Play it again, Sam

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Archive pour le 4 juillet, 2013

La Guerre des mondes (War of the Worlds) – de Steven Spielberg – 2005

Posté : 4 juillet, 2013 @ 4:37 dans 2000-2009, CRUISE Tom, FANTASTIQUE/SF, SPIELBERG Steven | 1 commentaire »

La Guerre des mondes (War of the Worlds) - de Steven Spielberg - 2005 dans 2000-2009 la-guerre-des-mondes

Remake d’un classique un peu cheap des années 50, nouvelle adaptation d’un roman très daté de HG Wells, cette Guerre des mondes version 2005 est sans doute la plus grosse production de Spielberg, le film le plus démesuré de sa filmographie. Mais c’est aussi, grâce à un paradoxe qui colle parfaitement à sa filmo, le plus personnel de ses films, celui dans lequel se retrouvent toutes ses obsessions, toutes ses figures récurrentes, et toute sa sensibilité…

Impossible de faire le tour de ce chef d’œuvre impressionnant, qui est non seulement l’un des sommets de sa carrière, mais aussi l’un des meilleurs films de la décennie, tout simplement. Notons juste que le film est peut-être celui qui illustre le mieux la rupture qu’a marqué, à Hollywood aussi, le 11 septembre. Des dizaines de films (post)apocalyptiques suivront, mais jamais avec autant de subtilité que celui-ci, et jamais avec un tel ancrage dans le quotidien de l’Amérique « normale ».

Car le point de vue adopté par Spielberg ici n’a rien « d’extraordinaire » : jamais la caméra ne s’éloigne de ce père de famille divorcé, un type on ne peut plus ordinaire interprété par un Tom Cruise qui n’a jamais été aussi bien. Non seulement ce mec n’est pas un surhomme (il ne jouera d’ailleurs aucun rôle dans le dénouement de cette guerre), mais il n’est même pas un type remarquable (genre James Stewart dans les films de Capra). Non, c’est un homme un peu immature, père pas terrible, ex-mari détesté par ses anciens beaux-parents, un type qui n’a à peu près rien réussi, surtout pas d’être respecté par qui que ce soit…

Et c’est son point de vue d’homme ordinaire que le film va suivre de bout en bout, nous plongeant ainsi véritablement au cœur de la population d’abord, puis au cœur de la masse des survivants en exode. Il y a dans ce personnage de père, qui révèle peu à peu ses failles terribles et sa détermination plus forte que tout à sauver ses enfants (dont la petite Dakota Fanning, dans l’une des meilleures prestations d’enfants qui soit), quelque chose de bouleversant. On sent Spielberg, lui dont la filmographie est marquée par la décomposition de sa propre famille lorsqu’il était enfant, particulièrement attaché dans ce combat du père.

Il y a des passages déchirants : le moment où Tom Cruise qu’il doit tuer froidement Tim Robbins s’il ne veut pas mettre sa fille en danger ; et celle où, dans le chaos de la guerre qui l’entoure, il doit choisir de laisser partir l’un de ses enfants pour ne pas perdre l’autre. Un passage qui fait furieusement penser au Choix de Sophie

Si l’ombre du 11 septembre plane évidemment sur le film, c’est surtout celle de la deuxième guerre mondiale qui domine cette Guerre des mondes, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres films de Spielberg. L’occupation, l’extermination d’un peuple, mais aussi le cycle de la vie, qui reprend immanquablement ses droits, même après les périodes les plus barbares… L’inspiration de Spielberg est évidente, mais traitée avec une parfaite intelligence.

Faisons-nous mal, et imaginons deux secondes ce que Michael Bay aurait fait d’un tel scénario, avec de tels moyens… Assurément pas la même chose ! Avec le plus imposant de ses blockbusters, avec des effets spéciaux omniprésents, des décors gigantesques, des tas de figurants… Spielberg, lui, signe son film le plus intime, le plus intelligent, et le plus émouvant.

Et il le fait avec un style ébouriffant. Pas le moindre plan anodin ici, pas la plus petite baisse de régime. Dès les premières images, la mise en scène de Spielberg est absolument exceptionnelle, très longs plans (souvent aidés par les effets numériques) d’une fluidité hallucinante qui suivent au plus près des personnages ballottés par le cours dramatique de l’histoire.

C’est du très grand art, et un plaisir de cinéma immense.

