Passion (id.) – de Brian De Palma – 2012
Cinq ans après Redacted, De Palma revient à un cinéma plus expérimental et apparemment plus personnel, avec ce remake du dernier film d’Alain Corneau (Crime d’amour), co-production européenne où le cinéaste, loin de Hollywood et des contraintes qui avaient plombé son Dahlia Noir, retrouve la liberté qui était la sienne à la fin des années 70 ou au début des années 80. On le sent aussi cynique et sincère qu’à ses grandes heures.
Même si le film souffre trop souvent de son vernis glacial, à l’image de Rachel McAdams, qui n’a que l’apparence des blondes hitchcockiennes, pulpeuses et glamour, qui ont visiblement inspiré le personnage, De Palma retrouve la fraîcheur d’un jeune cinéaste, et ça fait du bien après une décennie pour le moins en demi-teinte.
La référence à Hitchcock est incontournable, une fois encore. Ce qui a toujours été un bon signe dans le cinéma de Da Palma, jamais aussi inspiré, et en liberté, que quand il se réfère à son maître. Et dans cet exercice si périlleux du remake, c’est ses propres imperfections qu’il semble vouloir réparer, et pas celles du film de Corneau : celles de ses précédentes réalisations, pas franchement abouties. Passion évoque ainsi, à tour de rôle, Le Dahlia Noir et Femme fatale, deux films malades.
Dans ce qui ressemble à un film de commande, De Palma renoue avec la veine de ses films du tournant des années 80, où le sexe, l’envie, la frustration, le voyeurisme et les faux-semblants étaient au centre de tout. Pas un retour en arrière pour autant : Passion est un film résolument moderne. Par l’utilisation des nouvelles technologies (on est dans le monde de la publicité et de l’audiovisuel), et par la peinture du monde impitoyable de l’entreprise (on est dans le monde de la publicité et de l’audiovisuel).
La première heure se concentre sur cet univers, qu’on a rarement vu aussi cruel. Le face-à-face entre Rachel McAdams et Noomi Rapace est un sommet du cynisme et de l’hypocrisie modernes : une vision absolument glaçantes de l’ambition à tout prix.
Bien sûr, il y a un meurtre. Mais à partie de ce moment précis, le film n’est plus qu’un jeu franchement réjouissant sur les faux-semblants et la manipulation. Le style même de De Palma change : jusqu’alors entièrement dédié au face-à-face entre ses deux actrices, il laisse sa caméra s’emballer, les plans se désaxer…
De Palma, comme dans ses plus brillants exercices de style (Snake Eyes, Pulsions…), s’amuse à nous manipuler, tout en ne nous cachant rien de ce qu’il y a à voir. Il ne triche pas, mais se livre à un jeu un rien sadique sur la perception. En grand maître de l’image (comme Hitchcock avant lui), il joue avec nos peurs et nos sentiments, par la seule force de sa mise en scène.
On sort de cette dernière partie à bout de souffle et exsangue, conscient d’avoir été une nouvelle fois manipulé par un maître du genre, et pressé de remettre ça…
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