Zodiac (id.) – de David Fincher – 2007
Après le triomphe de Seven, David Fincher avait entamé un cycle étonnant et hétéroclite, mais entièrement dédié à la manipulation et au pouvoir de l’image. Avec une relative sobriété (The Game), avec un style tape-à-l’œil tout droit venu de son passé de clippeur (Fight Club), ou avec une virtuosité un peu gratuite (Panic Room).
Avec Zodiac, Fincher signe peut-être son premier très, très grand film. Une œuvre fascinante et d’un grand classicisme qui annonce ses grands films à venir. En renouant avec le thème du tueur en série, on pouvait imaginer que le cinéaste allait surfer sur le succès de Seven. Il en prend au contraire le contre-pied. Alors que le précédent film flirtait avec le surnaturel, dans une ville cauchemardesque et inhumaine, et avec un tueur machiavélique à la limite de la caricature, celui-ci est absolument ancré dans la réalité.
Logique : l’histoire est vraie, celle d’un tueur surnommé « le Zodiac » ayant sévi dans la région de San Francisco entre le milieu des années 60 et la fin des années 70. C’est lui qui avait inspiré (librement) le tueur de L’Inspecteur Harry, film que les protagonistes de Zodiac découvrent d’ailleurs lors de sa première. Et le film est avant tout le portrait d’une époque de liberté et d’innocence perdues : celle des années 70 sur cette terre qui fut le paradis des babas-cool. Fincher restitue formidablement l’atmosphère de cette époque, et l’angoisse qui s’installe dans la population.
Le sujet du film, c’est aussi l’obsession. En cela, Zodiac est très comparable au formidable Memories of Murder du Coréen Bong Joon-ho, lui aussi inspiré d’un authentique tueur en série jamais arrêté. Une obsession qui, ici, habite et dévore littéralement trois personnages au cœur de l’enquête : un flic (celui qui a inspiré le Bullitt de Steve McQueen) interprété par Mark ruffalo, un journaliste star joué par Robert Downey Jr, et un jeune dessinateur de presse campé par Jake Gyllenhaal.
Les trois acteurs sont absolument formidables, donnant corps à l’obsession qui les ronge de l’intérieur, jusqu’au point de non-retour : tous trois perdront beaucoup dans cette histoire interminable, qui se prolonge des années durant. Le film fait parfaitement ressentir le poids insupportable du temps qui passe, les laissant parfois de longs mois, et même années, sans le moindre élément nouveau. Gyllenhaal, surtout, subit une mutation physique d’autant plus spectaculaire qu’elle ne repose que sur de petits détails : un regard fiévreux, des gestes moins apaisés… Il est ce type qui se sait condamné à chercher, conscient qu’il ne trouvera le repos que s’il croise un jour le regard du vrai tueur.
Fincher fait reposer son film sur ces petits détails qui soulignent l’obsession, la frustration, et la peur aussi, omniprésente dès la séquence d’ouverture. Car si le cinéaste évite ici tout effet gratuit, et toute surenchère, les scènes de crime, filmées sans fioriture, sont absolument glaçantes. Comme cette scène durant laquelle Gyllenhall se retrouve dans la maison d’un type qui pourrait être le tueur. Par de petits riens, sans que rien de tangible ne vienne appuyer la menace, Fincher fait de ce moment l’une des scènes les plus terrifiantes, les plus oppressantes et les plus claustrophobiques de la décennie.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.