Riley the Cop (id.) – de John Ford – 1928

Posté : 4 juillet, 2013 @ 4:21 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John | Pas de commentaires »

Riley the Cop (id.) – de John Ford – 1928 dans 1920-1929 riley-the-cop

Tourné après des monuments comme Le Cheval de Fer, Les 3 Sublimes Canailles ou Quatre Fils, Riley the Cop fait figure d’aimable divertissement dans la filmographie muette de Ford. Le cinéaste aborde visiblement ce projet comme une récréation, et semble ne pas s’être investi à fond, même si on retrouve clairement ce qui fait l’esprit de beaucoup de ses films : un esprit frondeur irlandais qui définit nombre de ses personnages.

Riley est joué par J. Farrell McDonald (l’une des trois « sublimes canailles » de son western), mais ce pourrait être Victor McLaglen. Un Américain comme Ford les affectionne : marqué par ses origines irlandaises, porté sur l’alcool, et n’aimant rien tant que les amitiés viriles et les virées entre hommes.

Celui-ci est un flic de quartier, bonhomme et tir au flanc, qui a trouvé une sorte de havre de paix sur le trottoir dont il a la charge. Les dix premières minutes le montrent dans son « travail », côtoyant des habitants qu’il considère plus comme ses enfants, ou ses petits frères, que comme des suspects potentiels. Cette première partie, légère (comme tout le film) et pleine d’humour, est aussi curieusement assez émouvante : Ford filme une harmonie que l’on devine fragile.

Puis, Riley est chargé d’aller en Europe pour extrader l’une de ses ouailles, jeune homme amoureux parti retrouvé sa belle, mais arrêté pour un vol qu’il n’a pas commis. N’attendez pas qu’un semblant de suspense se mette en place : le film se résume essentiellement à une virée alcoolisée à Munich et à Paris, où Riley trouve l’amour (une Bavaroise au caractère bien trempé), tente de passer incognito mais est accueilli comme un prince par tous les policiers d’Europe qui reconnaissent en lui un confrère à la simple vue de ses (grandes) chaussures, boit énormément, et envisage de s’installer sur ce vieux continent qui n’a pas choisi cette loi si inhumaine de la Prohibition !

Bref, rien de sérieux à l’horizon. Riley the Cop est une rareté très mineure dans la filmo de Ford, très loin de ses chef d’œuvre, mais un film qui porte bel et bien la marque du cinéaste, son univers si personnel et chaleureux.

Oncle Boonme, celui qui se souvient de ses vies antérieures (Lung Boonmee raluek chat) – d’Apichatpong Weerasetakhul (2010)

Posté : 4 juillet, 2013 @ 4:14 dans 2010-2019, Palmes d'Or, WEERASETAKHUL Apichatpong | Pas de commentaires »

Oncle Boonme, celui qui se souvient de ses vies antérieures (Lung Boonmee raluek chat) – d’Apichatpong Weerasetakhul (2010) dans 2010-2019 oncle-boonme

La toute première séquence donne le ton de ce film qui, en décrochant la Palme d’Or, a aidé de nombreux cinéphiles (dont moi) à découvrir le Thaïlandais Apichatpong Weerasetakhul : dans un paysage verdoyant à peine éclairé par les reflets de la lune, une vache (un gnou ?… disons un bovidé) tire sur la corde qui l’attache à un arbre, et finit par se libérer, traversant alors de vastes étendues d’herbe désertes, jusqu’à s’enfoncer dans une forêt dense et touffue, où son maître finit par la retrouver pour la guider.

Cette longue séquence, fascinante et d’une grande beauté picturale, annonce le propre parcours de cet oncle Boonmee, apiculteur dont le rein malade est relié à une poche de goutte-à-goutte, lien symbolique dont il se libérera pour s’enfoncer lui aussi dans la forêt, vers sa mort. Le film raconte les derniers jours de ce sexagénaire, que sa belle-sœur et son neveu viennent rejoindre dans sa ferme perdue dans la campagne.

Dans ce havre de verdure transformé en mouroir, ils voient apparaître la femme de Boonmee, morte dix-neuf ans plus tôt. L’apparition de ce fantôme est bientôt suivie par celle de leur fils, lui aussi disparu depuis longtemps, et qui revient sous les traits d’une espèce de singe velu au regard rouge, silhouette d’une grâce inouïe dans l’ombre de la forêt. Puis, Boonmee partira à la recherche du lieu de première naissance, évoquant ses précédentes existences.

