Female (id.) – de Michael Curtiz (et William Wellman) – 1933
Tourné la même année que le trépidant et irrésistible Kennel Murder Mystery, ce Female est une nouvelle occasion pour Michael Curtiz de s’imposer comme un maître dans l’art de donner du rythme à un film. Avec un ton similaire, mais dans un genre totalement différent : pas d’intrigue policière ici, mais le portrait d’une business woman amoureuse du seul homme qui la repousse.
C’est une charmante comédie pre-code, dont le personnage principal est assez osé : Ruth Chatterton interprète la jeune et jolie patronne d’une grosse usine automobile, aussi intraitable en affaires qu’avec les hommes. Pour se faire une place dans cet univers machiste, elle se fait aussi dure que les hommes, refusant de se rabaisser à vivre en couple. Pour elle, les hommes sont à consommation unique : des employés qu’elle attire chez elle et qui finissent la soirée dans son lit… avant de prendre une belle douche glacée le lendemain.
Guess what : elle finira par tomber réellement amoureuse du seul employé à l’envoyer promener. Un type qu’elle avait justement rencontré par hasard dans une fête foraine, alors qu’elle cherchait (maladroitement) à se fondre dans la masse.
L’histoire est aussi romanesque et improbable que dans beaucoup d’autres romances hollywoodiennes. Mais le film, outre une comédie échevelée et bien sympathique, est surtout un beau portrait de femme, original et audacieux : une femme qui a choisi de renoncer au chemin tout tracé des femmes des années 30 et d’être le seul maître de sa destinée. Dans la plus grande partie du film, en tout cas.
Autant le dire : le dernier quart d’heure fout absolument tout par terre. La jeune femme volontaire et indépendante se range finalement à l’évidence, énoncée clairement par l’homme qu’elle aime et par son secrétaire, deux personnages pourtant ouverts et éclairés : une femme n’est pas faite pour travailler, mais pour s’occuper de son mari et élever ses enfants. Bon… On est en 1933, d’accord, mais ce retournement final équivaut aux douches froides que subissent les pauvres amants d’un soir de Ruth Chatterton. Et puis cette conclusion surprend d’autant plus après avoir vu le beau rôle réellement moderne et progressiste tenu par Barbara Stanwyck dans Night Nurse de William Wellman, l’année précédente. Le machisme a la peau dure…
• Female figure d’ailleurs dans le même coffret DVD que Night Nurse : le volume 2 de la collection « Forbidden Hollywood », chez TCM Archives, qui comprend trois autres films pre-code : The Divorcee de Robert Z. Leonard, A Free Soul de Clarence Brown et Three on a match de Mervyn LeRoy.