obéissance aveugle à sa hiérarchie, la question de l’avortement (dans un cas particulièrement douloureux)…
Le film de Preminger embrasse son sujet avec une sincérité, une générosité, et une honnêteté qui forcent le respect. Son ambition est de mettre en scène les contradictions de l’église et de la foi ? Il filme les situations les plus difficiles, et a l’intelligence de ne jamais asséner une vérité établie, soulignant au contraire la complexité des choix qui sont faits… et les conséquences, parfois tragiques. Même lorsqu’ils sont protégés par la carapace de la soutane, les hommes d’église ne sont que des hommes.
Ce prêtre sera confronté à l’amour (pour Romy Schneider, qui venait d’être dirigée par Welles dans Le Procès), au racisme et à la violence du Ku Klux Klan, et même à la montée du Nazisme avec la position pour le moins tiède et ambiguë du Vatican… Le film fait de cet homme d’église un concentré de toutes les ambiguïtés de l’église : un homme foncièrement bon et simple, mais confronté à une responsabilité qui dépasse la simple condition humaine, et aux exigences politiciennes de sa hiérarchie.
Ce pourrait être un film donneur de leçon, et la durée (2h50) peut faire peur. Mais Preminger en fait peut-être son film le plus romanesque : une fresque fascinante, toujours à hauteur d’homme, qui traverse un quart de siècle d’histoire et se renouvelle constamment par de nouvelles intrigues, de nouveaux décors, de nouveaux enjeux, et de nouveaux personnages (on voit ainsi défiler Burgess Meredith, bouleversant en prêtre mourant ; Murray Hamilton, le futur maire de Jaws, en membre repentant du Klan ; Cecil Kellaway, le mari trop vieux du Facteur sonne toujours deux fois, en politicien du Vatican ; ou encore John Huston qui, en cardinal brut de décoffrage, faisait ses véritables débuts d’acteur).
Dans le rôle principal, Tom Tryon surprend. Lui qu’on avait vu un peu terne dans Les Compagnons de la gloire révèle ici un charisme magnétique. Formidable, d’une justesse exemplaire, il trouve là le rôle de sa vie.
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