En voyant ce film, il y a d’abord la barrière de la culture, qui n’aide sans doute pas à comprendre toutes les subtilités du film. Le rapport à la mort, le respect incroyable de la moindre forme de vie (un insecte écrasé est ramassé avec le plus grand des égards) et la manière totalement dépassionnée de faire face à la mort de ses proches ou à sa propre disparition. Rien de froid dans ce rapport, pourtant : les retrouvailles de Boonmee et de sa famille disparue, sans effusion, sont bouleversantes.

Ce fossé de la culture déroute et séduit. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, mais il y a quelque chose de très beau dans cette manière si apaisée d’affronter la mort, et dans cette culture qui veut que les morts ne sont jamais loin, et que la vie est un cycle sans fin. Ce rapport à la mort est lié à une une connexion intime avec la nature (sublime), et ce lien inspire à Apichatpong Weerasetakhul des images d’une beauté sidérante. Froides et presque banales lors des rares séquences dans la « civilisation » (notamment la fin, étrangement déshumanisée), ces images, lorsqu’elles montrent les personnages comme faisant partie de la nature, touchent au sublime.

Secret défense – de Philippe Haïm – 2008

Posté : 4 juillet, 2013 @ 3:20 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, HAÏM Philippe | Pas de commentaires »

Secret défense – de Philippe Haïm – 2008 dans * Polars/noirs France secret-defense

Un film d’espionnage qui respecte toutes les règles modernes du genre, et dont le principal défaut est d’avoir été suivi par les excellents Zero Dark Thirty et Möbius, deux films qui, chacun à leur manière, explorent les méandres du renseignement post-11 septembre. Le film de Philippe Haïm est par moment une sorte d’ébauche de ces deux films, avec une même vision sombre et sans concession de l’humanité (mais c’est inhérent au genre depuis toujours).

Il y a une idée forte au cœur de ce film : montrer les destins parallèles de deux jeunes Français complètement paumés qui vont être happés chacun à leur manière par cette guerre qui ne dit pas son nom. D’un côté, Nicolas Duvauchelle, petit dealer sans avenir, qui croise l’islamisme radical en prison, et croit y trouver un sens à sa vie. De l’autre, Vahina Giocante, étudiante et pute à ses heures, qui croit trouver l’amour mais se retrouve recrutée malgré elle par la DGSE (sous les traits de Gérard Lanvin).

Deux gamins qui ne cherchaient qu’une seconde chance, et qui se raccrochent à ce qu’ils trouvent. C’est à la fois la plus belle idée du film, et sa limite. Parce qu’en faisant de ses deux personnages principaux des paumés un rien candides, Haïm n’affronte pas frontalement le danger de la radicalisation. Duvauchelle, surtout, est moins converti que manipulé. Sa dernière réplique (« Je ne suis pas Azziz, je m’appelle Pierre ») est éloquente. Quant à Vahina Giocante, son innocence et sa capacité à se faire manipulée jusqu’au bout est assez édifiante.

Pour le coup, c’est son scénario que Haïm aurait dû radicaliser. Mais ses deux jeunes acteurs sont formidables, et constamment convaincants. Et puis, quand il ramène son film au pur plaisir du thriller, le film est une grande réussite. La séquence finale de l’aéroport, en particulier, est un modèle de suspense comme on en voit rarement dans le cinéma français.

Ambitieux, imparfait, et séduisant.

Cinq cartes à abattre (Five card stud) – de Henry Hathaway – 1968

Posté : 4 juillet, 2013 @ 3:16 dans 1960-1969, HATHAWAY Henry, MITCHUM Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

Cinq cartes à abattre (Five card stud) – de Henry Hathaway – 1968 dans 1960-1969 cinq-cartes-a-abattre

Etonnant western, basé sur une intrigue purement policière : une partie de cartes qui termine par le lynchage d’un tricheur, et les survivants qui sont retrouvés morts les uns après les autres… Qui est le coupable ? Curieux mélange des genres, plutôt séduisant à première vue, surtout que le casting est à la hauteur : Dean Martin en joueur professionnel, Robert Mitchum en pasteur inquiétant (un emploi sur mesure depuis La Nuit du chasseur), et Henry Hathaway aux commandes.

