Joe Kidd (id.) – de John Sturges – 1972
Que l’on évoque les carrières de Sturges ou d’Eastwood, ce Joe Kidd fait généralement figure au mieux de simple curiosité, au pire de ratage, dans tous les cas d’œuvre mineure. C’était aussi mon avis jusqu’à présent, et il faut bien reconnaître quelques flottements dans le rythme de ce western, et une lumière un peu plate qui ne rend pas hommage aux beaux cadres d’un cinéaste encore très inspiré. La musique, aussi, signée Lalo Schiffrin, a des accents jazzy urbains assez étranges, qui ne collent pas très bien avec le style.
Mais malgré ces défauts, Joe Kidd est un western passionnant et très original, qui mérite largement d’être redécouvert. Le scénario, signé Elmore Leonard (le futur auteur de Jackie Brown), est foisonnant, et fourmille de belles idées, à commencer par celle au cœur du film, qui évoque les terres spoliées par les Américains, en l’occurrence aux paysans mexicains. Le sujet n’est pas totalement nouveau, mais tout en privilégiant le spectaculaire, les grands espaces et les fusillades, le film met en évidence le rôle de la justice et des tribunaux, ce qui n’est pas si courant.
La première demi-heure est étonnante, ne serait-ce que par la manière dont le personnage de Clint Eastwood nous est présenté : loin de son image habituelle d’homme de l’Ouest, popularisée par les films de Leone et réutilisée dans Sierra Torride. Il apparaît en costume de ville, portant un petit chapeau melon, et condamné par la justice à nettoyer les rues de la ville, balai à la main.
La suite lui permettra de regagner sa splendide, mais non sans mal : on le voit d’abord servant au côté d’un riche propriétaire cruel et impitoyable (Robert Duvall, tout juste sorti du premier Parrain), avant de prendre fait et cause pour les Mexicains, dont le leader n’est pas si blanc que ça. Bref, pas d’angélisme, mais une vision assez noire de l’humanité.
Dans la dernière moitié, le film se concentre essentiellement sur l’action et le suspense. Plutôt efficacement, d’ailleurs. Jusqu’au climax, qui est la scène la plus connue du film, et qui montre un train, conduit par Eastwood, traverser un saloon. C’est gratuit et pour le moins improbable, mais très franchement, ça mérite d’être vu au moins une fois…
• Joe Kidd vient d’être édité par Universal pour la première fois en blue ray, sans bonus et à prix modique, dans la même vague que La Caravane de feu. Un autre Eastwood sort en même temps : Sierra Torride de Don Siegel. Ainsi que Une bible et un fusil, avec John Wayne et Katherine Hepburn.