Appelez Nord 777 (Call Norhside 777) – de Henry Hathaway – 1948
Le film d’Hathaway s’inspire d’un fait authentique. Une petite annonce a attiré l’attention d’un journaliste américain : une vieille dame lançait un appel à quiconque pourrait donner une information qui permettrait d’innocenter son fils, emprisonné depuis onze ans pour le meurtre d’un policier. Le point de départ est déjà passionnant, mais l’implication du journaliste, les problèmes de société que son enquête soulève (la place du journaliste, le sérieux de la police…), et l’approche choisie par Hathaway, font du film une œuvre majeure.
C’est un style quasi-documentaire que le cinéaste adopte : une voix off qui intègre constamment l’enquête dans son contexte historique, un noir et blanc au grain épais proche des authentiques images d’archive, et la décision de tourner dans les vrais décors du drame. Les rues de Chicago sont celles où le journaliste a vraiment enquêté, la prison est celle où le fils a passé onze ans de sa vie… Il y a un vrai accent d’authenticité dans ce film, notamment dans sa manière de montrer la communauté polonaise, au cœur de l’histoire.
Les quartiers populaires et miséreux, où les appartements transpirent la pauvreté et la promiscuité, sont formidablement filmés, tout comme ces bars innombrables qui semblent totalement privés de joie et d’entrain. C’est l’une des grandes forces du film : réussir à faire ressentir le quotidien miséreux de cette communauté d’immigrés qui peinent à se trouver une place dans cette Amérique pas si accueillante. Un quotidien qui contraste avec celui du journaliste et de sa jeune épouse, image presque stéréotypée du couple américain moyen, qui boit des bières en faisant des puzzles.
James Stewart, forcément, est le choix idéal pour jouer cet Américain au grand cœur, lueur d’espoir dans une société qui n’accorde pas la même chance à tous. C’est aussi un grand film sur le monde de la presse, avec une vision certes romantique du métier de journaliste, mais parfaitement lucide : Stewart joue certes les redresseurs de tort, mais son enquête répond d’abord à la nécessité de plaire aux lecteurs, et aux financeurs. Call Northside 777, chef d’œuvre de plus à mettre au crédit d’un Hathway décidément très sous-évalué, est un grand film américain..