Il y a de très belles choses tout au long du film. Quelques seconds rôles originaux et très réussis (la vieille tenancière de bar ; son employé noir, joué par le jeune Yaphet Kotto, observateur attentif et désabusé du drame…), un portrait assez réussi d’une société prête à imploser sous le poids de la suspicion (la séquence de la fusillade avec le shérif et son adjoint est très réussie)…

Beaucoup de scènes très réussies, donc, mais il manque un liant à toute cette entreprise. Hathaway, cette fois, semble avoir manqué d’une vue d’ensemble, et s’être contenté de filmer une série de séquences sans lien les unes avec les autres. Cela donne une série de moments assez mémorables, mais pas un vrai film. Et puis Bob Mitchum, en caricature de lui-même, n’est jamais tout à fait convaincant : dès son apparition, on sait que c’est lui le tueur, même si Hathaway attend le dernier quart d’heure pour nous le révéler clairement.

Cinq cartes à abattre est un film bâtard. Pas parce qu’il mélange western et polar (c’est bien ce qu’il y a de plus intéressant ici), mais parce qu’on sent bien que Hathaway est tiraillé entre ses propres racines classiques, et des influences plus modernes : celles du Nouvel Hollywood naissant (avec une musique, signée Maurice Jarre, résolument contemporaine) et de la télévision (pour le rythme feuilletonant et le ton).

Reste un bel exercice de style, et une belle prestation de Dean Martin (Dino interprétant lui-même la chanson du générique). Mais dans l’œuvre majeure d’Hathaway qui touche à sa fin (il ne signera plus que quatre films), ce western est définitivement très mineur.

Panic Room (id.) – de David Fincher – 2002

Posté : 4 juillet, 2013 @ 3:12 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, FINCHER David | Pas de commentaires »

Panic Room (id.) – de David Fincher – 2002 dans * Thrillers US (1980-…) panic-room

Au choix, Panic Room est le film le plus virtuose, ou le plus vain, de David Fincher. Les deux qualificatifs vont de pair, pour ce thriller qui est, sur le papier au moins, et de loin, le film le moins ambitieux du réalisateur de Seven, Zodiac ou Social Network. Jugez plutôt : une mère fraîchement divorcée et sa fille adolescente emménagent dans une énorme maison de Manhattan, dotée d’une « panic room », une chambre forte inviolable qui permet aux habitants de se mettre à l’abri en cas de menace ou d’intrusion. Devinez quoi : la première nuit, trois intrus pénètrent dans la maison.

Rien de plus : juste un thriller en huis clos, une histoire que Hitchcock aurait sans doute beaucoup aimée. Les clins d’œil au maître du suspense sont d’ailleurs omniprésents. Plus ou moins évidents, mais bel et bien présents : la maison tout en verticalité qui évoque Psychose, les deux héroïnes cloîtrées qui observent la menace par écrans interposés qui cite Fenêtre sur cour, l’utilisation du faux plan séquence qui ne peut pas ne pas faire penser à La Corde

La démarche de Fincher, d’ailleurs, ressemble beaucoup à celle d’Hitchcock dans nombre de ses films : comment s’emparer d’un sujet banal et pas franchement passionnant, et le transcender par la seule grâce de la mise en scène. Fincher semble ainsi n’avoir choisi ce sujet que pour le plaisir de jouer avec toutes les possibilités d’un décor unique (à l’exception de l’introduction et de la conclusion du film) : cette maison sur quatre niveaux qui lui inspire des mouvements de caméra verticaux et horizontaux pensés au millimètre.

Trop peut-être : c’est en tout cas l’impression tenace qui me restait de la sortie en salles. Le fameux plan impossible, où la caméra semblait traverser les entresols, les barreaux des escaliers, et même passer à travers l’anse d’une cafetière, m’avait paru le comble du tape-à-l’œil inutile et grotesque. Avec le recul, et une dizaine d’années plus tard, me voilà plus nuancé. Il y a certes un côté virtuose gratuit dans ces vastes plans séquences inimaginables sans le numérique. Mais Fincher donne aussi l’impression de justifier avec intelligence l’utilisation des effets spéciaux : des outils qui permettent de se débarrasser des contraintes purement physiques pour permettre la réalisation des plans parfaits, ceux qui conviennent le mieux à la scène présente.

