Texas (Il Prezzo del Potere) – de Tonino Valerii – 1969
Il n’y a pas que Leone et Corbucci dans le monde du spaghetti. Le non-spécialiste absolu que je suis a découvert avec un immense plaisir ce western italien signé Tonino Valerii (le réalisateur de Mon nom est Personne), assez passionnant et visuellement très impressionnant.
Le film possède les défauts qui me semblent inhérents au genre : une sur-utilisation du zoom (il n’y a décidément pas pire effet cinématographique) et une musique hyper présente, très inspirée de celles de Morricone. Un rien étouffante.
Mais surtout, il y a dans ce film un soin rare apporté à chaque plan, jusqu’au plus anodin. Et notamment l’utilisation d’un effet qui deviendra, plus tard, l’une des marques de fabriques les plus fascinantes de Brian De Palma : une image qui présente à la fois un très gros plan très net, et un arrière plan tout aussi net. Cet effet, presque généralisé dans les scènes de dialogues, illustre parfaitement la volonté de Valerii de soigner l’esthétique de son film, et renforce le malaise de ces scènes.
Côté scénario aussi, le film affiche une vraie ambition. Derrière cette histoire d’un ancien soldat impliqué malgré lui dans l’assassinat du président des Etats-Unis (joué par Van Johnson, l’écrivain aveugle de A 23 pas du mystère) se dissimule à peine l’assassinat de JFK, survenu six ans plus tôt, et que le film revisite façon western.
Le titre original (« le prix du pouvoir ») est d’ailleurs plus parlant que le titre français, Texas, qui rappelle quand même que l’histoire se déroule bel et bien à Dallas. On peut quand même se demander pourquoi la VF a fait du président un Sénateur… Raison de plus pour voir le film en italien.
Très loin du Dallas de 1963, ce Dallas-là est une petite ville de l’Ouest encore sauvage, mais la scène de l’assassinat semble être un copié-collé d’images que le monde entier connaît : celles de la mort de Kennedy. Une voiture décapotable, la réaction paniquée de l’épouse du président, et même la polémique sur l’identité du tireur et sur l’hypothèse d’un tueur isolé.
De ce président imaginaire, habité par la stature de Lincoln (omniprésent par le biais de portraits, ou de statues qui apparaissent subrepticement), le film fait un mixte fantasmé de Kennedy et Lincoln, une sorte de président définitif, grand homme politique qui croit en l’égalité entre les hommes.
Bien sûr, cet arrière-plan politique, aussi sincère soit-il, n’est qu’un prétexte. Le film est avant tout un vrai film de genre, avec un casting inattendu (on retrouve aussi Fernando Rey) autour de Giuliano Gemma, l’un des grands noms du cinéma de genre italien.
Relativement méconnu en France (sauf pour les grands amoureux du genre), Texas a souffert d’avoir été largement coupé lors de sa sortie française : il avait été amputé d’une vingtaine de minutes pour pouvoir être projeté dans un double-programme. La belle édition DVD d’Artus permet pour la première fois de découvrir la version intégrale de ce très bon spaghetti.