Le Silence est d’or – de René Clair – 1947
En adaptant (très librement) L’Ecole des femmes, René Clair signe un charmant chant d’amour à un cinéma disparu, autant qu’à une époque révolue. Mieux, tourné au lendemain de la guerre (c’est son premier film en France après son retour des Etats-Unis), le film évoque avec tendresse et passion un Paris encore innocent, où tout n’est que légèreté, pas encore abîmé par l’occupation. On est alors dans les premiers temps du cinéma, avant même la Grande Guerre…
Maurice Chevalier, formidable et débarrassé de ses tics habituels, est un réalisateur qui enchaîne les tournages… et les conquêtes féminines. Vieillissant, il vit la même vie qu’à 20 ans, jusqu’à sa rencontre avec la fille de celle qui fut son seul authentique amour, dont il tombe amoureux.
Seul problème (si on excepte le fait qu’elle pourrait être sa fille naturelle) : la jeune femme est séduite par le jeune protégé du réalisateur (joué par un tout jeune François Périer), tiraillé entre son amour pour la fraîche provinciale et sa loyauté pour celui à qui il doit tout, et qui le considère comme un fils de substitution.
Le triangle amoureux est ici d’une belle complexité, contrarié par de potentiels rapports parent-enfant qui renforce l’amertume de cette lourde sensation du temps qui passe. Comédie légère et enlevée, Le Silence est d’or est aussi un film marqué par le poids du temps, de la nostalgie, et des rendez-vous manqués.
Il y a là une superbe reconstitution d’une époque disparue (et des plateaux effervescents du cinéma primitif), où la légèreté et la nostalgie ne sont jamais loin. Le ton est celui d’une comédie, et on rit franchement devant la gaieté apparente des personnages, et grâce aux effets inattendus de l’amour naissant sur les tournages et l’harmonie de ce microcosme.
Mais il y a dans le regard de Chevalier, vieux beau attachant, un début de nostalgie très émouvant : ce type vieillissant qui réalise peu à peu que sa jeunesse est derrière lui, est franchement touchant. D’autant plus qu’on imagine facilement le parallèle que fait René Clair avec le cinéma de sa propre jeunesse
Mais la jeunesse est un état d’esprit : le personnage de Maurice Chevalier s’en convaincra après s’être pris une belle claque. Comme Clair qui commence avec ce film une nouvelle carrière à succès en France. Nostalgique et tourné vers le passé, Le Silence est d’or est aussi une œuvre ouverte sur l’avenir…