Parce que le moindre mouvement de caméra, le moindre plan de coupe… Tout est ici au service du suspense et de l’impression d’étouffement et de menace qui pèse sur les personnages de Jodie Foster (parfaite, dans un rôle prévu à l’origine pour Nicole Kidman) et de sa fille. Comme dans The Game, autre film mal aimé de Fincher, la virtuosité du cinéaste est totalement destinée au plaisir du spectateur, plaisir basé sur la manipulation et sur la perception. Des thèmes décidément très hitchcociens…

La Valse dans l’ombre (Waterloo Bridge) – de Mervyn LeRoy – 1941

Posté : 4 juillet, 2013 @ 1:45 dans 1940-1949, LeROY Mervyn | Pas de commentaires »

La Valse dans l'ombre (Waterloo Bridge) - de Mervyn LeRoy - 1941 dans 1940-1949 la-valse-dans-lombre

On pourrait écrire un livre entier sur la prestation de Vivien Leigh dans ce film, l’une des plus bouleversantes de toute l’histoire du cinéma américain. Sur son visage incroyablement pur se mélangent les plus grandes émotions, et le poids insoutenable de la culpabilité, du malheur et du destin, implacable.

Remake d’un film de James Whale (dont je parle ici très bientôt), ce Waterloo Bridge est un sommet du mélodrame hollywoodien, au même titre que les grands films de Douglas Sirk ou Frank Borzage. Un chef d’œuvre dont on ne peut pas sortir sans avoir versé des torrents de larmes : de joie d’abord, puis de désespoir…

Le film commence sur le pont de Waterloo à Londres, en 1941, alors qu’un bombardement semble imminent. Mais l’histoire, elle, commence vingt-quatre ans plus tôt, sur le même pont, et dans les mêmes circonstances. En 41, un officier vieillissant, Robert Taylor, se souvient de sa rencontre avec une jeune danseuse, de leur face-à-face dans un abri souterrain, de leur coup de foudre, et de cet amour si incongru dans ce monde en guerre…

La première partie est une sorte d’état de grâce, une pure romance comme seul Hollywood sait les inventer. Le contexte mondial difficile (celui de 1917, mais aussi celui de la sortie du film) s’efface totalement devant l’amour si complet de ces deux-là, si beaux et attachants. La mise en scène de LeRoy épouse parfaitement cet état de grâce. Les gros plans sur les regards énamourés de Leigh et Taylor, lorsqu’ils se revoient à l’opéra, sont parmi les plus beaux du genre, du fait même de leur simplicité.

Cette pureté et cette profondeur des sentiments contrastent évidemment avec la suite, que laisse pressentir la sublime scène de valse qui donne son titre français au film (les musiciens soufflent les bougies les unes après les autres, plongeant peu à peu le couple dans l’obscurité). La descente aux enfers de Vivien Leigh n’en sera que plus brutale, lorsqu’elle apprendra (à tort) la mort sur le front de celui qu’elle aime.

Code Hayes oblige, jamais le mot prostitution n’est prononcé, pas plus qu’on ne voit Vivien Leigh (ou son amie Kitty, autre beau personnage) tapiner ou ramener un homme… Mais la réalité glauque et crue n’en est que plus cruelle. Le regard de Vivien Leigh, et la manière dont la mise en scène se fait plus âpre, plus pesante, donne toute la mesure de l’épreuve que traverse cette jeune femme-enfant, victime d’une réalité historique à laquelle elle pensait échapper grâce à l’amour.

Pas de méchant ici, si ce n’est cette guerre qui dévore tout : Vivien Leig n’est entourée que de bonté. Celle de sa colocataire, sans doute le personnage le plus héroïque et désintéressé du film. Celle de sa « belle-mère », compréhensive et aimante. Et celle de Robert Taylor bien sûr, image type du prince charmant. Cette omniprésente de la bonté et de l’amour est magnifique, parce qu’elle ne fait que renforcer le poids énorme de cette guerre dont, pourtant, on ne voit rien d’autres que les uniformes des soldats en permission.

Waterloo Bridge est l’un des plus beaux mélodrames depuis L’Heure suprême de Borzage. C’est aussi l’un des « cris » anti-militariste les plus déchirants du monde.

• La sortie du film de Mervyn LeRoy en DVD était déjà une grande nouvelle. Mais l’éditeur Wild Side a eu l’excellente idée d’inclure en bonus, outre une présentation passionnée du cinéphile Olivier-René Veillon, la première adaptation de la pièce de Robert E. Sherwood. Réalisé par James Whale en 1931, quelques mois après la création de la pièce à Broadway, ce premier Waterloo Bridge permet de réaliser à quel point le film de LeRoy repose aussi sur un grand travail de scénario.

Kansas en feu (Kansas Raiders) – de Ray Enright – 1950

Posté : 4 juillet, 2013 @ 1:18 dans 1950-1959, CURTIS Tony, ENRIGHT Ray, MURPHY Audie, WESTERNS | Pas de commentaires »

Kansas en feu (Kansas Raiders) - de Ray Enright - 1950 dans 1950-1959 kansas-en-feu

Autour de 1950, d’innombrables westerns mettent en scène d’authentiques figures de l’Ouest : John Wesley Hardin dans Victime du Destin, Jim Bowie dans Sur le territoire des Comanches… Le summum du genre étant d’associer plusieurs grands noms, en prenant évidemment beaucoup de libertés avec la vérité historique (Sam Bass et Calamity Jane dans La Fille des Prairies…). Kansas en feu s’inscrit dans cette veine, avec des têtes d’affiche prestigieuses.

Les frères James, les moins connus frères Younger et Kit Dalton, cinq gamins qui ont souffert des violences de la guerre civile et qui rêvent de se faire du Yankee, rejoignent la bande de guerilleros du Colonel Quantrill… Tous ces noms sont authentiques, et sont associés à des tueries qui n’ont pas de nom.

Il y a effectivement une violence assez impressionnante dans le film de Ray Enright : la bande de Quantrill enchaîne les massacres, que leur leader justifie en s’imaginant comme un chef de guerre dont les actions sont indispensables à la victoire du Sud. C’est l’excellent Brian Donlevy, grande figure du film noir (La Clé de verre), formidable dans le rôle de ce leader charismatique particulièrement complexe. Impitoyable, manipulateur, sanguinaire, il est aussi pathétique et curieusement noble et attachant, prisonnier de ses propres mensonges, et de ses propres horreurs.

Des cinq jeunots qui le rejoignent, Jesse James est le leader naturel. Un rôle sur mesure pour Audie Murphy et son mélange unique de juvénilité (le visage poupin d’un gamin qui n’a pas l’habitude de boire du whisky) et de rage (l’exécution de son adversaire lors du combat au couteau). Ses quatre amis et lui ont l’allure d’une bande de jeunes hommes normaux, à peine sortis de l’adolescence, qui aiment se chamailler mais sont aussi soudés qu’une grande famille.

Parmi eux, il y a le jeune Tony Curtis (Kit Dalton), dans l’un de ses premiers films. Second rôle encore en retrait, qui n’allait pas tarder à devenir l’une des plus grandes vedettes de la Universal.

Dans ce western passionnant et joliment réalisé, les tueurs paraissent bien sympathiques. Très attachants, même si la voix off est là pour nous rappeler qu’il s’agit là des débuts de cinq bandits sanguinaires, formés par un mentor monstrueux…

La corde (Rope) – d’Alfred Hitchcock – 1948

Posté : 4 juillet, 2013 @ 11:35 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, HITCHCOCK Alfred, STEWART James | Pas de commentaires »

La corde (Rope) - d'Alfred Hitchcock - 1948 dans * Films noirs (1935-1959) la-corde

Pour la beauté du geste, deux jeunes homosexuels de la bonne société américaine assassinent l’un de leurs amis, cachent le corps, et invitent les proches de leur victime pour la soirée…

Pour cette nouvelle adaptation d’une pièce de théâtre, Hitchcock s’est amusé à multiplier les contraintes : non seulement il respecte parfaitement l’unité de lieu et de temps, mais le film est (évidemment) connu pour n’avoir été tourné qu’en un seul plan. C’était en fait techniquement impossible, les bobines de film n’excédant pas dix minutes de projection. Huit plans séquences s’enchaînent donc dans un unique mouvement, sans coupure apparente.

Ce parti-pris assumé par le grand Hitch est brillantissime, parce qu’il révèle l’incroyable regard du cinéaste, son sens de la mise en scène et de l’image, sa capacité à créer le mouvement et à éviter toute sensation de « théâtre filmé », déjà marquante dans Lifeboat, autre film aux contraintes exceptionnelles. Pour autant, ce parti-pris marque aussi la limite du film : certains raccords (des noirs formés par le dos des acteurs) sont un peu faciles, et cassent le mouvement par ailleurs formidable du film.

Et puis Hitchcock « triche » à plusieurs reprises. Le premier plan de la rue est coupé pour montrer la mort de David. Et une véritable coupure apparaît lorsque la mécanique bien huilée des deux tueurs se heurte à un premier écueil. Mais cette rupture inattendue n’est pas un accident : elle souligne habilement l’irruption du doute dans l’esprit de James Stewart, qui jouait pour la première fois sous la direction de Hitchcock.

Mais ces longs plans séquences (un choix visuel qu’Hithcock a tenté en vain de reprendre dans Les Amants du Capricorne, sont film suivant) sont formidablement utilisés par le cinéaste, qui crée un rythme particulier, mais d’une fluidité exemplaire. Jamais ses énormes contraintes ne semblent gêner la caméra, dont les mouvements sont bien plus importantes que le scénario, édifiant mais réduit à sa plus simple expression (même si le film pose la question de la responsabilité des enseignants, de la notion de bien et de mal, et du cynisme de la classe aisée).

Il y a un paradoxe dans le cinéma d’Hitchcock : on sent que chaque cadrage, et le moindre mouvement de caméra, sont pensés et préparés au millimètre, et que rien n’est laissé au hasard ; et pourtant, il y a une fraîcheur et une sensation d’évidence quasi-unique qui se dégage de ses films. Avec La Corde, ce paradoxe est poussé à l’extrême, et le plaisir est immense…

Le Cardinal (The Cardinal) – d’Otto Preminger – 1963

Posté : 4 juillet, 2013 @ 10:58 dans 1960-1969, PREMINGER Otto | Pas de commentaires »

Le Cardinal (The Cardinal) - d'Otto Preminger - 1963 dans 1960-1969 le-cardinal

Alors qu’il est nommé cardinal, un évêque se souvient des vingt-cinq années précédentes, de son parcours au sein de l’église et de la société, de sa foi et de ses doutes. Lorsque le film commence, la deuxième guerre mondiale vient d’éclater. Mais son histoire commence alors que la Grande Guerre fait rage, et qu’il est jeune prêtre que ses supérieurs envoient tenir son premier ministère en Amérique, à Boston, sa ville natale.

Durant les vingt-cinq ans qui vont suivre, cet homme d’église va être confronté à bien des dilemmes, et à des situations extrêmes qui vont l’obliger à se questionner sur sa propre pratique de la foi, et sur sa responsabilité d’homme. Sa sœur amoureuse d’une jeune homme d’une autre confession, l’obéissance aveugle à sa hiérarchie, la question de l’avortement (dans un cas particulièrement douloureux)…

Le film de Preminger embrasse son sujet avec une sincérité, une générosité, et une honnêteté qui forcent le respect. Son ambition est de mettre en scène les contradictions de l’église et de la foi ? Il filme les situations les plus difficiles, et a l’intelligence de ne jamais asséner une vérité établie, soulignant au contraire la complexité des choix qui sont faits… et les conséquences, parfois tragiques. Même lorsqu’ils sont protégés par la carapace de la soutane, les hommes d’église ne sont que des hommes.

Ce prêtre sera confronté à l’amour (pour Romy Schneider, qui venait d’être dirigée par Welles dans Le Procès), au racisme et à la violence du Ku Klux Klan, et même à la montée du Nazisme avec la position pour le moins tiède et ambiguë du Vatican… Le film fait de cet homme d’église un concentré de toutes les ambiguïtés de l’église : un homme foncièrement bon et simple, mais confronté à une responsabilité qui dépasse la simple condition humaine, et aux exigences politiciennes de sa hiérarchie.

Ce pourrait être un film donneur de leçon, et la durée (2h50) peut faire peur. Mais Preminger en fait peut-être son film le plus romanesque : une fresque fascinante, toujours à hauteur d’homme, qui traverse un quart de siècle d’histoire et se renouvelle constamment par de nouvelles intrigues, de nouveaux décors, de nouveaux enjeux, et de nouveaux personnages (on voit ainsi défiler Burgess Meredith, bouleversant en prêtre mourant ; Murray Hamilton, le futur maire de Jaws, en membre repentant du Klan ; Cecil Kellaway, le mari trop vieux du Facteur sonne toujours deux fois, en politicien du Vatican ; ou encore John Huston qui, en cardinal brut de décoffrage, faisait ses véritables débuts d’acteur).

Dans le rôle principal, Tom Tryon surprend. Lui qu’on avait vu un peu terne dans Les Compagnons de la gloire révèle ici un charisme magnétique. Formidable, d’une justesse exemplaire, il trouve là le rôle de sa vie.

 

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